Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec l’Atelier Littéraire, met en lumière des faits et/ou des personnages qui ont marqué l’histoire de Maurice, en les évoquant à travers les ouvrages disponibles à la librairie. Dans un beau livre illustré par le peintre Vaco Baissac, le prêtre catholique Sylvio Lodoiska raconte le parcours du Père Laval.
Le père Jacques Désiré Laval a consacré toute sa vie à travailler auprès des esclaves affranchis dans l’île Maurice du milieu du 19e siècle. Il a débarqué à Port-Louis le 14 septembre 1841 accompagnant Mgr Collier, qui avait la responsabilité des catholiques de Maurice et trois autres nouveaux prêtres.
A cette époque, le clergé catholique est en perte de vitesse dans une île où l’administration britannique privilégie l’anglicisation. Quelques années plus tôt, en 1835, l’esclavage a été aboli : 66 000 esclaves sont devenus apprentis. Le travail de la terre est assuré par les immigrants indiens. Maurice compte alors quelque 140 000 habitants dont près du tiers habite Port-Louis. La tâche du Père Laval est de s’occuper de l’évangélisation des classes les plus pauvres, les Noirs émancipés et les prisonniers.
Au début, le Père Laval habite dans un petit pavillon en bois dans l’enceinte de la cure où il reçoit les pauvres, tous des Noirs. Il ne remplit aucune fonction à l’église et ne fréquente pas les autres prêtres. Il travaille surtout auprès des couples afin de les stabiliser dans le mariage et de veiller à ce qu’ils s’occupent bien de leurs enfants. Il vit et travaille seul et apprend le créole.
Le Père Laval instaure dès 1844-1845 une méthode missionnaire inédite; il fonde dans la campagne des petites chapelles en bois, couvertes en paille, et revêtues intérieurement de toiles. Des laïcs y réunissent les Noirs, pour la prière et le catéchisme. Ce sont de véritables communautés évangélisatrices. La première de ces chapelles qui est devenue par la suite, l’Église du Saint Cœur Immaculé de Marie a été aménagée dans une boulangerie à Petite Rivière en 1845.
Les débuts de sa mission sont donc laborieux à plus forte raison parce que, comme il le fait remarquer lui-même, la population n’était pas très bien disposée par rapport au catholicisme. Mais au bout de cinq ans, son travail porte ses fruits: 3 000 conversions. Mais le prêtre, esseulé et fatigué, accuse le coup. Il aimerait que l’évangélisation soit plus rapide car la population noire s’élève à l’époque à environ 50 000 âmes. Port-Louis compte environ 30 000 habitants qu’il faut instruire, consoler, visiter et auxquels il faut administrer les sacrements. La mission est gigantesque.
En 1850, il sent déjà ses forces diminuer, rongé par les affres du climat tropical et par l’ampleur du travail. En même temps, sa mission se complique puisqu’à cette époque, la variole et le choléra déferlent sur Maurice. Le nombre des décès est considérable. Quelque 6 000 victimes, dont 3 500 à Port Louis, rien qu’en 1854. Le Père Laval se retrouve en première ligne. Il est harassé et est lui-même atteint d’une affection cutanée. En mai 1857, il est victime d’une attaque puis un nouvel accident de santé plus grave que les précédents, survient en mai 1858. Usé, incapable d’assurer son ministère, il doit démissionner.
En pleine nuit du jeudi 8 septembre 1864 il a une double attaque d’apoplexie et d’hémiplégie. Une fois remis dans son lit, il refuse qu’un prêtre reste auprès de lui préférant se placer sous la protection de Dieu et de la sainte Vierge. Les médecins avaient peu d’espoir de le sauver. Le matin du 9 septembre il reçut la communion. Il mourut à 13 h 40, en toute sérénité.
Du vendredi soir au dimanche matin, ce fut un défilé ininterrompu des diverses classes de la société et des différentes religions. Toute l’île était en deuil. L’enterrement eut lieu le dimanche à 11 heures. Le clergé accompagnant l’évêque vint faire la levée du corps pour que le cercueil prenne place sur une estrade. A la fin de la cérémonie, il fallut deux heures pour que le cercueil du bon Père puisse traverser la foule pour aller reposer dans l’église de Sainte-Croix. Jamais on n’avait vu, à l’île Maurice, une telle assemblée pour rendre hommage à un défunt. Après vingt-trois ans de mission, Jacques Désiré Laval, était devenu le Père des Mauriciens.
Dis-Moi le Père Laval – Textes de Sylvio Lodoiska, illustrations de Vaco Baissac – Disponible à l’Atelier Littéraire, 12 rue Saint-Louis, Port-Louis – Tel. 2082915