Occupation Britannique 1810-1968
Le 3 décembre 1810, l’une des plus belles colonies de l’Empire français passa aux mains des Anglais. Mais le traité de capitulation avait été généreux pour les colons qui avaient décidé de rester à l’ile de France, ils purent, en vertu de l’article 8 dudit traité maintenir leurs esclaves, conserver leurs biens fonciers, leurs us et coutumes. Au lendemain de la défaite comme le dit si bien l’Historien St Elme le Duc, “rien n’avait changé sinon que l’union Jack avait remplacé le tricolore”.
Pour gagner le cœur des Gens de couleur, qui au vu du recensement de 1830 étaient deux fois plus nombreux que la population blanche, le Gouvernement britannique fit passer l’Ordonnance portant le N0 57 de 1829 qui rétablit la parité entre blancs et gens de couleur, ces derniers purent dorénavant exécuter des instruments de succession et recevoir des donations de leurs pères naturels. Les registres paroissiaux furent dorénavant rendus uniformes pour les deux catégories de chrétiens. Ce fut une grande avancée pour la population dite « de couleur ».
En 1831 cependant suivant représentation d’Adrien D’Epinay chef de fil du comité colonial à l’effet que les colons n’étaient pas un peuple vaincu et qu’ils se devaient participer à l’administration du pays car le Council of Government institué depuis la prise de l’ile ne se composait que d’Officiel Britanniques avec le Gouverneur comme Président.
Les Britanniques réagirent favorablement a cette demande en acceptant de nommer « 7 persons from amongst the chief landed propriters and principal merchants » au dit Conseil du Gouvernement, excluant du coup tout homme de couleur.
Cette décision souleva des protestations des Gens de couleur, ceux-ci arguant qu’ils n’avaient rien à envier en termes d’instruction et de fortune à la population blanche et qu’ils devraient avoir leur place au Conseil du Gouvernement. Mais rien n’y fit. Remy Ollier porte-parole des Gens de couleur mena une campagne soutenue à travers son journal de combat la Sentinelle. Il faut attendre 1847 pour voir la nomination du premier homme de couleur en la personne de Hyppolite Lémière au Conseil.
Dès lors les choses prirent une tournure décisive. En 1849, le Gouvernement britannique décida d’octroyer le statut de Municipalité à la ville de Port Louis. Cette démarche s’inscrivit dans la stratégie des britanniques de s’attirer la sympathie des Gens de Couleur.
Le recensement de 1830 démontre que les libres sont dorénavant à 18 039 âmes alors que la Population blanche n’est qu’a 8 592 âmes.
En 1834 un évènement qui va bouleverser toute la configuration ethnique de cette ancienne Isle de France avec l’arrivée massive de travailleurs engagés venus des Indes. Environs 350, 000 de ces travailleurs contractuels éliront domicile dans la colonie (1834-1912) contre tenu que les domaines sucriers n’étaient pas favorable au départ à la venue d’une main-d’œuvre féminine, Ce phénomène devait inévitablement provoquer des rencontres intimes, licites ou illicites avec les ethnies déjà sur place, donnant naissance à des métis, d’afro-dravidiens ou même à de métis aryens lesquels rejoindront les rangs des white ou coloured créoles
Cependant pour des raisons pratiques dit-on le recensement de 1846 cessa de mentionner les différentes ethnies en les groupant tous sous la rubrique de Population Générale. Du coup population blanche, libres de couleur et ancien esclaves se trouvèrent sous une et même rubrique de Population Générale afin dit-on de les différencier par rapport aux travailleurs engagés venus des Indes
Année Population Générale Population Indienne
1846 102 217 56 245
Source : Population Census of Mauritius
Mais certains rapports continuent de faire mention des différentes ethnies que compose la dite Population Générale à l’instar de la Commission de Felix Bedingfield qui en élaborant sur la propagation du Cholera de 1854 fit état de White, White créoles, Coloured créoles and Black créoles et qui plus est, fait également état de la petite population de Chinois qui dans le rapport fut la moins affectée par le mal.
Alors que la population blanche malgré leur nombre, rêve d’une plus grande marge de manœuvre dans les affaires de la colonie, car en ce milieu du 19ème siècle le Gouverneur est le seul maitre à bord, les membres siégeant au niveau du Conseil du Gouvernement font de la figuration disent-ils car nommés selon le bon vouloir des Britanniques et n’ayant pas voix au chapitre.
