Histoire(s) du marronnage : l’incendie du fort Frederik Hendrik

En marge de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, Histoire(s) Mauricienne(s) vous propose de célébrer ceux qui furent les premiers dans l’histoire de notre pays à lutter pour la liberté et à combattre l’oppression. On les appelait les Marrons, ils avaient pour noms Diamamouve, Barbe Blanche, Sans Souci ou encore Madame FrançoiseLeur épopée est retracée dans une série d’articles pendant tout le mois de février.

En 1642, 105 esclaves furent introduits par les Hollandais à Maurice. C’était le premier contingent important que le gouverneur Adrian van der Stel avait ramené de Madagascar. Mais à peine débarqués, 52 d’entre eux, parmi lesquels des femmes, s’enfuirent dans la nature environnante. Avant même que l’esclavage ne s’installe durablement dans l’île, le marronnage avait déjà pris naissance. Et avec lui, la répression implacable des chasseurs d’esclaves en fuite. Mais des 52 fuyards, seuls 18 furent repris. Les autres restaient en liberté dans une île que les Hollandais n’allaient que partiellement occuper pendant toute la durée de leur présence.

La menace des Marrons constituait l’une des hantises de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, la VOC, peut être plus que le passage des terrifiants cyclones et les rafles des pirates. Et cette peur finit par se matérialiser en un raid terrifiant qui ébranla les colons hollandais. A l’aube du 18 juin1695, un petit groupe constitué d’Aaron d’Amboine, Antoni, dit Bamboes et Paul de Batavia, mirent le feu au Fort Frederick Hendryk, la place forte de la colonie. Ils étaient accompagnés de deux femmes, Anna du Bengale et Espérance.

Lorsqu’ils furent finalement capturés les Marrons, originaires d’Indonésie, avouèrent avoir minutieusement planifié la destruction totale du fort, avoir voulu débarrasser l’île des représentants de la VOC pour, par la suite, prendre le contrôle de la colonie dans un élan de libération. Ils furent sauvagement punis. Les hommes furent crucifiés et écorchés vifs. Les femmes furent également torturées. Les corps furent par la suite abandonnés au soleil aux yeux de tous afin de dissuader d’autres esclaves de se rebeller.

Mais cela ne fit que conforter les Marrons dans leur convictions. Une autre conspiration de plus grande envergure eut lieu en février 1706. Elle bénéficia de la participation d’esclaves qui se joignirent au mouvement de révolte. Les Marrons et leurs complices mirent le feu aux maisons des colons du sud-est, faisant plusieurs morts. Cette attaque eut probablement raison de détermination de la VOC qui abandonna finalement l’île en 1710.

Jusqu’à l’implantation des Français à partir de 1721, il est fort probable que l’île Maurice fut le territoire des Marrons qui purent subsister de la chasse (le cerf et d’autres gibiers avait été introduits dans l’île), de la pêche ou de la culture de tubercules, etc.

Dès les premières années de la colonisation, les Français eurent, eux aussi, fort à faire pour résister aux Marrons qui firent preuve d’un savoir faire digne de combattants aguerris. En 1724, une bande de Marrons armés prit de force un poste militaire dans le  district de Savanne et mirent les soldats en fuite. Quelques années plus tard, en 1732, attaqua une garnison à Poste de Flacq. Les troupes françaises eurent à déplorer dix morts, plusieurs colons furent tués. Les Marrons, eux, perdirent un seul homme.

Les Marrons terrorisèrent les premiers habitants de l’isle de France à un point tel que l’entreprise coloniale s’en trouva menacée. On leur attribuait les pires intentions. Le père Ducros, un missionnaire de passage dans l’île entre 1726 et 1727, les décrivit comme des barbares sanguinaires et cannibales qui « rôtissaient » leurs adversaires vaincus en « dansant autour du feu ».

Le missionnaire évoque aussi une sanglante bataille entre des Marrons menés par un prince malgache et les soldats français. Ils étaient rusés, hardis et cruels. Dès les premiers assauts ils prirent des armes et capturèrent des femmes esclaves dans le but, selon Ducros, « de perpétuer leur race ». Si le chef Marron fut tué lors de l’affrontement, du côté des soldats on déplora dix morts. Les Français allaient-ils connaître le même sort que leurs prédécesseurs hollandais ?

 

Sources : Satteeanund Peerthum et Satyendra Peerthum

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