Histoire(s) du marronnage : la forteresse du Morne Brabant

En marge de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, Histoire(s) Mauricienne(s) vous propose de célébrer ceux qui furent les premiers dans l’histoire de notre pays à lutter pour la liberté et à combattre l’oppression. On les appelait les Marrons, ils avaient pour noms Diamamouve, Barbe Blanche, Sans Souci ou encore Madame Françoise … Leur épopée est retracée dans une série d’articles pendant tout le mois de février.

Durant toute la période de l’esclavage à Maurice, entre 1642 et l’abolition de l’esclavage, le marronnage fut présent. Les fugitifs s’organisaient souvent en bandes, petites ou grandes, et étaient dirigés par des chefs, souvent des combattants aguerris et des individus pleins de ressources. Ils exécutaient régulièrement des raids sur les plantations, pour s’approvisionner mais surtout pour faire régner la terreur. Selon les témoignages recueillis, leur objectif ultime était de constituer une armée et, avec l’aide des esclaves, rejeter tous les colons à la mer et prendre le contrôle de l’île.

Décrits comme des bandits et des assassins par les colons et les propriétaires d’esclaves, ils étaient surtout prêts à tout pour conserver leur liberté et atteindre leur objectif ultime. C’est pour cette raison qu’ils furent poursuivis sans relâche par les soldats qui n’hésitaient pas à les capturer et les punir de la façon la plus violente qui soit dans le but, eux aussi, de détruire la résistance et d’exterminer les Marrons jusqu’au dernier.

C’est Mahé de Labourdonnais qui lança cette répression impitoyable. Le gouverneur avait créé une maréchaussée spécialement pour donner la chasse aux Marrons. L’administration coloniale organisait la riposte en lançant à leur poursuite des escouades composées de civils et de militaires. Ces opérations donnaient lieu à de véritables combats mais aussi à d’horribles exactions: les chasseurs étaient récompensés pour chaque Marron capturé.

L’un des premiers chefs de bande capturé par les hommes de Labourdonnais s’appelait Sans Souci, un Mozambicain qui avait pris la fuite en 1726. Il était à la tête d’une petite bande de quatre hommes armés de fusil, de trois femmes et d’un enfant. Ils avaient trouvé refuge dans la région de Flacq, au lieu connu aujourd’hui sous le nom de Sans-Souci et accomplissait des raids réguliers sur les plantations. En novembre 1739, le chef fut capturé par un détachement de chasseurs de Marrons. A l’issue d’un âpre combat, ponctué d’échanges de coups de feu, ses compagnons purent s’échapper tandis que Sans Souci, les trois femmes et un enfant, furent capturés. Le châtiment infligé au chef fut impitoyable: il fut roué de coups et brûlé vif.

Mais les Marrons continuaient à faire régner la terreur, surtout dans les endroits les plus reculés de l’île. Quelques années plus tard, un autre Marron tint tête à la maréchaussée. Il s’agit de Barbe Blanche, un meneur d’hommes intrépide qui avait un véritable ascendant sur la bande qu’il commandait. Réfugiés dans la région du Morne Brabant, ses hommes et lui échappaient constamment à leurs poursuivants. Selon les témoignages, il avait trouvé refuge au sommet de la montagne qui s’élève à 555 mètres et dont le sommet, inaccessible, couvre une aire de plus de 15 hectares abritant une végétation luxuriante. Barbe Blanche est toujours demeuré introuvable…

La présence de Marrons sur la montagne ou les environs du Morne Brabant a été évoqué par l’écrivain Bernardin de St Pierre. Lors de son Voyage à l’île de France, qu’il effectua en 1768. Il écrit du Morne que “cet endroit est environné de noirs marrons” et, évoquant leur détermination à échapper à la capture, il poursuit en affirmant que “plutôt que de se rendre ils choisirent de se jeter dans le vide”.

Plus tard, Bellaca, un autre chef Marron, fit du Morne son repère. Ses compagnons et lui firent régner la terreur dans l’ouest, entre 1797 et 1802. Une proclamation de l’Assemblée Coloniale proposait même d’offrir la liberté à tout esclave qui apporterait des renseignements sur lui. Bellaca fut finalement capturé par un esclave faisant partie de l’escouade des chasseurs de Marrons. L’homme appartenait à un planteur de Rivière-Noire et fut connu partout comme celui qui tua Bellaca. Mais il ne recouvra jamais la liberté …

 

Sources : Satteeanund Peerthum et Satyendra Peerthum – Le marronnage à l’Isle de France – Ile Maurice, d’Amédée Nagapen

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