Le droit des travailleurs à se syndiquer, par Vijay Naraidoo

Dans le cadre de la Fête du Travail, célébrée le 1er mai dans de nombreux pays, Histoire(s) Mauricienne(s) revient sur les premières célébrations à Maurice et sur les débuts du combat ouvrier.

« Les origines du mouvement ouvrier à Maurice découlent de l’action d’un groupe d’artisans et d’ouvriers – regroupés en une société privée – l’Union Syndicale des Travailleurs et Ouvriers de Maurice ayant comme Président William Adolphe, mécanicien et assembleur, et pour secrétaire Fernand Marie, compositeur et typographe. La création de cette première organisation ouvrière arrive à un moment difficile dans l’histoire du pays », explique Jocelyn Chan Low, historien, dans son ouvrage Les classes laborieuses à l’Ile Maurice au début du 20e siècle, ou l’Union Syndicale des Travailleurs et Ouvriers de 1908.

Willie Moutou, employé d’imprimerie, s’était donné pour mission la défense des laboureurs et artisans de l’industrie sucrière. Il a démarré ses activités publiques en 1921, sillonnant l’île pour rappeler la nécessité pour les travailleurs de s’unir. En 1924, Willie Moutou devint le rédacteur d’une publication, Le Drapeau Noir et lança the National Trade Movement of Mauritius, comme le souligne Rajpalsingh Allgoo, dans A brief history of Trade Unionism in Mauritius.

Bien que calqué sur la législation syndicale britannique, l’enregistrement de cette association ouvrière ne put être présenté au Conseil du gouvernement de l’époque, ses membres conservateurs étant réfractaires à l’idée d’un syndicat des travailleurs.

Mars 1945. Le pouvoir colonial dépêcha Kenneth Baker, Trade Union Advisor, pour conseiller le Gouverneur sur la meilleure façon d’établir des relations industrielles saines à Maurice. Les plus intéressés : les travailleurs de Port-Louis et les artisans de l’industrie sucrière. Baker visita 37 établissements pour discuter syndicalisme avec les managers de l’industrie sucrière. Ces derniers de déclarer : « Their relationships with workers had always been very cordial and therefore there was no need for Trade Unions. »

Août 1944. Emmanuel Anquetil fonde et préside le Mechanical, Engineering and Technical Workers’ Union. Le trésorier du syndicat, Bertin Herbu, employé sur l’établissement sucrier de Saint Aubin, fit l’objet de répression à cause de son engagement syndical. Le manager fit enlever le toit de sa maison dans le camp des employés.

Le 7 septembre 1958, Le Docteur Maurice Curé (qui avait pris ses distances du Parti travailliste dont il fut le fondateur) rappelle dans un article publié dans le Zamana (proche de l’Independent Forward Block – Parti politique fondé par Sookdeo Bissoondoyal), qu’Emmanuel Anquetil fut déporté à Rodrigues en raison de son engagement syndical.

Et après l’Indépendance ? Les auteurs de L’Histoire d’un combat soulignent l’âpre lutte menée par les travailleurs pour obtenir la reconnaissance de leurs syndicats. « C’est à force de luttes et de pressions que les dirigeants des syndicats des travailleurs agricoles inciteront les autorités à reconnaitre leurs syndicats. » Jusqu’en 1971, pratiquement tous les nouveaux syndicats mis en place par la General Workers Federation durent recourir à la menace de grève, soit à une grève effective, pour obtenir la reconnaissance. Ceux qui évoquaient les « moyens civilisés » pour obtenir la reconnaissance, refusaient systématiquement tout recours à un procédé démocratique permettant aux travailleurs d’adhérer à un syndicat de leur choix.

De nos jours, il n’est pas plus facile d’obtenir la reconnaissance syndicale. On comprend la satisfaction légitime d’Atma Shanto après la reconnaissance du syndicat dont il est responsable, par un patron d’hôtel.

La lutte syndicale ne se limite pas à la reconnaissance de son existence légale. (…) On ne peut occulter de notre mémoire le souvenir d’Anjalay Coopen, tuée lors d’une fusillade en 1943, dans la lutte en faveur des travailleurs agricoles.

Vijay Naraidoo est secrétaire de l’association DIS-MOI

Vijay Naraidoo

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