La fin de la Première Guerre Mondiale coïncide pour Maurice avec la fin d’une époque de crise et le début d’une nouvelle ère. L’occasion pour nous de revenir sur la période immédiate d’après-guerre et des événements qui s’ensuivirent qui marquèrent le destin de la petite île.
L’armistice de 1918, signé le 11 novembre, marque la fin des combats de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Le 11 novembre marque la journée du souvenir, commémoration annuelle observée en Europe et dans les pays du Commonwealth pour commémorer les sacrifices de la Grande Guerre et d’autres guerres.
A Maurice, cette commémoration a lieu chaque année. L’île participa aux efforts de guerre en envoyant des soldats au front. Plusieurs contingents s’enrôlèrent dans divers corps des armées française et britannique. Certains Mauriciens ayant conservé la nationalité française, rejoignirent l’armée française, principalement dans des régiments d’infanterie pour combattre sur le front en France ou ailleurs en Europe. D’autres Mauriciens, principalement des travailleurs manuels, furent incorporés comme auxiliaires dans un corps expéditionnaire nommé le Mauritius Labour Batallion qui fut mobilisé au Moyen Orient, notamment en Mésopotamie. Des Rodriguais se sont également engagés comme le rappelle le monument aux morts situé face à la rade de Port-Mathurin. Des volontaires furent également mobilisés pour la défense de l’île Maurice.
De nombreuses familles mauriciennes furent endeuillées par la disparition de proches, comme le rappelle le monument aux morts érigé en face du Collège Royal de Curepipe à la mémoire des soldats mauriciens tombés au combat. Pourquoi ces jeunes hommes à la fleur de l’âge se sont-ils engagés dans cette guerre lointaine ? Le firent-ils par patriotisme envers la Grande-Bretagne, pouvoir colonial de l’époque. Ou envers la France avec ce fort attachement de Franco-Mauriciens à leur ancienne patrie. Peut-être le firent-ils pour voyager et voir autre chose que leur pays, peut-être aussi pour d’autres, afin d’échapper à la misère…
A cette époque, Maurice était en effet une colonie où la situation était plutôt morose. Le sucre, principal produit d’exportation, se vendait mal. L’île avait connu un accroissement exponentiel de sa population, traversé plusieurs épidémies et essuyé des cyclones dévastateurs. Si pendant la tourmente l’île ne souffrit d’aucune menace directe, le ravitaillement de la population fut ralenti avec les mouvements maritimes, déjà en déclin, qui décrurent de plus de la moitié en quatre ans. En 1914, le tonnage des marchandises débarquées dans le port était de 438 000 tonnes et il passa à seulement 192 000 tonnes en 1918. Pour compenser le déficit dans les importations de farine de blé, on se tourna vers l’exploitation du manioc.
La signature de l’armistice du 11 novembre 1918 procura donc un grand soulagement à la petite colonie… mais qui fut de courte durée puisqu’au lendemain de la guerre, une épidémie de grippe s’abattit sur la population. Les activités économiques et sociales furent enrayées. Les écoles fermèrent leurs portes, l’absentéisme paralysa les entreprises, théâtres et cinémas se vidaient, certaines gares furent temporairement désaffectées… L’épidémie fit plus de 10 000 morts.
Mais après un début de siècle difficile, la chance allait finir par sourire à la colonie. Guerre et épidémie n’allaient pas avoir raison de la ténacité et de l’esprit d’entreprise que certains sucriers mauriciens ont toujours su prévoir. Lorsqu’ils se fédérèrent pour créer le Syndicat des sucres en 1919, ils choisirent d’abandonner le marché asiatique sur lequel Maurice vendait tout son sucre depuis plusieurs décennies, pour se tourner vers la Grande-Bretagne. Cela s’avéra une excellente initiative puisque Maurice vendit, cette année-là, 220 000 tonnes de sucre à £ 90. £ 20 millions furent directement injectées dans l’économie locale!
Cette manne, une aubaine inattendue, était sans précédent. Il y avait bien eu, durant le première moitié du 19e siècle, l’augmentation considérable des revenus avec abolition de la taxe d’entrée de 10 shillings en 1825 et le doublement du prix à la tonne en 1827. Mais le principe de “préférence impériale” sur les produits importés des colonies, instauré par la Grande-Bretagne pour raffermir l’unité au sein de son empire, allait changer la donne.
Le sucre mauricien allait en profiter massivement et ce choix éclairé allait constituer une avancée décisive pour l’industrie sucrière (cette préférence se transforma après l’indépendance en Protocole sucre, aujourd’hui aboli). Il permit à l’économie mauricienne de connaître un boom sans précédent qui allait voir l’île sortir enfin du marasme dans lequel elle était empêtrée depuis plusieurs décennies et voir l’avenir avec une confiance désormais renouvelée.