Août 1967: le Paille-en-queue prend son envol

En août 1967, Air Mauritius voit le jour. La compagnie d’aviation est créé par un homme de vision et de convictions, directeur de Rogers, pionnier du tourisme et héros de la Seconde guerre mondiale. « Amédée Maingard, une histoire mauricienne », film documentaire de Michel Vuillermet, dont la sortie est prévue fin 2017, retrace la vie d’un des plus grands Mauriciens de sa génération.

Jean-François Maurel, ancien directeur à Air Mauritius, a côtoyé Amédée Maingard. Dans le film, il évoque la genèse de l’aviation et du tourisme à Maurice. « À la fin de la guerre, lorsqu’il a commencé à travailler, il est allé voir la compagnie Air France et a déclaré en 1947 que le tourisme allait faire un bond dans le monde et il suggérait à Air France de venir jusqu’à l’île Maurice pour qu’ils soient présents. Alors à partir du moment où la compagnie avait trouvé la voie à travers Djibouti, le Kenya, Madagascar, la Réunion, ça a été le début du développement du tourisme à l’île Maurice. »

Dans les années 60, après plus de 150 ans d’occupation britannique, l’indépendance de Maurice est à l’ordre du jour. En 1966, les Britanniques exigent que la colonie, par des élections, accède rapidement à la souveraineté. La création d’Air Mauritius en 1967 et le développement de l’industrie touristique se déroulent dans un moment de haute tension sociale et politique.

Jeenarain Soobagrah, ancien chef du personnel d’Air Mauritius se rappelle le contexte dans lequel Amédée Maingard a créé la compagnie. « Il croyait dans une île Maurice indépendante quand il y avait une campagne très agressive, une campagne vicieuse contre l’indépendance. Et on sait très bien qu’à l’époque la population blanche était contre l’indépendance, l’industrie sucrière était contre l’indépendance. Mais là, vous avez un homme qui appartenait à cette communauté mais qui croyait dans l’île Maurice qui, on peut le dire, était à genoux… »

À cette époque, beaucoup de Mauriciens de la catégorie possédante ont émigré. Ceux qui sont restés avaient foi en ce petit pays. Sir Seewosagur Ramgoolam, Premier ministre pragmatique, s’est tourné vers les capitaines d’industrie. Il avait surtout une confiance aveugle en Amédée Maingard et avec ce type d’hommes le pays a connu graduellement une prospérité et s’est développé.

Gérard Espitalier-Noël et Guy Hugnin, deux proches collaborateurs d’Amédée Maingard, ont été des témoins privilégiés des premiers pas du Paille-en-queue. « L’idée de la formation d’une compagnie mauricienne devient de plus en plus importante. Les compagnies étrangères sont là mais elles peuvent aussi s’en aller. Si le business ne marche pas, qu’adviendra-t-il de Maurice? » C’est dans sa maison de Vacoas, avec un crayon et une règle que le directeur de Rogers a dessiné le logo d’Air Mauritius, le paille en queue…

Pour constituer le personnel, Amédée Maingard recrutait des jeunes Mauriciens encadrés par des professionnels qui venaient d’Air France ou de BOAC, à l’époque. Dominique Paturau, ancien commandant de bord, se rappelle les premiers battements d’ailes. « On avait la chance déjà que la compagnie était toute petite, on avait une dizaine de pilotes. Les chefs pilotes, au départ, c’étaient des Français et on était peu nombreux, donc on volait tout le temps avec les mêmes gars, tout le monde se connaissait, il y avait très peu d’hôtesses. Sur les vols de Rodrigues, il n’y avait pas d’hôtesses…»

L’un des souhaits d’Amédée Maingard, à travers la création d’une compagnie d’aviation nationale, c’était de donner du travail aux Mauriciens et « peu importe la couleur de la peau, ça lui était complètement indifférent », comme en témoigne Mary Ann Garrioch, l’une des premières hôtesses de l’air chez Air Mauritius. « La première fois qu’on a atterri à Londres, qu’on est arrivé à l’hôtel, il y avait d’autres équipages qui étaient là. Et les gens ne comprenaient pas d’où on arrivait, qu’est-ce qu’on faisait, de quel pays on sortait. Et puis, dès qu’on disait l’île Maurice ou Mauritius, c’était la fête. Donc, c’était toujours sympa d’avoir cet éventail de cultures que moi je trouvais génial. Cette diversité, franco-mauriciens, indo-mauriciens, sino-mauriciens, mélangés dans une équipe. »

Finalement, c’est grâce à la création de la compagnie d’aviation nationale que l’industrie touristique a pu décoller, mettant la destination mauricienne sur orbite. Philippe Espitalier-Noël, CEO de Rogers, rend hommage à son illustre prédécesseur. « Aujourd’hui, grâce à Dédé Maingard, grâce à sa vision, on a plus de cent hôtels sur l’île. Le développement haut de gamme a été décidé à l’époque, avec les dirigeants du moment, que ce soit Sir Seewoosagur Ramgoolam ou Sir Gaëtan Duval, pour créer une île Maurice haut de gamme en privilégiant le modèle 5-étoiles. »

Extraits de « Amédée Maingard, une histoire mauricienne », de Michel Vuillermet – Sortie prévue fin 2017

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