Un projet de loi, la Nature and Forest Reserves de 1872 visant à permettre au Gouvernement de réquisitionner les terres dans certaines régions forestières pour mieux préserver l’environnement, allait faire déborder le vase. Un mouvement pour plus de démocratie fut donc enclenché. Cette démocratisation se devait passer par des élections. Mais la crainte des colons blancs est de voir que ces élections soient une cuisine interne, car ils détestaient de voir être élus tout homme de couleur ou hindou au Conseil. Plusieurs formules furent dès lors proposées toutes ayant pour objectif de ne faire élire que les députés Franco- mauriciens.
Finalement le Secrétaire d’Etat aux Colonies trancha et proposa une formule dite censitaire qui allait conférer le droit de vote qu’a 3% seulement de la population taillée sur mesure pour voir qu’une majorité de députes Franco Mauriciens être élus. Cette loi connue comme Loi Pope Hennessy du nom du Gouverneur qui initia la tenue des élections en 1886 avec un élu dans chaque district de l’île à l’exception de Port Louis qui allait élire deux députés.
Malgré les conditions restrictives imposées par le vote censitaire pour se qualifier comme électeur surtout pour barrer la route aux Gens de couleur, cette loi fut maintenue pour quasiment six décennies 1886 -1947. Il faut attendre un élargissement du cens électoral dans le sillage de la décolonisation de l’Empire Britannique pour la voir être abrogée.
Bon nombre de consultations électorales furent emmaillées par des incidents entre l’électorat créole et la population blanche. En 1911 elle déboucha sur une émeute entre les partisans des Oligarques (parti des barons sucriers) et les Libéraux. La colère des franco- mauriciens fut que Sir William Newton un homme de couleur gagné à leur cause fut battu par Eugene Laurent un leader populaire créole lors des élections législatives à Port Louis. Les biens des Franco- mauriciens furent mis à sac dans la capitale, sans l’intervention des forces armées britanniques stationnées dans l’ile, l’impossible aurait pu se produire.
Ce fut la seule confrontation musclée entre les Franco Mauriciens et les Gens de Couleur Pour la Commission instituée sur la bagarre en partisans et adversaires, le Lieutenant Mac Donald, commandant des troupes conclut entre autres dans son rapport que l’octroi du vote aux non blancs était la cause de ce ressentiments entres adversaires du jour.
Si non, le début du 20ème siècle sera marqué par l’avènement des partis politiques. D’abord l’Union Mauricienne composée majoritairement des Gens de couleur et les Oligarques la ligne dure de l’industrie sucrière.
Quelques années après le Parti Liberal se désagrégea pour donner naissance à l’Union Mauricienne sous la direction du Dr Eugène Laurent. C’est un parti qui se veut national. Il comprend les blancs dits pauvres, les gens de couleur et quelques éléments indo- Mauriciens. Le Parti comprend des hommes de grands talents tels Jules Koenig, Raoul Rivet, Roger Pezzani et Maurice Curé.
Le nouveau parti prône pour une nouvelle constitution qui sortirait sous l’emprise des barons sucriers.
D’abord un mouvement voit le jour. C’est le mouvement rétrocessionniste qui vise à l’annexion de l’île à la France en échange des provinces Française de Pondichéry, de Karikal et Yanaon aux Indes. Les promoteurs visent à une plus grande démocratisation sous un régime Français. Les élections de 1921 furent une occasion pour rétrocessionnistes et anti rétrocessionnistes de se mesurer. Comme il fallait s’y attendre, les Oligarques de l’industrie sucrière s’opposèrent farouchement au projet et les rétrocessionnistes furent battus à plate couture. Au demeurant jamais ce projet fut l’objet de consultations entre la France et le Royaume Uni, il mourut donc de sa belle mort.
Les années trente, au siècle dernier furent marquées par les remous dans l’industrie sucrière et l’avènement du mouvement syndical sous la férule d’un ancien rétrocessionniste, le Dr Maurice Curé. Ce white créole lauréat de la bourse dite d’Angleterre et médecin, est plein d’amertume, Il est un socialiste convaincu et décide de se donner corps et âmes pour la cause des travailleurs qui exploité par le grand capital, vivent dans l’Église du silence . Il sera rejoint plus tard par un autre homme de couleur Emmanuel Anquetil Les deux sont les fondateurs du mouvement syndical et également fondateur du Parti Travailliste.
Comme il fallait s’y attendre les deux hommes seront les bêtes noirs de la classe possédante. En tant que médecin Cure sera ruiné car boycotter dans sa profession de médecin alors qu’Anquetil sera déporté à Rodrigues comme dangereux communiste, ce père du mouvement syndicale mourra dans la misère abjecte en 1946.