1e GM: des mauriciens à la campagne de Mésopotamie

La Campagne de Mésopotamie (actuel Irak), où s’affrontaient armée britannique et empire ottoman est un conflit qui reste assez méconnu dans l’histoire de la Première Guerre Mondiale. Des Mauriciens y ont combattu et plus de 1700 d’entre eux y ont été enrôlés à des moments différents entre 1916 et 1918, pour faire partie du Mauritius Labour Battalion, corps de travailleurs mobilisés.

La campagne de Mesopotamie débuta dès 1914 soit quasiment en même temps que commencèrent les hostilités en Europe. Au tout début, elle fut pour les forces britanniques et leurs contingents de sujets coloniaux qu’une promenade de santé. Elle fut, selon C.R.M.F Cruttwell, auteur de A history of of the Great War of 1914 – 1918, « une guerre visant à s’assurer le contrôle du terminal de l’Anglo – Persian Oil Company de la région de Bassorah et du Shat-El-Arab, au confluent de l’Euphrate et du Tigre, jusqu’au bord de la Mer Rouge ». Selon Sir Charles Lucas, auteur lui de « The Empire at war », d’audacieux et aventureux généraux anglais, à l’instar de Townsend, jettèrent très vite leurs dévolus sur les champs pétroliers irakiens du nord et c’est ainsi que soldats britanniques et indiens s’élancèrent vers Tirkrit et Mossoul.

Leurs marches furent parsemées d’embûches. Ils furent sérieusement ralentis par les grosses pluies, les tempêtes de sables, les inondations et nombre d’entre eux périrent de maladies (malaria et typhoïde). Commandés par de mauvais généraux aux tactiques militaires mal planifiés, ces vaillants soldats de sa Majesté, un peu comme les forces américaines récemment, évitèrent soigneusement de livrer de grands combats en contournant les grandes villes hostiles, et foncèrent directement vers Bagdad.

Après cinq mois de siège, ils engagèrent, le 22 novembre 1915, la bataille de Ctesiphon. Cette bataille est passée dans l’histoire militaire de la Grande Bretagne comme l’un des plus grands désastres, une boucherie. Selon Sir Charles Lucas, « à Ctesiphon, les troupes turques, commandés par le général Nur – Ul – Din infligèrent une terrible défaite à l’armée britannique. Celle-ci recensa 4500 morts. Dans les semaines qui suivirent 10,000 combattants britanniques furent capturés et des milliers d’autres mis en fuite errèrent pendant longtemps dans le désert où ils furent rattrapés, torturés et assassinés ».

Parmi les morts, le sous-lieutenant William B.S. D’Avray, fils du recteur anglais du Collège Royal de Curepipe. Il s’était porté volontaire au sein du XXXII Sikh Regiment de l’armée indienne. Il mourut les armes à la main à Ctésiphon (une plaque commémorative érigée à sa mémoire se trouve en l’église anglicane de St. Paul, à la Caverne, Vacoas).

Les forces britanniques, mieux organisées et renforcés par des régiments de soldats indiens et Mauriciens revinrent à la charge à partir de mars 1917 et après d’âpres batailles, finirent par prendre la capitale irakienne un mois plus tard. Ce qui leur permit ensuite d’envahir tout le nord du pays et d’établir un protectorat sur l’Irak et ses champs petrolifères jusqu’en 1958, date à laquelle le pays devint une république autonome non sans avoir été dépossédé des puits du Koweït.

L’effort de guerre du contingent mauricien en Irak ne fut pas négligeable. En tant que sujets coloniaux britanniques, les soldats mauriciens étaient répartis en deux groupes distincts. D’un côté, il y avait les volontaires et de l’autre les enrôlés du Mauritius Labour Battalion.

Le Mauritius Labour Battalion fut mis sur pied par le biais d’une Proclamation du Gouverneur, Sir Hesketh Bell, en novembre 1915. En ce début du 19e siècle, les préjugés sociaux étaient tenaces et cela se reflètait dans les agissements des autorités. C’est ainsi qu’il y eut des différences de traitements très visibles vis-à-vis des Mauriciens engagés dans la guerre – cette différence de traitement envers ces vaillants combattants allait par la suite se traduire par leur exclusion totale de la liste du monument dédié aux morts érigé devant le Collège Royal.

L’universitaire Manorama Ackung qui a écrit L’effort de guerre 1914-1918, quelle contribution de Maurice, rapporte que la proposition d’ Hesketh Bell, n’obtint pas l’adhésion immediate du War Office. «Les Anglais refusèrent à cause de la discrimination raciale. Ce furent uniquement les Européens pure souche qui furent recrutés», raconte Manorama Ackung. Embarrassé, le Gouverneur insista auprès du War Office et un avis de recrutement finit par paraître dans les journaux de l’époque. «400 personnes y répondront, environ 200 seront retenues et 100 Européens de pure souche seront engagés», explique la chercheuse.

Le premier contingent de ce Battalion quitta l’île Maurice pour la Mésopotamie le 10 janvier 1916. D’autres contingents suivirent en avril 1917 et un dernier groupe de 350 hommes s’embarqua en juin 1918. Le premier contingent fut affecté aux travaux de remise en état du port de Bassorah. Les hommes étaient dockers, peintres, maçons, électriciens, charpentiers ou encore chauffeurs ou cuisiniers. Le reste se vit confier d’autres tâches, dont celle de la surveillance des installations pétrolifères et des routes du nord du pays….

Ils étaient majoritairement créoles et indo-mauriciens, d’origine sociale plus modeste que les volontaires. Le corps de volontaires, lui, comprenait plusieurs médecins dont les docteurs Arthur Célestin, Clifford Mayer et Raoul Leblanc. Le bataillon était sous le commandement d’officiers franco-mauriciens ou britanniques. Parmi les officiers du Mauritius Labour Battalion se retrouvèrent MM. Gantit, Le Merle, Le Menu et O’Connor.

Le taux de mortalité du MLB, qui était à l’arrière du front, fut moins important que sur les champs de bataille. Néanmoins certains moururent de maladie : en Irak, en Inde après hospitalisation, à Maurice après rapatriement. Ils quittèrent la Mésopotamie pour rejoindre l’île Maurice à partir de 1920. Les morts furent enterrés en Irak au cimetière de Basra, à Kut, d’autres en Egypte (Suez et Heliopolis), et en Inde (Deolali et Kirkee). Quatre sont enterrés à Phoenix. Il s’agit de E. Augustin, P. Chaperon, J. L. Sarangue et L.R. Mayeur.

Sources: Week End – L’express

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