Au milieu du 19e siècle, certaines régions de l’intérieur de Maurice étaient encore difficiles d’accès, voire inconnues de beaucoup de Mauriciens. Situé en altitude, au milieu d’une végétation abondante, un lac niché au fond d’un cratère et baptisé Grand Bassin, avait rarement été visité. De folles rumeurs faisaient état d’anguilles monstrueuses peuplant ses eaux…
Il n’en fallait pas plus pour exciter la curiosité du naturaliste et écrivain américain Nicolas Pike (1818-1905), également consul des Etats-Unis à Maurice. Pike arriva dans l’île en janvier 1867, en plein cyclone tropical. Pendant tout le temps qu’il y résida, il entreprit de visiter ses moindres recoins, effectuant un inventaire minutieux de sa faune et de sa flore. Ses observations furent rassemblées dans un ouvrage intitulé « Subtropical rambles in the land of the aphanapteryx » et publiées en 1873.
Pour explorer Grand Bassin, Pike et ses compagnons partirent de Souillac. Ils traversèrent d’abord les champs de cannes, puis une forêt que le naturaliste qualifia de « sinister », dans la région de Bois Sec. « Thousands of dried up skeletons of trees blanched to a ghastly whiteness meet the eye on every side and but for the tangle of lianes and plants at their feet showing life, it might be a forest of primaeval days over which some blighting plague had passed », nota-t-il dans son ouvrage.
Après une longue marche qui dura une journée entière et pendant laquelle le naturaliste répertoria de nombreuses espèces végétales dont un grand nombre de fougères, ils arrivèrent finalement au lac. C’était une paisible étendue d’eau, entourée de buissons verdoyants et de grands arbres avec un îlot en son centre. Situés sur les terres de la couronne, les lieux abritaient aussi un hangar où Pike et ses compagnons passèrent la nuit, par une température plutôt fraîche…
Le lendemain matin, Pike observa d’emblée que le lac était alimenté de différentes façons : par des cours d’eau durant la saison des pluies ainsi que par des sources souterraines et que la qualité de son eau était « exceptionnelle ». « The water is delightfully clear and cold and I think it is the finest in the island », estimait-il.
Il entreprit d’explorer le lac à la nage, faute de barque disponible. « We were told not to plunge in, on account of the monster eels; but though we fished for them a good while not one put in an appearance », indiqua-t-il encore. En revanche, avant de reprendre sa route, il observa la présence de majestueux cygnes noires sur les eaux paisibles du lac…
Ce n’est que bien des années plus tard, en 1897, que le pandit Gossagne et quelques compagnons, venus du nord de l’île, entreprirent le premier pèlerinage qui allait conférer au lac son caractère sacré.
Sources : Subtropical rambles in the land of the aphanapteryx, par Nicolas Pike