Aussi longtemps que la mémoire peut remonter, la plus grande crainte des Mauriciens a toujours été le passage d’un cyclone. Frappant entre décembre et mai, la période de la saison cyclonique, ils entrainent mort et destruction et laissent l’île à genou, comme ce fut le cas aux 19e et 20e siècles…
Hormis le passage d’un ouragan les 5 et 6 février 1800, le début 19e siècle fut plutôt marqué par le vent du changement, que par les bourrasques destructrices des ouragans. L’Isle de France, devenue île Maurice, n’avait cependant qu’à bien tenir car la longue trêve qu’elle avait connu n’allait pas durer éternellement.
Ainsi, en 1818, un cyclone s’abattit sur Port-Louis, ravagé deux années plus tôt par un terrible incendie, celui de septembre 1816. Les habitants de la capitale, surtout les commerçants, furent sous le choc, déjà ébranlés par les pertes encourues durant l’incendie.
En 1819, deux cyclones coup sur coup, aux mois de janvier et mars, provoquèrent leur cortège de morts et de destruction, dont les Mauriciens avaient perdu l’habitude. L’île se retrouva une nouvelle fois sous la menace de la famine et fut obligée de faire appel à Bourbon pour obtenir du blé.
En avril et en décembre 1824, de nouvelles tempêtes tropicales décimèrent cette fois le bétail en provoquant une epizootie. Puis en janvier 1834, un autre cyclone mit à nouveau à mal la capitale. Des ponts furent emportés, dont celui de GRNO, des bâtiments, comme celui des douanes, furent renversés, des navires chavirèrent…
En mars 1836, la nature se déchaina à nouveau, mais cette fois-ci sous la forme de pluies torrentielles suivies d’inondations et ce fut Port-Louis qui, une nouvelle fois, souffrit le plus. La crue du Ruisseau du Pouce provoqua de gros dégâts au Jardin de la Compagnie et dans les commerces de la rue La Chaussée. Ces inondations firent 21 morts…
1868 fut une année qui commença très mal puisque Maurice reçut la visite de trois cyclones rien que durant le mois de janvier, puis un quatrième du 10 au 12 mars, semant une nouvelle fois la destruction dans l’île.
Il fallut attendre le dernier tiers du 19e siècle pour que les Mauriciens puissent bénéficier de prévisions plus fiables sur les cyclones. L’observatoire météorologique qui existait n’apportait pas de données très précises sur ces phénomènes naturels, seulement des informations aux marins afin de faciliter leur navigation. C’est à Pamplemousses que la première station météorologique fut construite, en mai 1870, capable notamment d’enregistrer la force des rafales avec précision.
C’est ainsi que l’on put savoir que le plus dévastateur des cyclones enregistrés à Maurice qui frappa à la fin du 19e siècle, en avril 1892, avait des rafales de plus de 240 km/h. Ce cyclone a fait environ 1 200 victimes et 50 000 sans abri. Port-Louis fut ravagée en quelques heures et un tiers de la ville fut détruit par celui que la mémoire populaire baptisa par la suite le Cyclone de 92.
Au 20e siècle, d’autres cyclones frappèrent l’île avec une force ravageuse. Celui de mars 1931, qui passa à son point le plus rapproché à 5 km du sud de l’île, fit 11 décès et jeta à la rue 2 500 personnes. Si les rafales enregistrées ne dépassèrent pas les 180 km/h, les dégâts furent considérables à Port-Louis, où Tranquebar fut complètement rasé.
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que l’on commença à nommer les cyclones. Et comme à leur habitude, les météores frappèrent successivement, cette fois-ci au début des années 60.
C’est le 28 février 1960, que l’un des cyclones les plus tristement célèbres de l’histoire de Maurice s’abattit sur l’île. Nommé Carol, il provoqua la mort de 42 personnes, endommagea 100 000 maisons et rasa 60% des champs de cannes à sucre. Près de 70 000 Mauriciens, sur une population de 600 000 habitants, se retrouvèrent sans abri.
Carol fut précédé en janvier 1960 par Alix qui fit 8 morts et endommagea 20 000 bâtiments et fut suivi de Jenny, en 1962, qui fit 14 morts et détruisit 8 000 foyers et de Danielle, en 1964, avec des vents de 219 km/h et qui provoqua trois décès, dans une île Maurice à genoux.
Dans les années 70, ce fut au tour de Gervaise de frapper, en 1975, faisant 10 morts et de Claudette qui traversa l’île de part en part, quelques années plus tard, en 1979, avec des vents de 231 km/h, provoquant la mort de six personnes et faisant 3 700 sinistrés.
Après une nouvelle trève, un gros météore nommé Hollanda, passa tout près du nord-ouest de l’île, en 1994, provoquant des rafales de 216 km/h à Port-Louis. Il fit deux morts et endommagea plus de 2 500 maisons. Depuis cette date et peut-être à l’exception du passage de Dina en 2002, avec des vents de 228 km/h, Maurice a été épargnée.
Si aujourd’hui, grâce à des infrastructures plus résistantes, à des prévisions plus précises, les cyclones provoquent heureusement peu de victimes et font de moins de dégâts matériels dans l’île, la crainte des Mauriciens reste en revanche toujours présente. Car, même si nous sommes au 21e siècle, l’histoire nous l’a prouvé, la nature nous réserve toujours des surprises…
Rue Wellington en 1892