Son roman Paul et Virginie l’a dépassé en notoriété.Personnage aventureux, amoureux souvent éconduit, humaniste et ami de Rousseau, Bernardin de St Pierre eut une vie parsemée d’echecs, avant de se lancer dans l’écriture. Romantique, botaniste, auteur engagé, meme s’il ne fut pas fondamentalement anti-esclavagiste, il porta un regard critique sur son temps. Partout ou il est passé, il a provoqué des remous.
Sa vie Bernardin est un roman, probablement plus passionnant que ceux qu’il a écrits lui-même. Deux ouvrages Ile de France, Voyage et Controverses et Bernardin de St Pierre, Voyages à L’ile Maurice et à La Reunion en disent un peu plus sur l’homme et son parcours.
Né le 19 janvier 1737 au Havre, le jeune Bernardin montrait dès l’enfance un esprit rêveur et aventureux. Après avoir lu Robinson Crusoé, alors qu’il n’avait pas 12 ans, il s’imagine déjà en grand voyageur. Il embarque quelques années plus tard avec un de ses oncles, capitaine de navire, pour la Martinique. Mais la dureté de la navigation fait tomber ses illusions et il revient précipitamment au Havre pour s’adonner aux études. Il intègre le collège des Jésuites de Caen, puis effectue des études d’ingénieur des ponts et chaussées.
On est en 1760. Le jeune Bernardin intègre l’armée comme ingénieur mais, encore une fois c’est un échec puisque son insubordination le fait destituer. Il vit quelques temps à Paris, presque sans ressources. Son esprit aventureux le pousse à tenter de faire fortune à l’étranger en Hollande, puis à Saint-Pétersbourg, à Berlin, en Pologne. Mais il n’essuie que des échecs, en affaires comme en amour. Ainsi, à Varsovie, il s’éprend de la princesse Marie-Caroline Radziwiłł mais son empressement le fait congédier au bout de quelques mois.
Criblé de dettes, amoureux éconduit, Bernardin retourne en France fin 1766 et s’attelle à la rédaction de récits sur ses voyages en Europe. Mais ses projets littéraires n’aboutissant pas, il sollicite et obtient un brevet de capitaine-ingénieur pour l’Île de France, et part en 1768. Ce sera le tournant de sa vie et de sa carrière d’écrivain.
Sur place, il s’étonne de trouver, au lieu d’une île paradisiaque et sauvage, un endroit en proie à une féroce spéculation foncière et agricole, déjà largement déforesté. Il veut convaincre le gouverneur de l’île que les forêts primaires et une gestion raisonnée du développement agricoles sont nécessaires à la conservation des sols et du climat et que l’île ne pourra durablement se développer qu’à condition qu’on y respecte l’environnement. Cette prise de position unique ne lui attire pas que des amis mais fait de lui un écologiste avant l’heure…
Ses pérégrinations dans la nature l’entrainent au coeur d’un domaine de sept hectares de vallons et de bois arrosés par la rivière des Pamplemousses. Il y fait la connaissance d’une femme dont il tombera – encore – éperdument amoureux. C’est Mme Poivre, la femme de l’Intendant du Roy, Pierre Poivre.
Née Françoise Robin de Livet, d’une famille noble, elle a à peine 20 ans. Françoise a épousé Pierre Poivre le 17 septembre 1766 peu avant sa nomination a l’Isle de France. Elle a fait le long voyage depuis la France alors qu’elle était enceinte et s’est installée dans le domaine des Pamplemousses où son époux a créé l’un des plus beaux jardins botaniques du monde.
Bernardin essaye de la séduire, en vain. Elle sera sa muse.Cette aventure exotique qui le laisse sincèrement amoureux et désespéré lui inspirera Paul et Virginie.
Bernardin demeura trois ans aux Mascareignes. Revenu à Paris en juin 1771, à l’âge de 34 ans, il met un terme à 20 ans de vie aventureuse et se consacre à l’écriture. Il se met d’abord à fréquenter la Société des gens de lettres. Il se lie d’amitié avec Jean-Jacques Rousseau, qu’il accompagne dans de longues déambulations dans la champagne durant lesquelles ils s’entretiennent sur la nature et l’âme humaine.
En 1773, il publie Voyage à l’Île de France, à l’Île Bourbon, au cap de Bonne-Espérance, par un officier du roi. Ce récit sous forme de lettres à un ami, est probablement son oeuvre la plus importante, en tout cas d’un point de vue mauricien puisque c’est ce recit de voyage, aux teintes résolument humanistes, ecologiste avant l’heure, qui est le premier ouvrage écrit sur Maurice dont on tire aujourd’hui encore des informations cruciales. De par ses descriptions sans complaisance, Bernardin se mit à dos une partie de l’oligarchie esclavagiste de Maurice.
En 1787, paraît Paul et Virginie. Son talent de peintre de la nature y est plus apparent. Ce roman dont on aurait peine à trouver le pendant dans une autre littérature est l’un des premiers best sellers de la littérature française.
Bernardin publie par la suite, entre 1789 et 1808 d’autres ouvrages d’intérêt moindre dont des essais sur la nature sur son amitié pour Rousseau, des récits de voyage ou des contes satiriques. Il devient membre de l’Institut (Académie des Sciences morales et politiques). Le 9 novembre 1800, à plus de 60 ans il finira finalement par se marier. Il épouse Désirée Pelleport, fille d’Anne-Gédéon de La Fite-Pelleport, marquis de Pelleport et qui a à peine 20 ans. Elle lui donne un fils, un petit Bernardin qui mourra malheureusement peu de temps après, en 1804.
Bernardin écrit la dernière page du roman de sa vie en janvier 1814 et il s’éteint à 77 ans à Éragny, dans le Val d’Oise, au nord-ouest de Paris.
Sources – Ile de France, Voyage et Controverses (AlmA) et Bernardin de St Pierre, Voyages a L’ile Maurice et a La Réunion (Magellan et Cie) disponibles a l’Atelier Littéraire, rue St Louis, Port-Louis