Mahé de La Bourdonnais, le fondateur de Port-Louis

Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec la Mauritius Ports Authority (MPA), met en lumière les personnages, petits et grands, qui ont façonné le port de Port-Louis au fil des siècles.

En 1722, lorsque les Français s’installèrent à Maurice, c’est le Port Nord-Ouest qu’ils choisirent. A cet emplacement, un îlot long et étroit fermait la rade à l’ouest, qui fut baptisé l’île aux Tonneliers. Au sud se trouvait la pointe dite du Caudan. La mer s’avançait jusqu’à l’emplacement actuel de la Place Guy Rozemont, longeait ce que sont aujourd’hui devenues la rue Moka et La Chaussée, jusqu’à la Place d’Armes.

Au nord, se trouvait une anse, bordée d’un marécage alimenté par un ruisseau, à proximité de ce qui devint la rue Royale. Une presqu’île s’avançant vers le nord, abritait une batterie puis un moulin à vent – cet édifice existe encore aujourd’hui sur le front de mer- puis la mer s’avançait à nouveau dans la terre pour former le Trou Fanfaron. Devenu officiellement le chef-lieu en 1731, ce site fut baptisé Port-Louis…

Sous les gouverneurs successifs, le port se développa lentement. C’est la Compagnie française des Indes orientales qui avait la mainmise sur l’Isle de France. Elle n’avait d’autre ambition que d’en faire un abri sûr pour ses navires sur la route des Indes. Aussi, le bilan de la première décennie de colonisation française n’était guère brillant et la Compagnie n’avait aucune idée de que l’on pourrait faire pour développer Port-Louis… C’est à partir de 1735, qu’un certain Bertrand François Mahé de La Bourdonnais prit les commandes de l’île et entama une transformation radicale de son port.

Né à Saint-Malo en 1699, ce breton s’était engagé comme mousse dans la marine marchande dès l’âge de 10 ans. A 20 ans, il était déjà lieutenant en second sur un vaisseau de la Compagnie des Indes. A ce titre, il navigua longuement dans l’océan Indien et porta même secours au Duc de Bourbon, un navire en perdition dans la baie de Saint-Paul à l’île Bourbon (La Réunion). Cet épisode donne une idée de la personnalité aventureuse et téméraire de La Bourdonnais puisque le jeune homme n’hésita à effectuer la traversée Maurice-La Réunion, seul sur une pirogue à voile, pour ramener à bon port le Duc de Bourbon.

Mais le jeune marin avait de grandes ambitions et voulait faire du commerce. Devenu capitaine de vaisseau, il servit d’abord pour la couronne portugaise avant de reprendre du service au sein de la Compagnie des Indes, puis mena des expéditions militaires sur les côtes du Bengale.  Entre-temps, Mahé de La Bourdonnais avait amassé une petite fortune mais son ambition était toujours aussi grande et son attirance pour l’océan Indien aussi forte. En 1733, il convainquit la Compagnie des Indes de faire de l’Isle de France et de son port une escale importante sur la route des Indes.

Sur les dix années durant lesquelles il occupa le poste de gouverneur des îles de France et de Bourbon, Mahé de La Bourdonnais ne séjourna en tout et pour tout que 58 mois aux Mascareignes, dont 3 mois par an à Bourbon. En si peu de temps, il bâtit une ville, fit construire des routes, lança l’industrie sucrière et, surtout, fit de Port-Louis un véritable port d’escale, favorisant les prémices d’une activité commerciale qui allait faire la réputation du petit port mauricien.

Le port était déjà équipé de quais, d’entrepôts et de fortifications. Mais le gouverneur La Bourdonnais savait ce qui était requis pour faire de Port-Louis un port digne de ce nom : il lui fallait des bateliers, des dockers, des entrepôts, des services portuaires de base et un chantier naval. Il employa les grands moyens, voire la manière forte. Il fit venir de la main d’œuvre des Indes mais aussi de nombreux esclaves de Madagascar et des côtes africaines. L’homme avait de la poigne et faisait preuve d’une grande autorité. Il était redouté des ouvriers et détesté des colons auxquels il imposait une discipline de fer.

La Bourdonnais fit bâtir un hôpital de 300 lits, un moulin à blé, une boulangerie, une canalisation pour amener l’eau depuis la Grande Rivière Nord-Ouest jusqu’au port. Il fit ériger, sur la Place d’Armes, en face de la rade, un hôtel de gouvernement, une salle du conseil, un bureau du greffe, la caisse du trésor, une salle d’armes, une armurerie, le logement du commandant… Pour les marchandises, un magasin en pierres de taille fut érigé, pour stocker les produits d’Inde et d’Europe, les grains, les vins et autres boissons…

Le gouverneur était aussi un militaire. Il fit ériger un mur d’enceinte, percé d’une porte voûtée qui servait de passage pour aller de la Place d’Armes au port. Suivant les plans de l’ingénieur Jean-François Charpentier de Cossigny, il fit ériger des batteries de canons de chaque côté de l’entrée du port au lieu-dit Fort Blanc et sur l’île aux Tonnneliers, ainsi que sur les contreforts à l’extrémité sud du port, à l’embouchure de la Grande Rivière Nord-Ouest.

En 1740, Port-Louis avait radicalement changé de visage. On pouvait y réparer les navires mais aussi en construire et le port avait acquis une certaine renommée pour la construction navale. Port-Louis produisait des chaloupes, de petites embarcations, des brigantins et des navires de guerre qui servirent aux Indes contre les Anglais. Pour l’entreposage, La Bourdonnais estimait nécessaire de fournir l’île en commodités de base et en matériel pour le bon fonctionnement des petites fabriques et l’exploitation des plantations. Il introduisit ainsi le principe de free trade entre les îles (Maurice et Bourbon) et l’Inde qui garantissait à la colonie l’approvisionnement dont elle avait besoin… Cela lui valut des ennuis avec la Compagnie et il dut se justifier en se rendant en France en mars 1740.

Mais la Compagnie lui renouvela sa confiance et à son retour en 1741, il soumit un plan faisant de Port-Louis la base des opérations françaises dans l’océan Indien. C’est de l’Isle de France qu’il effectua plusieurs campagnes aux Indes contre les Anglais, d’abord pour la libération de Pondichéry en 1742, puis pour la prise de Madras, en 1746, s’absentant, à chaque fois, de nombreux mois. Entre-temps, un autre gouverneur, Barthélémy David, avait été désigné à sa place. Il fut accusé de fraude par la Compagnie et quitta l’île en avril 1747. A son arrivée en France, il fut jeté en prison à la Bastille. Libéré en 1751, affaibli par l’incarcération, il ne survécut pas longtemps et mourut en 1753.

Mahé de La Bourdonnais avait laissé une empreinte indélébile faisant de lui le véritable bâtisseur de Port-Louis et permettant surtout au port de revendiquer le statut de clé de la Mer des Indes. L’île Maurice reconnaissante lui érigea une statue imposante sur la place d’Armes.

Sources: Port-Louis, Histoire d’une capitale, de Jean Marie Chelin– Histoire maritime de l’Ile Maurice, de Jean Marie Chelin – Mauritian History, de Vijayalakshmi Teelock – Le Grand Livre des Entrepreneurs, Overseas Publications – Port-Louis, Mauritius, de Breejan Burrun

Illustration: collection Jean Marie Chelin

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