Le retour aux Chagos

En février 2020, un groupe de Mauriciens d’origine chagossienne a visité les îles des Chagos, sur l’invitation du gouvernement britannique. Parmi eux, Jean Marie Chelin dont la mère est née aux Chagos, qui a écrit Les Ziles La Haut, un livre paru en 2012. Il nous livre des images saisissantes prises sur le vif lors de cette visite mémorable. Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec l’Atelier Littéraire, vous fait revivre ce voyage dans un archipel où le temps s’est arrêté et vous invite à relire le livre de M. Chelin, disponible à l’Atelier Littéraire.

Le 29 avril 1973 les derniers habitants de l’archipel des Chagos sont expulsés pour laisser la place à la base américaine de Diégo Garcia… Dans Les Ziles La Haut,  Jean Marie Chelin nous invite sur 182 pages, à une visite complète de l’archipel. Un saut dans l’espace et dans le temps.

C’est donc l’histoire de ces îles – la plupart sont des îlots – et de ses habitants qui nous est livrée avec forces détails par Jean Marie Chelin dans cet ouvrage paru en 2012. L’auteur s’appuie sur une documentation très détaillée qui fait la part belle à l’aspect maritime de l’histoire des Chagos mais aussi aux témoignages de ceux qui y ont vécu et à une impressionnante collection de photographies qui couvre presqu’un siècle.

Les Ziles La Haut  se présente en cinq parties. La première partie, la plus détaillée, retrace toute l’histoire des Chagos, depuis leur découverte, au début du 16e siècle par les Portugais et le naufrage de la nef La Conceiçao en 1555, jusqu’à la déportation de 1973. Une première partie très riche en anecdotes surtout maritimes, concernant les explorations de l’archipel sur la route des Indes, mais aussi toute l’épopée de l’industrie du coco, depuis sa mise en place a la fin du 18e siècle.

“L’année 1793 vit la création d’un établissement à Diégo Garcia par M. Lapothaire qui y avait transporté, sur deux navires, un lot d’esclaves en provenance de l’Isle de France en vue de lancer une industrie du coco”, écrit Jean Marie Chelin sur les débuts de cette exploitation qui dura près de deux siècles. Il poursuit: “La première exportation de cocos eut lieu l’année suivante. Il est à noter une expédition de bambaras ou concombres de mer séchés, à destination de la Chine”.

L’exploitation du coco et de son huile se fit dans toutes les îles de l’archipel sur des concessions accordées à des familles originaires de Maurice. La production de coprah était extensive. Selon Chelin, dans les années 1950, six milles arpents de Diégo Garcia étaient recouverts de cocotiers, les îles Salomon produisaient deux millions de noix de cocos et les îles Peros Banhos un million trois cents mille.

Dans la première partie de Les Ziles La Haut, Jean Marie Chelin relate aussi toute la période de la Seconde Guerre Mondiale telle qu’elle a été vécue dans l’archipel, d’après les témoignages de Paul Caboche, fils de l’administrateur de Salomon, incorporé comme télégraphiste de l’armée britannique, en poste à Diégo Garcia de 1940 à 1942.Caboche notait scrupuleusement dans un carnet le nom de tous les navires qui relâchaient dans l’archipel.

De la deuxième à la cinquième partie Jean Marie Chelin laisse libre cours aux témoignages et anecdotes qui donnent un aperçu de la vie dans les îles. L’auteur reprend par exemple une anecdote de Marie Descroizilles et Alix Mulnier qui racontent la préparation du carangaï. Ce repas à base de tortue de mer était préparé le samedi et laissait libre cours à un rituel sanglant lors duquel l’animal était égorgé sous les yeux des convives avant que sa chair ne soit grillée et consommée avec du jus de citron.

“D’une main experte, l’égorgeur enfonçait son couteau effilé dans la gorge de l’animal. Le sang encore chaud était recueilli et les jeunes enfants étaient contraints de l’avaler” racontent-elles. Selon la croyance, cela renforçait le taux d’hémoglobine et était excellent pour la santé. “On gardait la tortue sur le dos et aussitôt on lui découpait la carapace du côté du ventre et on enlevait la chair en une seule masse. Et nous les enfants, fouillions avec Bonheur dans cet amas de chair sanguinolente pour récolter les œufs!”

Ces témoignages émanent de ceux qui ont vécu ou ont bien connu les quatre groupes d’îles: Diego Garcia, Six Iles, Salomon et Peros Banhos. Outre Marie Descroizilles et Alix Mulnier, ils sont signés Paul Caboche (décédé en 2012, quelques jours avant la parution du livre), France Gendron et Marguerite de Chaumont. Ziles La Haut se termine sur une superbe section photographique signée Kirby Crawford, avec une image du Nordvaer (le navire sur lequel les déportés Chagossiens ont embarqué en 1973) qui appareille pour son dernier voyage…

Les Ziles La Haut, de Jean Marie Chelin, est disponible à l’Atelier Littéraire, 12 rue Saint-Louis, Port-Louis – Tel. 2082915

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