Histoire(s) Mauricienne(s, en collaboration avec l’Atelier Littéraire évoque, à travers des ouvrages disponibles à la librairie, la fin de l’occupation française et la prise de Maurice par les Anglais, au début du 19e siècle.
1810 est probablement l’une des années les plus importantes de l’histoire de Maurice. En août puis en décembre de cette année-là, les deux superpuissances de l’époque, la France et l’Angleterre, se sont affrontées sur le champ de bataille pour se disputer ce petit bout de terre pourtant isolé dans l’océan Indien. Son port en eau profonde et sa situation stratégique sur la route des Indes explique cette convoitise. Tandis que les Français y avaient pris souche depuis le début du 18e siècle, les Anglais eux n’avaient qu’une seule idée : se l’approprier. Ils mirent plusieurs années. Mais après de nombreux sièges quelques tentatives de débarquement, une grande bataille navale ils finirent par l’envahir et la conquérir, pratiquement sans coup férir.
Entre la fin du 18e et le début du 19e siècles, pendant les guerres franco-anglaises de la République puis de l’Empire, les Anglais voulaient s’emparer de Maurice. L’île était la clé de la Mer des Indes mais surtout le repaire des corsaires qui portaient des coups terribles à la marine anglaise. Ne pouvant s’en emparer par la force, la marine anglaise établit un blocus autour de l’île afin de forcer sa reddition. Des corsaires français combattirent vaillamment l’hégémonie de la marine anglaise dans l’océan Indien.
Tout s’est accéléré avec la bataille du Grand-Port, en août 1810. C’est la seule victoire navale des Français sur les Anglais, durant les guerres de l’Empire, sous le règne de Napoléon Bonaparte. L’orgueil de la Navy fut mis à mal et les Anglais mirent en branle le processus d’invasion de l’Isle de France.
Mais, hormis son aspect militaire, cette bataille a aussi permis de jeter les bases d’une entente cordiale entre la France et l’Angleterre, dans cette partie du monde, entre descendants de Français et envahisseurs anglais sur le petit bout de terre indianocéanique. Elle a ouvert la porte à une belle coexistence du français et de l’anglais puisque « la fusion de l’empreinte française et de l’influence anglaise va jeter les bases d’une île Maurice nouvelle », au début du 19e siècle, comme l’écrivent fort justement Jean-Pierre Lenoir et Robert de Froberville dans le préambule de l’ouvrage de Léon de Froberville, Le combat du Grand-Port et la fin de l’occupation française.
A cette époque, Maurice est une île encore relativement vierge même si le milieu naturel a été passablement transformé, notamment par l’exploitation forestière et les débuts de la production de cannes à sucre. Dernier gouverneur de l’Isle de France, le général Decaen fit des règlements sévères pour la conservation des forêts et des rivières, en ligne avec le Règlement économique, introduit par l’intendant Pierre Poivre, trente ans plus tôt.
En 1810, la population était composée d’environ 7 000 descendants d’Européens, d’environ 70 000 esclaves d’origine mozambicaine (26 000) et malgache (11 000) mais aussi, en nombre moins élevé, en provenance du sous-continent indien (6 000). Les autres esclaves, créoles, c’est-à-dire métissés, étaient au nombre de 17 000. La population dite « de couleur » composée d’esclaves affranchis s’élevait au nombre de 7 500 environ. La population en 1810 atteignait les 80 000 âmes.
L’île disposait d’une assemblée coloniale, avec des membres de l’administration royale (ou impériale, sous l’Empire) et des représentants des colons d’origine européenne. Elle était découpée en 9 quartiers (ou districts), qui resteront à peu de choses près les mêmes régions sous l’administration britannique.
Mais au plan militaire, il n’y avait que 1 200 hommes de troupe, pour une île à l’importance stratégique avérée. En 1810, le temps des corsaires qui combattaient la marine anglaise sur les eaux de l’océan Indien était révolu. L’île se retrouvait un peu livrée à elle-même et à la merci de l’envahisseur, au grand désespoir du général Decaen… Les Anglais, qui commençaient à bien connaître les lieux, finirent par prendre la décision qui s’imposait.
Le 29 novembre 1810, l’escadre d’invasion anglaise composée d’une centaine de navires, toucha Maurice dans le nord, à l’ouest de Cap Malheureux. Après le débarquement, il y eut quelques escarmouches avec les Français dans la nuit du 30 novembre, avant que les Anglais ne commencent leur avancée vers le Port Napoléon (le nom de Port-Louis en 1810).
(A suivre)
Sources : Port Louis, histoire d’une capitale, de Jean Marie Chelin – Last years of the Isle of France, de Raymond d’Unienville et Marina Carter – Le combat du Grand-Port et la fin de l’occupation française, de Léon Huet de Froberville
Ces trois ouvrages sont disponibles à l’Atelier Littéraire, 12 rue Saint-Louis, Port-Louis – Tel. 2082915