La reine Beti, souveraine de l’île Sainte Marie à Madagascar, était la fille du roi Ratsimilaho et petite-fille d’un pirate américain. En 1750, elle épousa un aventurier gascon et s’installa à Maurice. Personnifiée à l’écran par l’actrice italienne Rossana Podesta elle était considérée comme l’une des plus belles femmes de son époque…
Au début du 18ème siècle, la côte nord-est de Madagascar constituait la base arrière des pirates de l’Océan Indien. Ils s’établirent principalement sur l’île Sainte Marie, longue de plus de 60 km pour une largeur maximale de 5 km et située au large de la côte nord-est de Madagascar. Ces forbans vivaient en bonne intelligence avec la population locale et se mirent en ménage avec les femmes de l’île.
Ainsi naquirent de nombreux descendants mulâtres. L’un d’entre eux, du nom de Ratsimilaho, probablement le fils du pirate Américain Thomas Tew et d’une princesse de l’ethnie Betsimisaraka, créa un royaume s’étendant de Foulpointe (Mahavelona) jusqu’à la Baie d’Antongil. Ratsimilaho régna à Toamasina (Tamatave) sous le nom de Ramaromanompo. Lorsqu’il mourut vers 1750, son fils Zanahary s’appropria le royaume Betsimisaraka de la Grande Terre tandis que sa fille Beti héritait de l’île Sainte-Marie, dont elle devint la reine.
Selon l’astonome Le Gentil de la Galaisière qui fut un des cartographes de Madagascar, la reine Beti était «sans contredit l’une des plus belles femmes qu’on pût voir». Elle épousa un caporal gascon du nom de Jean Onésime Filet, dit La Bigorne, crédité d’une sulfureuse réputation de hâbleur et de coureur de jupons. Engagé sur un navire de la Compagnie des Indes Orientales, il livra plusieurs batailles contre les Anglais. Son tempérament aventureux le fit atterrir sur les rivages de l’Ile Sainte-Marie où il ne tarda pas à séduire la reine…
Par son mariage avec la reine Beti, La Bigorne devint Prince consort de l’île Sainte-Marie et c’est semble-t-il sous son influence que la reine signa en 1750, un traité de rattachement de son île à la France. Le traité fut signé, en présence des chefs de tribus, à bord du navire Mars. Il stipulait notamment « l’abandon entier et sans aucune restriction au roi Louis XV et à sa Compagnie des Indes orientales de l’île Sainte-Marie, de son port et de l’îlot qui le ferme, sans qu’ils soient tenus de payer à elle, Béti, ni à aucun de ses successeurs, aucuns droits et rétributions pour cause de la dite acquisition ».
La cession de l’île Sainte-Marie à la France fut marquée par des événements sanglants. Rahena, veuve du roi défunt Ratsimilaho et mère de Béti provoqua en 1753 un soulèvement de la population avec le concours des princes Siba et Tsifanda. La révolte se solda par l’assassinat de l’administrateur et le massacre des Français. Les représailles de la France ne se firent pas attendre. La reine Beti, qui n’avait pourtant pas pris part au soulèvement, fut exilée à l’île Maurice.
La reine y possédait des terres, des esclaves et des troupeaux. Ses propriétés se situaient à Plaines Wilhems, à Saint-Pierre, au pied du Corps-de-Garde, à la Ferme et aux abords de la ville de Curepipe. Elle vécut à Port-louis, dans le quartier du Rempart ainsi qu’à Vacoas en compagnie de son époux qui l’entraina dans une sordide histoire de trafic d’esclaves…
En effet, en 1767 La Bigorne soumit au Gouverneur Dumas le projet de capturer deux mille esclaves malgaches pour les vendre à l’isle de France. N’ayant pas confiance en ce « dangereux aventurier », l’Intendant Pierre Poivre demanda à Dumas de l’empêcher de quitter l’Isle de France et de lui interdire l’accès à Madagascar. Mais Dumas ne tint pas compte des conseils de l’Intendant et La Bigorne s’embarqua à destination de Madagascar. Il passa l’année 1768 à préparer son coup et le mit à exécution en 1769. Dans la foulée, il fit venir à Foulpointe la reine Beti, désormais installée à Maurice. Celle-ci devait en profiter pour rendre visite à sa famille et de récupérer ce qui restait de la succession de son père, le roi Ratsimilaho.
Les ambitions démesurées de La Bigorne non content de le pousser à porter la guerre sur la côte malgache eurent une nouvelle fois une mauvaise influence sur la reine. La Bigorne voulait investir les villages de Foulpointe pour y faire un maximum de prisonniers qu’il aurait ensuite revendus en Isle de France. Mais en 1771 il fut tué dans une violent combat avec les tribus de l’intérieur des terres. Toute cette épopée est retracée dans un film français de Robert Darène sorti en 1958. Intitulé « La Bigorne, caporal de France”, il met en vedette François Périer dans le role de La Bigorne et Rossana Podesta dans celui de la reine.
Après la mort de son époux, Beti rentra à Maurice, pour de bon cette fois. Elle fut baptisée en 1775 dans la Cathédrale Saint-Louis à Port-Louis et prit le nom de Marie Elizabeth Sobobie Bétie. La reine réussit à se disculper des accusations portées contre elle devant le Conseil Supérieur de l’île et obtint finalement toute la considération due à son rang de la part des hauts fonctionnaires de Port-Louis. Elle mourut à Holyrood, près de Vacoas, le 14 octobre 1805.
Lorsque les Anglais prirent l’Isle de France en 1810, il s’emparèrent aussi des autres dépendances françaises de l’Océan Indien et notamment de l’île Sainte Marie et de la plupart des comptoirs de la côte est malgache. En 1814, par le Traité de Paris, ces territoires furent restitués à la France et Sainte Marie redevint française jusqu’à l’indépendance de Madagascar en 1960.