Philippe Hitié nous invite à un survol en deux parties de l’histoire politique de Maurice, évoquant les grands faits qui l’ont marquée et les grandes figures qui l’ont forgée.
Les premiers visiteurs
Située dans l’océan Indien, Maurice, île d’origine volcanique, d’une superficie d’environ 1865 km carrés, est une des terres les plus tardivement peuplées du globe. Elle aurait été connue aussi tôt que le Xe siècle par des navigateurs arabes qui dominèrent le commerce et la navigation dans l’océan Indien, mais ils ne s’intéressèrent guère à un pays dépourvu d’habitants, et où les échanges étaient inexistants. Les Portugais, qui la visitèrent dans les premières années du XVIe siècle, la nommèrent Ilha do Cirne, l’Ile du Cygne, mais ils ne s’y arrêtèrent que très occasionnellement.
Les Hollandais
Le 20 septembre 1598, les Hollandais prirent possession du pays, la nommant Mauritius. Ils découvrirent un patrimoine naturel intact auquel les Portugais n’avaient ajouté que quelques cocotiers et des singes d’Asie du sud-est. La possession hollandaise dura plus d’un siècle, avec trois tentatives infructueuses de colonisation à partir du 6 mai 1638 pour se terminer en 1710.
Les Français
Les Français arrivèrent en 1715, pour une prise de possession juridique de l’île qu’ils baptisèrent Ile de France. La prise de possession devint effective en décembre 1721, avec l’arrivée des premiers colons à partir de l’île voisine, Bourbon. Les débuts furent des plus modestes, ces colons, comme leurs prédécesseurs immédiats, subsistant surtout de pêche et de chasse.
Avec Mahé de Labourdonnais, gouverneur général du 5 juin 1735 au 24 mars 1746, l’Ile de France entra dans une nouvelle phase de son histoire. Après son départ, la colonie sombra, une fois de plus, dans un état peu enviable, mais, d’une manière générale, elle devint une colonie prospère.
L’île, qui était sous la responsabilité de la Compagnie des Indes, fut rétrocédée au roi de France en août 1764, la rétrocession ne se traduisant dans la réalité qu’en mai 1767. Elle vécut la Révolution française à partir surtout de janvier 1790. Au cours de la période révolutionnaire, riche en événements, l’Ile de France vécut des années de désordre et de quasi-autonomie de la métropole jusqu’au début de février 1803 qui vit la suspension des constitutions républicaines aux Iles de France et de Bourbon et l’instauration d’un gouvernement consulaire.
Gouvernement impérial français et capitulation aux Anglais
Charles Decaen débarqua le 17 août 1803 pour être reconnu Capitaine général des Iles de France et de la Réunion le 25 septembre 1803, et installé comme tel le lendemain. Une de ses premières décisions fut la dissolution, le 28 septembre, de l’Assemblée coloniale. Charles Decaen se prouva un excellent administrateur du gouvernement impérial, le demeurant jusqu’en 1810 lorsque les Anglais décidèrent de prendre l’île. Le 14 août 1810, ils s’emparèrent de l’Ile de la Passe, au Grand-Port, qui fut reprise par les Français le 28 août 1810. Mais face à des forces supérieures en nombre, mieux rodées, les Français capitulèrent le 3 décembre 1810, le premier gouverneur anglais, Robert Townsend Farquhar, étant nommé le 5 décembre 1810. Le 28 décembre 1810, une proclamation invita les habitants à prêter le serment d’allégeance au roi de Grande-Bretagne et d’Irlande, George III.
Les conditions de la capitulation ayant été des plus honorables, les nouveaux maîtres promettant de respecter les coutumes, la religion et les lois des conquis, la plupart des colons français jurèrent fidélité au souverain anglais et demeurèrent dans l’île, ceux refusant de le faire rentrant en France. La possession du pays par les Anglais fut confirmée par le Traité de Paris, en 1814.
Mosaïque de races
Sur cette petite île de l’océan Indien vivent des personnes venant d’Europe, d’Asie et d’Afrique, les esclaves étant venus surtout d’Afrique, les ouvriers engagés pour les remplacer, après l’abolition de 1835, venant de l’Inde et de la Chine. La population d’origine indienne, qui comprend aussi les musulmans, en constitue la partie numériquement la plus importante. Tous, à l’exception peu ou prou de la composante d’origine africaine, ont préservé les coutumes de leurs ancêtres, de sorte que Maurice est reconnue pour être une mosaïque de races et de cultures.
