Charles-Edouard Brown-Séquard, génie créole au service de la médecine (2/3)

Charles-Edouard Brown-Séquard : le retour à Maurice puis des séjours à Paris, Boston et Londres

Le Franco-mauricien Charles-Edouard Brown-Séquard est probablement l’un des plus grands savants que le monde ait connu. Son parcours professionnel est exceptionnel et ses travaux en font une sommité du monde médical. Grand voyageur, il a effectué de nombreux séjours à Maurice, en France, en Angleterre et aux États-Unis…

Après le décès de sa mère, Charles-Edouard Brown-Séquard retourne à Maurice pour boucler les affaires familiales. Il doit emprunter de l’argent à des amis de sa mère pour repartir en France et à partir de ce moment, il ne va pas cesser de voyager, de se consacrer à ses recherches et à la médecine.

Il est fait médecin à Paris le 3 janvier 1846 et devient le protégé de Pierre Rayer. Ce célèbre dermatologue français est connu surtout pour ses travaux d’anatomo-pathologie et de physiologie, également mentor de Claude Bernard, un autre jeune médecin réputé qui s’est spécialisé dans la médecine expérimentale.

Brown-Séquard se consacre lui aussi beaucoup à la recherche, ses talents et sa curiosité naturels lui conférant des atouts majeurs dans ce domaine. Au départ, il s’intéresse plus particulièrement au système digestif et fait montre d’une étonnante détermination dans ses recherches. Ainsi, il n’hésite pas à ingurgiter des éponges puis à les régurgiter afin d’analyser les sucs gastriques…

Il côtoie également Armand Trousseau et Henri Louis Roger ses aînés qui figurent parmi les plus grands cliniciens de l’époque. Mais comme Claude Bernard il préfère ne pas se sédentariser dans la pratique médicale et se consacre avant tout aux investigations physiologiques.

Brown-Séquard est connu surtout pour ses travaux d’anatomopathologie de la moelle épinière. En effet, son nom est associé au « Syndrôme de Brown-Séquard », un type spécifique de paralysie et de pertes de sensations (toucher, douleur, froid, chaleur) qui résulte d’une hémisection de la moelle épinière. Il décrit ce syndrôme, lors d’un retour à Maurice, en observant certains travailleurs blessés lors de la coupe des cannes.

Ses travaux sur la moelle épinière se sont étalés entre 1843 et 1852, une période durant laquelle il a vécu des moments très difficiles, parfois désespérés. Ses experiences se font dans son appartements au mileu d’animaux. Il réduit son alimentation et ne boit que du café noir. Il passe aussi son temps à rédiger des notes et finit par tomber gravement malade à la suite d’une infection contractée pendant une de ses expériences. Entretemps, il s’engage aussi aux côtés des révolutionnaires parisiens qui s’insurgent contre la monarchie et vit dangereusement. Quasiment aux abois, il finit par quitter Paris pour se rendre aux Etats-Unis.

Aidé par son ami le neurologue et anthropologue Pierre Paul Broca, il s’installe à Philadelphie où il pratique la médecine générale à tarifs réduits, met des enfants au monde et donne des leçons de français… Il épouse une jeune fille de Boston, Ellen Fletcher. Mais l’envie de voyage le tenaille et il finit par s’embarquer pour la France, puis pour Maurice où il débarque en compagnie de son épouse en 1854.

Une épidémie de choléra fait rage dans l’île qui finira par faire plus de 8 000 victimes. Immediatement, Brown-Séquard aide à organiser les services d’urgences et à soigner les malades. Il se met en tête de trouver au plus vite un remède contre cette maladie. Pour faire avancer ses recherches, il n’hésite pas à ingérer du vomi afin de se rendre malade pour pouvoir, par la suite, tester l’efficacité de certains remèdes… mais manque de succomber après avoir ingurgité une trop forte dose de laudanum!

Après toutes ces émotions, Brown-Séquard choisit à nouveau les Etats-Unis comme prochaine destination. Il devient professeur au Medical College de Richmond en Virginie, mais il n’y reste que quelques mois et retourne en France en 1855. Puis en 1856 il retourne aux Etats-Unis et se met à donner des cours à Boston avant de décider soudainement d’aller vivre en Angleterre. Au pays de sa majesté il se met à enseigner au Royal College of Surgeons en 1858. Il pratique par la suite comme médecin au National Hospital for the Paralysed and Epileptics, tout en se consacrant à ses recherches sur la neurologie.

En 1861, Brown-Séquard est élu à la Royal Society de Londres. En Angleterre, il est occupé, la plupart du temps, par la pratique de la médecine et cela ne convient pas à sa nature aventureuse et à sa passion de l’expérimentation. Il part alors pour les Etats-Unis en passant brièvement par Paris. A la Harvard Medical School de Boston, il occupe une chaire de professeur et enseigne de 1864 à 1867, sans jamais se départir de son serment d’Hippocrate, venant toujours en aide aux malades et aux pauvres.

Bien qu’il ait souvent connu la misère, Brown-Séquard ne s’est jamais vraiment attaché à l’argent. Un jour on lui demanda de voir un riche patient de Liverpool en échange de £ 200 mais il préféra réclamer un paiement au tarif ordinaire. On lui offrit aussi £10 000 pour soigner un enfant en Italie mais il préféra refuser sachant qu’il n’était pas le bon médecin pour s’occuper d’un tel cas. Une honnêté digne d’une grandeur d’âme exceptionnelle…

(A suivre)

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