En marge des commémorations autour de l’arrivée des premiers travailleurs immigrés indiens, Histoire(s) Mauricienne(s) évoque la part d’indianité dans la créolité, en collaboration avec l’Atelier Littéraire, à travers deux ouvrages disponibles à la librairie.
Le 2 novembre 1834, le premier contingent de laboureurs indiens employés sous contrat arriva à Port-Louis à bord du navire l’Atlas. Par la suite, des milliers de travailleurs engagés par l’industrie sucrière allaient suivre, afin de remplacer la main d’œuvre servile libérée au moment de l’abolition de l’esclavage en 1835. A la fin du 19e siècle, toute cette main d’œuvre qui était venue temporairement et qui finira par s’installer durablement, représentait les deux-tiers de la population mauricienne.
A ce moment-là de l’histoire du peuplement mauricien, les Indiens nés à Maurice, donc des indo-mauriciens, sont plus nombreux que ceux qui sont nés en Inde. C’est dire la vitesse à laquelle leur intégration s’est opérée. Car, dans le cas des Afro-mauriciens, descendants d’esclaves, il aura fallu attendre 1830 pour que la majorité d’entre eux soient des natifs de l’île, alors que l’esclavage africain avait été introduit à Maurice pendant l’occupation hollandaise, vers le milieu du 17e, soit près de deux siècles plus tôt.
Lorsque l’on prend le temps d’explorer les arcanes de la créolité mauricienne, on constate « un étonnant rapport à l’Inde (…) fait d’emprunts et d’oublis », comme le signale Mathieu Claveyrolas dans son ouvrage Quand l’hindouisme est créole. L’intégration de l’indianité dans l’île Maurice du 21e siècle n’est pas évidente même si indianité – comprenant également son aspect religieux, l’hindouisme – et créolité se mêlent à tous les niveaux qu’ils soient religieux, donc, mais aussi culturel, économique, identitaire et politique.
Pour le poète Dev Virahsawmy, « sur notre île, nous sommes tous créoles ». Autrement dit, pour le poète que nous soyons d’origine indienne, africaine ou même européenne, notre créolité ne fait pas de doutes. Sauf que ce n’est pas ce qu’entendent forcément tous les Mauriciens, surtout lorsqu’il s’agit de rendre plus visible son indianité… Sont-ce là les séquelles des « bagarres raciales » qui ont émaillé certaines périodes de l’histoire mauricienne, notamment au moment de l’indépendance ou quelques décennies plus tard lors de débordements d’origines diverses (émeutes, hooliganisme…) ?…
Pourtant, pour la chercheuse Julie Peghini, cette « unité dans la diversité », reconnue et célébrée, qui caractérise la société mauricienne, est un « modèle d’inspiration indienne ». Cette indianité de la créolité, cette mixité ethnique, existe depuis les débuts de la colonisation avec les premiers esclaves venus de Ceylan, Batavia ou du Bengale aussi bien que de Madagascar et du Mozambique. Dans l’histoire coloniale mauricienne, il y a toujours eu une tradition « d’exploitation des gens et de dissimulation de cette exploitation », comme l’écrit Mathieu Claveyrolas, reprenant le propos de l’historienne mauricienne Vijaya Teelock.
Notre créolité mauricienne est d’origine forcément diverse, mais notre identité reste instable a l’image du destin de notre pays, isolé, « éternel lieu de passage » comme le note si bien Mathieu Claveyrolas… Ce qui est dommage et appréciable à la fois, c’est que ce sont surtout des chercheurs ou écrivains de l’extérieur – ce dernier mot est d’ailleurs couramment utilisé à Maurice pour désigner ceux qui viennent de l’étranger – qui viennent nous le rappeler…
Quand l’hindouisme est créole, de Mathieu Claveyrolas – Indianité et créolité à l’île Maurice, études réunies par Catherine Servan-Schreiber.
Ces deux ouvrages sont disponibles à l’Atelier Littéraire, 12 rue Saint-Louis, Port-Louis – Tel. 2082915