Histoire(s) de l’île Tromelin : 1e partie – Les Naufragés de l’Île des Sables

Tromelin est une île de l’océan Indien, rattachée aux Terres australes et antarctiques françaises, et située à 450 kilomètres à l’est de Madagascar. En 1761, l’île a connu un naufrage dans des conditions tragiques. Les naufragés ont été secourus par le chevalier de Tromelin, le premier à décrire l’île qui porte son nom.

Longue d’environ 1 700 mètres et large au maximum de 700 mètres, sablonneuse, l’île est ceinturée par une barrière de récifs coralliens particulièrement dangereux à la navigation et rendant son accès très difficile. L’accostage se fait uniquement par temps calme et par un seul point, au nord-ouest où il existe une passe étroite.

Petite et plane, à l’écart des routes de navigation, elle n’a été découverte qu’en août 1722 par le navire français de la Compagnie des Indes, la Diane, commandé par Jean Marie Briand de la Feuillée et elle fut d’abord baptisée « Île des Sables » à cause des plages de sable blanc qui l’entourent complètement.

Dans la nuit du 31 juillet 1761 au 1er août 1761, l’Utile, un navire français, fit naufrage sur les récifs coralliens qui ceinturent l’île. L’Utile était une flûte de 800 tonneaux, armée de 28 canons, achetée par la Compagnie des Indes Orientales pour effectuer le commerce dans les Mascareignes. Le navire leva l’ancre de Bayonne le 17 novembre 1760, sous le commandement du Capitaine de la Fargue. Par la suite, cent-soixante hommes, femmes et enfants malgaches furent embarqués à Foulpointe, sur la côte orientale de Madagascar, pour les emmener en esclavage à Maurice. Une erreur de navigation, due à l’utilisation de deux cartes contradictoires et à la navigation de nuit, précipita le navire sur l’île des Sables.

Les membres de l’équipage furent les seuls à embarquer sur une chaloupe et se dirigèrent vers Madagascar, abandonnant les Noirs à leur sort. Ceux-ci, au nombre de 60, restèrent sur l’île. Le 25 novembre, l’équipage rentra à l’Isle de France sur le navire La Silhouette, après un détour par la baie d’Antongil. Le Capitaine de la Fargue décéda durant le retour. Les 60 naufragés furent oubliés dans l’île, sans ressources.

Lorsque la nouvelle de cet abandon arriva à Paris, elle agita le milieu intellectuel de la capitale avant que les naufragés ne soient oubliés avec la fin de la guerre de Sept Ans et la faillite de la Compagnie des Indes. A son arrivée à l’Isle de France en 1772, le Gouverneur de Ternay, ayant appris le naufrage, fit expédier un navire pour récupérer les naufragés mais il ne put s’approcher de l’île, la mer étant trop forte.

Ce n’est que le 29 novembre 1776, quinze ans après le naufrage, que le chevalier de Tromelin, commandant la corvette La Dauphine, récupèra les survivants : sept femmes et un enfant de huit mois. En arrivant sur place, le chevalier de Tromelin découvrit que les survivants étaient vêtus d’habits en plumes tressées et qu’ils avaient réussi, pendant toutes ces années, à maintenir un feu allumé alors que l’île ne possède pas d’arbre… Les naufragés survivants rentrèrent au Port Louis le 14 décembre 1776 et furent immédiatement émancipés.

Par la suite, l’île Tromelin connut d’autres naufrages. En 1830, le capitaine Laplace reçut pour mission de reconnaître l’île et de s’assurer qu’il n’y ait pas de naufragés. Ne pouvant y aborder, il se contenta d’en faire le tour, notant la présence de cabanes abandonnées. Le 23 novembre 1867, le trois-mâts indien Atieth Rahamon, commandé par le capitaine Samuel C. Hodges, à destination de Bombay, fit naufrage au sud-est de l’île Tromelin. Équipage et passagers échouèrent sur l’île. Ils survécurent sous des tentes faites avec les voiles du navire et furent finalement sauvés par le brick français Pionnier, les 21 et 22 décembre.

En novembre 2006, une expédition archéologique est menée sur l’île par Max Guérout, ancien officier de la marine française et Thomas Romon, archéologue. L’expédition sonde l’épave de l’Utile et fouille l’île à la recherche des traces laissées par les naufragés. Les chercheurs découvrent un puits de 5 mètres de profondeur, des soubassements d’habitations fabriquées en grès de plage et en corail, ainsi que de nombreux ossements d’oiseaux, de tortues, de poissons, des gamelles en cuivre et un galet servant à affûter les couteaux, donnant de précieuses indications sur les méthode de survie des naufragés. Selon les chercheurs les survivants du naufrage entretenaient le feu du foyer grâce au bois provenant de l’épave, l’île étant dépourvue d’arbres.

Le naufrage de l’Utile a inspiré le livre Les Naufragés de l’île Tromelin, de la romancière française Irène Frain, paru en 2009. L’auteur a eu accès aux travaux de Max Guérout et a aussi effectué un court séjour sur l’île. Dans son roman, elle tente de percer le mystère des acteurs de ce drame et ausculte le comportement des différents protagonistes, notamment celui du capitaine Lafargue et de son second, le lieutenant Castellan qui fit tout pour tenter de venir en aide aux naufragés.

Sources : Les Naufragés de l’île Tromelin, par Irène Frain – Histoire Maritime de l’Ile Maurice – 1500-1790, par Jean Marie Chelin

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