La dolce vita de Gerald Gopaul

La rubrique « Racontez nous » est destinée à ceux d’entre nous qui ont vécu à l’étranger, qui y vivent encore ou qui sont revenus après des années. Elle évoque le moment crucial du depart, la tristesse de quitter la terre natale et la joie de découvrir un nouveau monde.

Il a quitté son île natale au début des années 90, à l’âge de 12 ans. Accompagné de ses trois frères, Gerald Gopaul est parti rejoindre ses parents qui s’étaient installés à Rome, plusieurs années auparavant. La famille Gopaul, originaire de Bambous et Tamarin, a connu des moments difficiles avant de pouvoir tirer profit des avantages d’une émigration en Italie.

Les parents de Gerald Gopaul avaient quitté Maurice au milieu des années 80, poussés par une situation économique précaire et le besoin de se faire une nouvelle vie. À cette époque, il y eut une vague de départs vers l’Italie. À Tamarin, le village où vivaient les Gopaul, plusieurs autres familles avaient connu les sacrifices de l’émigration. Les gens partaient souvent seuls, rarement en couple, laissant derrière eux, une épouse, des enfants. Les plus chanceux réussissaient à faire venir leur famille, après plusieurs années de séparation et de dur labeur dans le pays d’adoption. Ce fut le cas pour les Gopaul.

Gerald est resté 6 ans sans ses parents, vivant chez des oncles et tantes ou des amis de la famille, à Tamarin et Bambous. “ J’avais hâte de retrouver mes parents”, raconte-t-il aujourd’hui. Il émet une evidence mais qui peut constituer un privilège pour des gens comme lui qui ont vécu une enfance compliquée. “Pour un adolescent, vivre sans ses parents est quelque chose de difficile à supporter. Je voulais juste retrouver mon père et ma mère, même s’il s’était agi d’aller vivre en Chine ou en Inde…” Pour le jeune adolescent le départ devenait un besoin, peu importe la destination. Ce fut l’Italie…

Un beau jour sa mère est donc revenue pour le chercher, ses frères et lui. A cette époque les conditions d’entrée en Italie étaient assez faciles. Les autorités étaient plutot flexibles.

« Ma mère a précipité les choses. Elle a débarqué un jour, a fait nos bagages et nous nous sommes retrouvés en train d’embarquer pour Rome », se souvient-il. « Je dois avouer que j’avais la peur au ventre. On nous racontait tellement de choses. Cela vient probablement du fait que les gens étaient jaloux de nous voir partir. » Gérald n’était pas plus excité de partir que de découvrir un nouveau pays. Il voulait juste vivre une vie normale de jeune adolescent.

Et puis, ils sont arrivés en Italie. Ils habitaient à 20 km du centre de Rome, à Guidonia Montecelio. Sa mère travaillait dur, se levant à 5h et rentrant à 22h. Mais au moins ses frères et lui pouvaient jouir de sa présence. Un sentiment incomparable.

Quel changement! Dans sa nouvelle vie, Gerald portrait des chaussures neuves, pouvait déguster de la glace, manger des pizzas et des hamburgers… Tout ce qu’il n’avait meme pas osé imaginer lorsqu’il vivait à Tamarin et qu’il courait pieds nus sur le sable brûlant de la baie… « Nous devions porter nos chaussures jusqu’à ce qu’elles soient complètement usées », se rappelle-t-il, en évoquant les années difficiles.

À Rome, c’était la dolce vita. Gerald et ses frères sont allés à l’école dans un établissement situé non loin du Vatican … Il a très vite appris l’italien. En regardant des films et puis, bien sûr, a l’école publique avec ses petits camarades, tous italiens. Ce n’est que bien plus tard, alors qu’il avait déjà une vingtaine d’années, qu’il s’est mis à fréquenter d’autres Mauriciens, immigrés comme lui, grâce à une association mauricienne.

27 ans après, Gerald Gopaul tente cette fois l’aventure mauricienne. Et de son plein gré. Un peu las du rythme effréné des métropoles européennes, l’homme mûr qu’il est devenu veut se mettre au vert sur les rivages ensoleillés de l’océan Indien. Et renouer avec ses racines, lui qui est de nulle part ou de partout à la fois, ce syndrome familier des enfants de l’immigration.

« À Maurice je me sens Italien et en Italie je me sens Mauricien », lâche-t-il, sans état d’âme. Il n’a pas oublié le créole même s’il le parle un peu à l’italienne, avec un accent tonique et une petite gestuelle caractéristique. Il a surtout retrouvé la baie de Tamarin, celle de son enfance avec ses vagues et son soleil ardent.

Aujourd’hui, Gerald Gopaul a fait son chemin. Il ne marche plus pieds nus parce qu’il en est obligé mais bien plus pour le plaisir de sentir le sable chaud lui caresser la plante des pieds. Il peut enfin jouir de la dolce vita à la mauricienne…

 

Vous faites partie de la diaspora mauricienne. Vous avez quitté l’île mais elle ne vous a jamais quitté. Racontez-nous, en quelques mots et/ou à l’aide d’une image, ce moment crucial de votre existence: celui du départ. Votre tristesse de quitter la terre natale et votre joie de découvrir un nouveau monde.

Envoyez-vos textes et/ou vos photos sur tfchateau@yahoo.com ou sur contact@histoiresmauriciennes.com.

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