Le Port Nord Ouest, escale privilégiée des navigateurs

Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec la Mauritius Ports Authority (MPA), vous raconte l’évolution du port de Port-Louis, depuis les origines jusqu’à la fin du 20e siècle. Une invitation à parcourir 400 ans d’histoire en douze chapitres mensuels.

Le site sur lequel se trouve la capitale de Maurice et qui abrite l’un des ports de commerce et de transbordement les plus actifs du sud-ouest de l’océan Indien a été découvert il y a plus de 400 ans par les navigateurs hollandais. Répertorié le 1er janvier 1606 sous le nom de Rade des Moluques, par l’amiral Cornelius Matelief de Jonge, il est finalement appelé Noord Wester Haven sur les premières cartes hollandaises de l’île.

À l’époque des Hollandais, le site était inhabité mais servait de point de ravitaillement en eau douce aux navires de passage. Il était recouvert d’une végétation dense qui descendait jusqu’au rivage, envahi par la mangrove. On y trouvait des palmiers, des arbustes côtiers et de petits marécages. La côte était sablonneuse, bordée de coraux et découpée par plusieurs ruisseaux que l’on retrouve aujourd’hui encore (Ruisseau du Pouce, notamment).
Les navires de toutes nationalités qui affrontaient la traversée de l’océan Indien s’y approvisionnaient aux ruisseaux qui descendaient des montagnes mais surtout à la rivière qui se trouvait à quelques lieues plus au sud (aujourd’hui Grande Rivière Nord Ouest). Au début du 17e siècle, avant même la première colonisation hollandaise (1638-1658), de nombreuses flotilles hollandaises s’y arrêtaient en route pour les Indes et en provenance du Cap.

 

 

En 1606, de Jonge y avait fait planter des arbres fruitiers et relâché des chèvres et des porcs. Après le passage de l’amiral Van de Vivere en mai 1607, le Port Nord Ouest devint une poste restante pour les marins. Ainsi, en décembre 1607, une escadre de l’amiral Van der Hagen, en route pour le Cap et l’Europe y fit longuement relâche. Les marins installèrent un campement, firent sécher du poisson et réparèrent les avaries. Ils récupérèrent le courrier des navires précédents et en laissèrent pour les suivants.

Des navires anglais y firent également escale et inspectèrent les parages jusqu’à un endroit qu’ils appelèrent Carpenter’s Bay (premier nom de Baie-du-Tombeau), en mars 1613. À partir de cette date, les Anglais allaient régulièrement relâcher dans le coin pour se ravitailler en eau et en poisson, leurs navires de commerce faisant même des escales annuelles, au Port Nord Ouest ou à Carpenters Bay.

En 1615, un événement survint qui allait sceller le sort du Port Nord Ouest. L’amiral batave Pieter Both, de retour des Indes et en route vers l’Europe, y fit escale à la tête d’une flotille. Il s’y était déjà arrêté en décembre 1610, en route pour les Indes. La flotille, composée du Provinces Unies, du Delft, du Gelderland et du Banda, mouilla dans la baie le 15 mars 1615. Mais le lendemain, elle essuya une violente tempête. Trois des quatre navires furent projetés sur la côte, plus au sud. L’amiral et son équipage périrent dans le naufrage du Banda. La mort tragique de Pieter Both eut de lourdes conséquences sur l’utilisation du Port Nord Ouest sous l’occupation hollandaise.

Après 1615, plus aucun navire hollandais ne voulut utliliser le site. Les Hollandais étaient persuadés qu’il était dangereux pour les navires. Lorsqu’ils s’installèrent durablement à Maurice, à partir de 1638, le gouverneur d’alors, Cornelius Gooyer, gardant en tête le tragique incident, délaissa le Port Nord Ouest au profit de la baie de Vieux Grand Port.
La compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC) qui avait la mainmise sur le commerce dans cette région du monde, voulait exploiter le bois d’ébène que l’on trouvait à profusion dans l’île et préférait s’établir dans le sud-est. Selon les directeurs de la VOC, cette région représentait un abri plus sûr pour la réparation des navires, les terres y étaient giboyeuses et l’agriculture s’y développait. Suivant les directives de la VOC, le gouverneur Gooyer y fit bâtir un fort, premier du genre dans le sud-ouest de l’océan Indien.
Les navires de passage dans la région, notamment ceux battant pavillons anglais et français, préféraient, quant à eux, relâcher au Port Nord Ouest. Le gouverneur hollandais avait envoyé juste un détachement au Port Nord Ouest pour surveiller la côte. En 1707, au départ définitif des Hollandais la population du Port Nord Ouest se composait de “15 hommes, 12 femmes, 32 enfants et 47 esclaves”.
Mais les Français firent un choix différent. En 1715, c’est au Port Nord Ouest qu’ils prirent possession de Maurice, réléguant ainsi Vieux Grand Port au second plan. Ce choix s’avéra crucial. La présence fançaise allait changer le destin de Port-Louis et en faire une escale majeure sur la route des Indes. L’escale privilégiée des navigateurs trouvait ainsi toute sa legitimité.

 

 

Sources: Mauritian History, par Vijayalakshmi Teelock – Port-Louis, Histoire d’une capitale, par Jean Marie Chelin – Illustration: collection Jean Marie Chelin

 

 

Facebook