L’île Maurice met un point d’honneur à mettre en avant sa tolérance à l’égard de toutes les religions et de toutes les communautés. La communauté d’origine chinoise est la moins nombreuse sur l’île, mais sa culture et son architecture a toujours su fasciner les gens et marquer le paysage mauricien. C’est le cas notamment pour les lieux de culte et Histoires Mauriciennes s’est rendu dans l’un d’eux et non des moindres… Nous avons visité la pagode Kwan Tee, plus vieille pagode chinoise de Maurice.
Situé à la rue Kwan Tee dans le quartier des Salines, non loin du Caudan, à Port Louis, la pagode, bien que moins monumentale que les hauts lieux de cultes en Chine, est saisissant de par la sérénité de son parc et de son enceinte. Elle se marie harmonieusement à son environnement immédiat, à une rue du jardin Robert Edward Hart, jadis très fréquenté des port-louisiens. Ce lieu de prière est non seulement la plus vieille pagode de Maurice mais probablement de toute cette partie du monde…
Au début de la colonisation britannique, un certain Ahime (ou Log) Choïsanne arriva Maurice. Il fut sollicité par le Gouverneur Farquhar pour recruter de la main d’œuvre chinoise bon marché. Vers 1837, Choïsanne, participant à une vente aux enchères, réussit à acquérir les droits d’un terrain de 768 toises au Caudan. Il demanda la permission d’y construire un temple qu’il réalise à ses frais. La pagode voit le jour en 1842 mais Choïsanne choisit de ne pas devenir le propriétaire des lieux et il en attribua la possession à la communauté chinoise de Maurice et à tous ceux se livrant au même culte que lui.
La pagode est dédiée au culte de Guan Di (ou Guan Yu) un seigneur guerrier qui vécut au 1e siècle de notre ère (de 160 à 220 après Jésus-Christ). Ce grand soldat exemplaire fut élevé au rang de divinité « en raison de ses nombreuses qualités d’homme vertueux, courageux, juste, fidèle, loyal et patriotique » comme l’indique la pancarte à l’entrée du parc de la pagode. Après sa mort, il devint un personnage légendaire et des pagodes furent érigées en son honneur dans toute la Chine et les pays de la diaspora chinoise. Aujourd’hui, Guan Di est connu pour être le dieu du négoce, des affaires et de la guerre.
Au fil des années, la pagode connut plusieurs améliorations. Ainsi, en 1866, l’arrière fut agrandi et en 1869 deux ailes furent ajoutées. Même si la pagode reste fondamentalement dédiée à Guan Di, on y trouve d’autres divinités religieuses. La grande cloche en or qu’elle abrite date de 1869 et représente un véritable trésor.
Les Mauriciens d’origine chinoise sont nombreux à se rendre à la pagode Kwan Tee pour demander aide et protection. Ces fidèles viennent consulter leur divinité avant de prendre des décisions importantes qui influenceront leur vie familiale et professionnelle.
La pagode Kwan Tee est construite selon la tradition, avec une toiture en tuiles aux pointes recourbées. Les couleurs symboliques, rouge, vert et or qui ornent ces murs représentent le bonheur, la prospérité et la pureté. À l’intérieur, les aménagements des salles et les coloris restituent l’atmosphère particulière à ce type de lieu de culte. Sur le côté, une boutique est mise à disposition des gens souhaitant acheter talismans, sandales ou bougies. Dans la salle principale dans laquelle on vénère le Dieu Guan Di, plusieurs appareils d’éclairage, donnés par des fidèles à chaque naissance de fils, sont suspendus au plafond. Comme le veut la tradition la pagode est orientée vers le nord et les divinités qu’elle abrite font face à la mer.
La pagode Kwan Tee est bien plus qu’un lieu de culte. En près de deux siècles, elle est devenue un véritable lieu de ralliement social et culturel pour toute la communauté sino-mauricienne. Foukiénois, Cantonnais et Hakkas (les trois groupes composant la communauté) ont tous contribué, au fil des décennies, aux différentes améliorations du site qui font de la pagode Kwan Tee l’un des joyaux de la communauté sino-mauricienne.