Adieu l’ami

Histoire(s) Mauricienne(s) rend hommage au réalisateur Michel Vuillermet (13 mars 1950 – 11 février 2021), auteur des films Zafair Kaya et Amédée Maingard une histoire mauricienne, en ce triste mois de février qui a aussi vu la mort de son ami, le chanteur Kaya, parti, lui, il y a 22 ans, un 21 février.

Adieu l’ami, tu es parti. Un soir d’hiver dans le froid parisien, loin de la chaleur de l’été et des tropiques que tu aimais tant.

Adieu Michel, toi le Parisien si peu urbain, plus attaché au grand air du large qu’à l’intensité des rues bondées de cette grande ville de tous les excès où tu vivais, que tu aimais, qui t’a enfermé à jamais dans l’éternité de son étreinte.

Lorsque le hasard et le destin t’ont conduit vers les rivages de l’océan Indien, il y a trente ans, tu as trouvé à l’île Maurice un deuxième refuge – après ta chère Belle-Ile-en-Mer où tu vivais une partie de l’année – une île que tu as su aimer et qui t’a bien rendu cet amour. Tu y as trouvé des amis avec lesquels tu as entretenu une relation longue, passionnée, parfois tumultueuse ou dramatique.

Parmi eux, un certain Joseph Reginald Topize, parti trop tôt, dans des circonstances tragiques, troubles, révoltantes. Ce grand artiste que tu connaissais depuis ses débuts, qui était devenu ton ami, est mort lui aussi en février. Décidément ce satané mois emporte les meilleurs d’entre nous… Le choc de la mort de Kaya a provoqué en toi l’urgence de la création, l’impératif du partage, la nécessité de dire les choses sans détour. Et tu as fait Zafair Kaya, film documentaire et opus essentiel sur la vie et la mort du grand chanteur.

Pur produit de Mai 68, tu faisais partie de cette génération qui nous a ouvert la voie à tous et qui nous a montré le chemin vers le progrès, la solidarité, l’humanisme, la tolérance mais aussi l’hédonisme, la contestation… Bref, ceux de ta génération et toi vous avez forgé avec talent et conviction ce monde de demain qui est devenu la réalité d’aujourd’hui et que nous, tes petits frères, allons porter vers de meilleurs lendemains, forts de cet héritage inestimable. Et de ton  héritage personnel que tu nous lègues généreusement à travers les vingt-cinq (ou plus) documentaires historiques, films musicaux (et un long métrage de fiction) que tu as réalisés en 40 ans de carrière. Tu ne faisais que ça, malgré les difficultés d’exister dans ce métier. Tu le faisais bien, avec détermination.

Tu as toujours su apprécier la grandeur des âmes et cela a transparu dans tous tes films. Car tu étais un grand conteur, un diseur de belles aventures en sons et en images, toi le réalisateur toujours un peu décalé, au parcours inspirant et inspiré. Que ceux qui ne te connaissent pas se fassent une idée, à travers ta filmographie, de ton parcours éclectique, de tes choix de vie, de tes engagements.

Dans tes films tu as démontré un éclectisme flamboyant, te passionnant aussi bien pour le rock français avec Nous enfants du rock que pour le destin du continent que tu aimais probablement le plus, avec Afrique Rouge. Tu t’es penché avec tendresse ou sans compromis sur la vie et l’œuvre de personnages aussi différents et déterminants dans leurs domaines que Marie Curie, André Malraux, Lucien Bodard, Jean Malaury ou Edmond Charlot, mais aussi le sanguinaire Saddam Hussein…

Et puis il y a tes films mauriciens Zafair Kaya, donc, peut-être l’un des (deux) films les plus vrais et les plus forts qui ait jamais été faits sur Maurice et sa réalité. L’autre, c’est Amédée Maingard, une histoire mauricienne… Ta dernière contribution à l’Histoire de l’île. L’autre film sur Maurice qui compte… 52 mn de la vie d’un grand personnage, méconnu ; de l’Histoire d’une île et ses contrastes, le tout avec un regard juste et affectueux. Tout ce que tu sais faire, et que tu accomplis si bien. Ces films, nous allons désormais les projeter en boucle sur l’écran fictif de nos imaginaires.

Et puis, un jour, tu es parti tu as quitté l’île Maurice, nous faisant croire à tous que tu allais à Mahébourg. En réalité, tu avais pris l’avion pour ne pas revenir et tout le monde te croyait à Mahébourg…

Au revoir Michel, repose en paix dans les bras de cette grande ville de Paris que tu n’as finalement jamais pu quitter.

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