État indépendant et république
1947 fut une année phare dans l’histoire de Maurice avec la création d’une Assemblée législative, le Secrétaire d’État, le 16 août, octroyant une nouvelle Constitution au pays, qui fut un pas important vers l’indépendance. Une campagne en faveur de l’indépendance fut menée en 1961, les Anglais se disposant à donner une certaine autonomie et, éventuellement, l’indépendance.
En 1963, le Parti travailliste (PTr), au pouvoir depuis 1948, remporta les élections législatives contre les deux partis de l’opposition que furent l’Independent Forward Block (IFB), dirigé par Sookdeo Bissoondoyal, et le Parti Mauricien, fondé en avril 1955, dont le leader était Jules Koenig, membre de la communauté blanche, mais parti qui groupait aussi des membres d’autres communautés. Ce parti deviendra en 1967 le Parti mauricien social démocrate (PMSD), Gaëtan Duval, jeune et brillant avocat créole, l’ayant intégré, assurant à ce groupe la confiance d’une grande partie de la bourgeoisie créole, tout en étant adulé par ceux au plus bas de l’échelle de la communauté créole, au point d’être appelé par eux le roi des créoles.
En septembre 1965, une Conférence constitutionnelle eut lieu à Londres et l’indépendance fut accordée à l’Ile Maurice. Un accord, signé entre le Secrétaire d’État aux Colonies, Anthony Greenwood, et le premier ministre mauricien, Seewoosagur Ramgoolam, octroya la souveraineté à l’île.
Une alliance, qualifiée de Parti de l’Indépendance (PI), constituée du Parti travailliste (PTr), mené par le Dr. Seewoosagur Ramgoolam, du Comité d’action musulman (CAM), dirigé par Abdool Razack Mohamed, et de l’Independent Forward Block (IFB), remporta les élections du 7 août 1967, aux dépens du Parti mauricien social démocrate (PMSD), favorable, pour sa part, à l’intégration à l’Union Européenne et à l’émigration. Le 12 mars 1968, le Dr. Seewoosagur Ramgoolam, déjà principal ministre depuis 1961, devint Premier Ministre du nouvel État indépendant, avec toujours pour souveraine la reine Elizabeth II, tout en restant membre du Commonwealth Britannique des Nations. Le Parti de l’Indépendance obtint 56 pour cent des suffrages, contre 44 pour cent au PMSD.
Ceux qui avaient voté contre l’indépendance, surtout ceux qualifiés de Franco-Mauriciens et les sang-mêlé, connus comme créoles, ne se sentant pas en sécurité, émigrèrent surtout vers l’Afrique du Sud, la Rhodésie et l’Australie. C’était particulièrement dans les années 1967 à 1969.
Dix-huit mois après l’indépendance, se forma ce que l’on pourrait appeler le deuxième gouvernement de coalition, constitué du Parti de l’Indépendance (PI), avec cette fois la bénédiction de la France, notamment celle de M. Michel Debré et du Parti mauricien social démocrate (PMSD). Du côté des partisans du PTr comme de ceux du PMSD, il y eut comme un sentiment de trahison.
Ce fut dans cette sorte de vide qu’émergea un nouveau parti politique, le Mouvement militant mauricien (MMM), qui prit son envol à partir d’un Club d’étudiants mauriciens, dont le fondateur fut Paul Raymond Bérenger, aux idées franchement gauchistes ou gauchisantes avec autour de lui des intellectuels comme Dev Virasawmy, Jooneed Jeerooburkhan, Heeralal Bhugaloo, trois membres influents qui ont, par la suite, déserté le parti.
Aux élections partielles de 1970 et municipales de 1971, les candidats de ce nouveau parti remportèrent la victoire. Le MMM connaîtra en 1971-1972 des années de répression. Mais en 1976, il remportera la victoire. Depuis rien n’aura été décidé au plan politique sans une certaine intervention de cet homme, Paul Raymond Bérenger, et de son parti. Cet homme seul, bien qu’entouré.
Philippe Hitié, CSK, directeur et fondateur de Summertimes, possède plus de trente-cinq d’expérience dans le tourisme. Passionné d’histoire, il est un observateur attentif de l’évolution politique de Maurice. Ce texte en deux parties a été écrit en octobre 2016.