Abolition de l’esclavage : le goût amer de la liberté

L’abolition de l’esclavage intervint le 1er février 1835 à l’île Maurice. Elle fut accueillie sans grande joie par les esclaves qui se retrouvèrent libres mais perdus et sans ressources. Ironiquement, ce sont les propriétaires qui finalement en bénéficièrent le plus…

Entre le 1er août 1834 et le 1er août 1835, 800 000 esclaves dans l’ouest de l’Inde et à l’île Maurice, furent libérés. Ceci fut un évènement significatif. Ce ne fut pas seulement le plus grand relâchement d’esclaves des temps modernes, mais ce fut aussi la destruction de ce qui représentait le pilier de leur économie.

Le gouvernement britannique avait accepté le principe d’abolition de l’esclavage dès 1808 et avait, depuis 1823, introduit des lois dites d’amélioration du sort des esclaves. Mais ces lois n’étaient pas appliquées, notamment à cause des « conditions spéciales » existants aux colonies avec l’influence du mouvement antiabolitionniste.

La production agricole, plus particulièrement celle de sucre, fut durant la première moitié du XIXe siècle, inextricablement liée à l’esclavage. La plupart des esclaves des zones rurales vivaient sur de grandes propriétés. Celles-ci pouvaient mettre à contribution une centaine d’esclaves à la fois. Les autres esclaves étaient employés dans de petites plantations et la plupart d’entre eux furent donc liés directement ou indirectement à la production sucrière.

L’ordre de 1831 décréta l’abolition définitive de l’esclavage sans indemnité pour les propriétaires d’esclaves. A Maurice, on choisit la résistance passive à la révolte et les planteurs, sur les conseils d’un des leurs, Adrien d’Epinay, organisèrent une grève de quarante jours. En mai 1833, Lord Stanley, le nouveau Secrétaire britannique aux Colonies, proposa un autre plan jugé plus « réaliste ». Ce plan proposait une émancipation accompagnée d’une période d’apprentissage et d’une indemnisation aux propriétaires d’esclaves qui s’élevait à plus de 2 millions de livres. Le nombre total d’esclaves s’élevait à 66 613 (dont 26 800 esclaves agricoles et 22 200 esclaves domestiques, le reste étant les enfants et les vieillards). La moyenne de compensation par esclave était donc, pour les propriétaires, d’environ 30 livres.

L’administration britannique craignait des troubles violents à Maurice, surtout après l’opposition des planteurs et du gouverneur Nicolay. Mais, du côté des planteurs, tout se passe relativement bien. Les anciens propriétaires d’esclaves exprimèrent leur confiance grandissante, leur optimisme croissant, ainsi que leur mépris de plus en plus grand pour les règles britanniques. Ceci en partie dû au succès d’Adrien d’Epinay qui obtient 2.112.6320 livres de compensation pour les planteurs qui perdirent leurs esclaves, plusieurs milliers de cet argent furent introduits illégalement. Le paiement de la compensation fut largement reçu entre les grands planteurs et les propriétaires d’esclaves. Bien qu’ils ne représentassent que 5% des propriétaires d’esclaves, ils reçurent plus de 20% du paiement.

Une grande partie de cet argent fut réinvestit dans les propriétés sucrières et un grand nombre d’usines sucrières ont augmenté, passant de 167 à 203 entre 1833 et 1838.
La fin de l’esclavage fut accueillie sans grande joie par les esclaves, surtout parce qu’ils furent obligés de continuer à travailler sans être payés, pendant toute la période dite d’apprentissage qui dura jusqu’en 1839. Conformément à la politique officielle britannique, le système d’apprentissage fut mis en place pour habituer les ex-esclaves (devenus maintenant des apprentis) à leurs nouvelles responsabilités de citoyens libres.

Les plus à plaindre furent donc les esclaves libérés. Ils eurent du mal à s’adapter à leur nouveau mode de vie et pratiquement rien ne fut fait, tant sur le plan matériel que moral, pour faciliter leur insertion. Certains se lancèrent dans la petite agriculture et la production maraîchère aux Plaines-Wilhems, d’autres se tournèrent vers la pêche et fondèrent de petites communautés côtières.

Pour l’économie de plantation, le problème du remplacement de la main d’œuvre servile trouva une solution avec la venue d’une main-d’œuvre contractuelle en provenance d’Inde. La production sucrière augmenta et la situation financière des propriétaires terriens s’améliora avec les indemnités qu’ils avaient touchées. Le volume de sucre exporté augmenta. Parallèlement, il y eut aussi une légère augmentation dans les salaires ou encore des améliorations au niveau des méthodes de culture. D’Arvoy, le Consul français à Maurice, nota que l’île connu une période de prospérité qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps : la valeur des logements urbains doubla tandis que le prix des propriétés rurales tripla.

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