Gaëtan Duval, monument de l’île Maurice moderne

9 octobre 1930 – 5 mai 1996

Plusieurs fois Vice Premier ministre et ministre, lord-maire de Port- Louis, maire de Curepipe, chef de file du Parti mauricien social démocrate (PMSD), homme de loi flamboyant, Sir Gaëtan Duval est un monument. Fin diplomate et brillant ambassadeur du tourisme, il fit connaître l’île Maurice dans le monde entier. Sa réputation a dépassé celle de son pays natal et son nom résonne encore là où il a laissé son empreinte, que ce soit aux confins de l’Afrique francophone ou dans les grandes capitales européennes.

Il naquit le 9 octobre 1930 au sein d’une famille de la petite bourgeoisie créole, à rue Barkly, Rose-Hill. Très tôt, il eut la douleur de perdre son père et, sans le soutien de sa tante son destin eût été différent. Grâce à cet encadrement familial, il eut une scolarité exemplaire d’abord à l’école primaire de St Enfant Jésus à Rose Hill puis au Collège Royal de Curepipe. Ayant décidé de se faire avocat, il partit pour l’Europe où il fit de brillantes études à Londres et à Paris. De retour au pays, ses prestations au barreau ne laissèrent pas la classe politique indifférente. Jules Koenig, homme de loi et leader du Parti mauricien, le prit sous sa protection.

En 1959, le processus de décolonisation de l’empire britannique était en marche. Cette année là, le Parti travailliste fit table rase lors des élections législatives. Le Parti Mauricien perçu comme le parti des capitalistes n’obtint que 3 sièges. Pour sa première tentative Gaëtan Duval fut battu à Curepipe. Mais l’élection de son principal adversaire, fut invalidée par la Cour suprême pour vice de forme. A la suite de l’élection partielle qui s’ensuivit il fit son entrée au Parlement le 25 mars 1960.

Duval décida de combattre la popularité du Parti Travailliste en établissant une relation de proximité avec ses mandants. Il défendit la cause des nombreuses victimes du cyclone Carol de 1960 et obtint les faveurs des minorités ethniques qui craignaient pour leur avenir. Les rassemblements se déroulaient à l’américaine. Pour la première fois en 1963, le Parti mauricien réussit à voler la vedette au Parti travailliste. De véritables marées bleues déferlaient sur les villes.

Après les élections de 1963, fort de ses dix membres élus sur une chambre de 40 députés, le Parti mauricien voulait partager le pouvoir. Une manifestation eut lieu devant l’Hôtel du gouvernement, menée par Gaëtan Duval. Le gouverneur Sir John Shaw Rennie, donna son accord pour un gouvernement de coalition. Duval devint ministre du Logement en 1964. Sa priorité était de reloger les victimes du cyclone Carol et d’offrir un logement décent aux travailleurs. C’est ainsi qu’il fit construire les premières cités ouvrières – plus de 125 seront ainsi construites par la suite.

Au lendemain de l’indépendance, alors que la situation économique est catastrophique et que des affontements ethniques menacent de couper le pays en deux, Duval décide dans l’intérêt supérieur du pays de faire une coalition avec le plus Parti Travailliste, au detriment de sa popularité. A partir de ce moment, sa contribution au sein des différentes coalitions, riche et précieuse, sera à la base de l’édification de l’île Maurice moderne.

Au gouvernement, Duval donna le ton pour que l’économie qui reposait entièrement sur une mono-culture, se transforme en un système industriel avec la création de la zone franche manufacturière. Les accords sucriers dans le cadre des accords de Lomé et de Yaoundé portent aussi son empreinte, tant son poids diplomatique aura été déterminant. Avec son charisme, il réussit à attirer des célébrités dans l’île et faisant preuve d’un redoutable pragmatisme il permit à de grandes chaînes hôtelières de s’installer. Ce cocktail fit de Maurice une destination de rêve pour des milliers de vacanciers à travers le monde.

Mais Gaëtan Duval fut avant tout un grand humaniste. Brillant homme de loi, doué d’une mémoire hors du commun, il exerçait le métier d’avocat pour protéger la veuve et l’orphelin. Excellent en droit criminel, il s’engageait souvent dans des procès qui semblaient perdus d’avance, au détriment de sa popularité. Champion du capitalisme, il n’en a pas moins toujours défendu les droits des travailleurs. Il est ainsi à l’origine d’une des plus grandes avancées syndicales de l’histoire mauricienne avec l’introduciton dans les années 70 du 13e mois à tous les travailleurs manuels et intellectuels, un privilège qui perdure encore.

Gaëtan Duval aimait croquer la vie à pleines dents et vivait à 100 à l’heure, mais ne restait jamais insensible à la misère humaine. En 1989, il connut les affres de l’incarcération mais en sortit grandi, grâce à un indéfectible soutien populaire. A sa residence de Grand-Gaube il donnait quotidiennement rendez-vous à l’île Maurice tout entière.

Devenu Commandeur de la légion d’honneur en 1973, il fut élevé au rang de Chevalier en 1981 par la reine d’Angleterre. Mais ce grand Mauricien, adulé ou vilipendé, qui ne laissait personne indifferent est finalement parti sur la pointe des pieds dans la nuit du 5 mai 1996. Dans l’après-midi du 6 mai, une vraie marée humaine venue des quatre coins du pays, lui rendit un dernier hommage à St Jean où il est enterré. De mémoire de Mauricien jamais une foule ne fut aussi grande mais elle était assurément à la mesure de l’homme qui s’en était allé…

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