Charles-Edouard Brown-Séquard : Archétype du savant génial et source d’inspiration romanesque
Charles-Edouard Brown-Séquard, né Mauricien, naturalisé Français, était probablement l’un des plus grands savants que le monde ait connu. Grand voyageur, mèdecin au grand coeur, il était surtout doté d’un pouvoir d’observation pratiquement sans égal. Il travailla notamment sur l’hémisection de la moelle épinière ou encore les sécrétions internes des organes et n’hesita pas a être son propre cobaye lors de ses expérimentations…
Après la mort de sa femme en 1867, Brown-Séquard quitte à nouveau les Etats-Unis pour Paris, probablement pour parfaire l’éducation de son fils de 12 ans. Il donne des cours à la Faculté de Médecine en 1869. Mais parce qu’il n’a pas (encore) la nationalité française et aussi à cause de ses penchants révolutionnaires, il n’a pas droit au statut de professeur. Il retourne donc une fois de plus aux Etats-Unis en 1870 où il épouse, deux ans plus tard, Maria Carlisle, de Cincinnati, dans l’Ohio.
Aux Etats-Unis il est très actif, lançant un laboratoire de recherches à New York donnant des cours à Boston et fondant même un journal. Il écrit des douzaines d’articles, donne également des cours à, London, Dublin et Paris et voyage de plus en plus après la mort de sa seconde épouse en 1877, à Genève, juste après avoir donné naissance à une petite fille. Brown-Séquard se remarie rapidement à Emma Dakin, une Anglaise et retourne de nouveau à Paris, sa ville de prédilection.
En 1878, Brown-Séquard obtient finalement sa naturalisation et devient un “vrai Français”. Puis le 3 août, 1878 il succède à Claude Bernard au Collège de France, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort. Il partage alors son temps entre Paris et Nice, laissant le soin à son assistant, Jacques Arsène d’Arsonval de donner des cours à sa place. En 1886, il est élu à l’Académie des Sciences.
Sa notoriété dans le domaine de la recherche atteint son summum. Il devient l’archétype du savant génial et un peu fou et inspire plusieurs écrivains, dont l’écrivain français Villiers de l’Isle-Adam pour une de ses nouvelles.
Dans son cèlèbre roman Dr Jekyll et Mister Hyde datant de 1886, le romancier écossais Robert Louis Stevenson décrit un personnage ambivalent avec des caractéristiques qui ne sont pas sans rappeler les cas décrits dans les travaux de Brown-Séquard publiés à partir de 1874 par rapport à l’équilibre hémisphérique du cerveau, ses conséquences et les soins y relatifs.
Brown-Séquard a d’ailleurs beaucoup écrit sur toute la question. Il publie principalement dans les Archives de physiologie normale et pathologique, revue qu’il contribue à fonder en 1868 avec d’autres auterus scientifiques. Il est aussi le fondateur et le directeur du Journal de la physiologie de l’homme et des animaux, publié entre 1858 et 1863 à Paris.
Dans un ouvrage publié en 1905, Fanny Osbourne Stevenson, épouse du grand écrivain écossais, décrit l’intérêt de son mari pour le dédoublement de personnalité et insiste sur le fait qu’il s’est inspiré de nombreux articles publiés dans des revues médicales spécialisées de l’époque. Stevenson a aussi utilisé ce thême à travers le personnage de Deacon Brodie dans The Double Life publié en 1880 puis dans Markheim en 1885 et finalement avec Dr Jekyll and Mr Hyde.
Brown-Séquard, pour sa part, n’arrête pas de faire des expérimentations, même à un âge avancé, renforçant son image de savant prêt à tout pour faire avancer la science. En 1889, à la fin de sa carrière, constatant une baisse de sa vigueur sexuelle et de sa force musculaire, il réalise une injection hypodermique d’extraits de testicule de chien et de cochon d’Inde et décrit lors d’une réunion scientifique la variété d’effets bénéfiques qu’il en a tirée. Il commercialise alors ces extraits testiculaires sous forme d’une solution, la « séquardine », grâce à laquelle il prétend pouvoir prolonger la vie humaine. Son remède est tourné en dérision par les scientifiques qui le baptisent « élixir de Brown-Séquard », d’autant plus que des recherches ultérieures montrèrent que ces extraits contenaient des Stéroïdes anabolisants mais n’avaient aucune activité hormonale.
Brown-Séquard meurt quelques années plus tard, en 1894 à Sceaux. Il est enterré au cimetière Montparnasse. De par sa nature extraordinaire, Charles-Edouard Brown-Séquard a définitivement marqué son époque même s’il reste trop largement méconnu et que peu de souvenirs subsistent de lui, hormis le nom d’une rue dans le XVe arrondissement de Paris et celui de l’hôpital psychiatrique de Maurice.
Sources: Charles Edouard Brown Sequard, de Louis-Cyril Célestin et Robert Louis Stevenson’s Jekyll and Hyde and the Double Brain, de Anne Stiles