Dans son roman Georges qui se passe presqu’entièrement à Maurice, le grand romancier français Alexandre Dumas donne des descriptions saisissantes de l’île des premières décennies du 19e siècle. Ainsi, il livre une description dantesque de la Maiden Cup et des ses préliminaires, effectue une reproduction fidèle du déroulement du yamsé (ou goon) dans les rues de Port-Louis, décrit les quartiers populaires de Port-Louis ou encore les paysages de la Rivière Noire de façon saisissante et dans leurs moindres details… Pourtant il n’est jamais venu à Maurice !
Auteur notamment des Trois Mousquetaires et du Comte de Monte-Cristo, Dumas produisait beaucoup. Comme chacun le sait, il a souvent fait intervenir des contributeurs dans l’écriture de ses nombreux romans. Ces gens de lettres, souvent écrivains eux-mêmes, vivaient dans l’ombre de leurs illustres confrères, plus talentueux ou plus chanceux. On les appelait de façon péjorative, des nègres littéraires. Pour écrire Georges, le nègre de Dumas devait nécessairement être un Mauricien ou quelqu’un connaissant parfaitement l’île.
Il s’avère que Dumas a fait appel à un confrère, Félicien Mallefille, né à l’île de France le 3 mai 1813 et installé en France. Romancier et auteur dramatique, il a d’ailleurs officiellement co-signé avec Alexandre Dumas des nouvelles en huit volumes, publiées entre 1839 et 1853 et s’intitulant Crimes célèbres. Georges est quant à lui publié en 1843, pendant la période où les deux hommes ont travaillé ensemble.
Mallefille est arrivé en France en 1837. Il est présenté à la célèbre romancière George Sand par son amie Marie d’Agoult. Quelques temps plus tard il s’installe au domaine de Nohant et devient le précepteur de Maurice, le fils de la romancière. Il devient aussi l’amant de George Sand, avant d’être évincé par une autre des nombreuses conquêtes de la romancière… Il est resté cependant toujours proche de Maurice et de sa mère. « C’est le seul homme qui, étant avec moi depuis près d’un an, ne m’ait pas une seule fois, une seule minute, fait souffrir par sa faute », dit de lui George Sand.
Félicien Mallefille n’a pas laissé une oeuvre impérissable. Il est l’auteur d’une douzaine de pièces de théâtre ainsi que de romans et nouvelles. L’écrivain Théophile Gautier qui l’a bien connu, disait de lui que « quel que soit le talent qu’il ait montré, l’impression qui reste de Félicien Mallefille, c’est qu’il était plus grand que son œuvre ». Il est mort à Bougival, en France, le 24 novembre 1868. Une rue de Port-Louis porte son nom. Elle se trouve à l’arrière du Mauritius Institute et longe le jardin de la Compagnie…