Histoires Mauriciennes a le plaisir de publier en intégralité un document exceptionnel sur l’orchestre de la police mauricienne, accompagné d’anecdotes sur l’île Maurice de la fin des années 50 et des années 60. Un texte très personnel, signé Ralph Robert et agrémenté de photos exclusives.
Histoires Mauriciennes remercie l’auteur pour cette contribution inestimable.
1. Qui suis-je / Who I am
Je suis le fils ainé de M. Michel Raymond Robert, le premier chef d’orchestre mauricien du Mauritius Police Band. En toute probabilité, cette responsabilité que lui fut confiée par les responsables du Gouvernement britannique de l’époque, fit aussi de lui le premier Mauricien à prendre charge d’un département gouvernemental. Autant que je le sache, personne ne l’a jamais reconnu ; ni la presse, ni les historiens, et encore pire, ni les archives gouvernementales.
Ce fut précisément ça qui m’a totalement convaincu qu’il était grand temps pour moi de faire part à de nombreux Mauriciens de mes souvenirs par rapport à l’importance de l’excellent travail effectué par un groupe de vrais compatriotes dotés de talents individuels dans le domaine du divertissement de la nation, principalement la musique.
Etant donné qu’ils étaient tous fonctionnaires faisant partie de la police nationale sous la tutelle des Britanniques, tout était subventionné par Sa Majesté Le Roi George VI. Cela représentait un milieu unique pour ces artistes, jeunes et seniors, d’exploiter les meilleures gammes d’instruments musicaux, – Boosey & Hawkes, Selmer, Playel, Yamaha etc. Ils avaient aussi droit à uniformes, bourses et surtout pension. Pas mal, même s’ils étaient bossés par des Rossbiffs. Qui sait ? Après l’indépendance, sujet dont tout le monde parlait, tout pourrait sans doute changer. Un jeune et nouveau gouvernement aurait surement d’autres priorités.
Les raisons pour lesquelles je me suis lancé dans ce projet sont multiples. Tout d’abord, personne n’a jamais pris le temps d’apprécier sérieusement le boulot que font ces bons hommes ; encore moins de proclamer haut et fort la joie de les avoir parmi nous. J’en ai lu des articles, mais ils manquaient tous cette continuité, cette profondeur, ce ‘know how’ qui reflèterait convenablement la ‘Famille’ que représentait à cette époque le Mauritius Police Band. Quoiqu’il en soit, je ferai de mon mieux pour qu’elle soit reconnue. Mieux vaut tard que jamais.
Et puis, vu mon âge avancé, la majorité de ceux qui auraient pu le faire ont tout simplement disparu, soit de la planète ou du pays. Mes frères et moi avons grandi parmi ces bonnes gens. Depuis que mes parents nous ont quittés, mon jeune frère Mario et moi avons pu recueillir pas mal de matériel qui m’aidera à documenter une période de l’histoire plus ou moins précise, importante et intéressante de la Mauritius Police Band ; notamment la génération fin ’40 à fin ’50, au moment où j’ai dû quitter mon pays comme bien d’autres jeunes afin de me faire un nouvel avenir ailleurs.
Je dois préciser que cette publication restera « ouverte » à tous ceux qui, comme moi, ont eu l’occasion, le plaisir et le privilège d’avoir vécu et joui de cette période et souhaiteraient y contribuer de manière significative et acceptable.
2. St. Andrews, mon collège
Gamins de Rose-Hill en ‘46, on se connaissait tous dans le voisinage de la rue Solférino. Un peu plus tard, en janvier 1951, je n’avais que 13 ans. Suite aux démarches de mes parents, je devins élève du collège payant de St. Andrews, milieu incontestable pour apprendre l’anglais. Le recteur, le Révérend Mc Avan, super prêtre anglican d’origine écossaise, avait la réputation d’être sévère mais juste. Grand, blond, mince, droit comme un ‘i’, et vêtu de sa soutane blanche, il donnait toujours l’air d’être fier de ses responsabilités. Mes deux potes et moi le voyaient dans son bureau bien des fois. Les leçons de latin pour nous, ce n’était pas cool. On s’en absentait un peu trop souvent. Pénitence : fessée de dix coups de rotin dans le bureau du recteur. Bien sûr que ça faisait mal. On sortait de là avec la peau des fesses gondolée comme une feuille de tôle cannelée, mais le Western que nous avions vu au Plaza, le super cinéma à dix minutes de marche du collège, valait bien les coups. Grinçant des dents et larmes aux yeux, José, Malcolm et moi n’allions jamais révéler quoique ce soit à nos parents. À l’époque, les enfants de bonnes familles ne recevaient jamais de pénitence corporelle par quiconque à part les parents. Si jamais maman le savait, ‘shit would fly’. Maman et mes tantes seraient dans le bureau du pauvre missionnaire, l’assaillant de reproches et d’insultes à la mauricienne qui feraient rougir une vielle poissonnière de la Cannebière ; peu importe que le mec parlât à peine le français ou pire, le créole. Et ce n’est pas fini. L’effigie de notre pauvre recteur finirait par être victime de la pire des malédictions que notre redoutable madame sorcière de Rose Hill, mieux connue sous le nom de Daïne, pourrait infliger. La puissance de ses prières à St Expédie serait suffisante à faire taire toutes les cornemuses du château d’Edinbourg. Du vrai bullshit probablement, mais soit ! Après tout, c’est Mauricien.
Je me rappelle que fin septembre ’57 on se préparait pour notre voyage vers l’Europe. Je savais que papa avait écrit au Révérend Mc Avan pour lui annoncer que j’allais quitter le collège. Vers onze heures je reçois un appel de lui me disant de venir le voir dans son bureau.
“Do come in young man and sit yourself down.” me dit-il d’une voix bien plus joviale que d’habitude. “Would you rather I spoke to you in latin or in western american english?” Voyant que ma réaction envers son sens de l’humour n’était qu’un léger sourire timide de culpabilité, il se râcla la gorge : “Hmm I was only jesting. Well me’lad, have your parents received their departure date yet?”
“I can’t really say sir, but I do believe that it will be around mid October” répondis-je.
“Good. That will give me ample time to write a decent letter of recommendation just in case you might need it. Have you given some thoughts as to what you intend to do in Europe?”
“Yes sir. I have always wished to be a fighter pilot.” Ma réponse était si spontanée qu’il me regarda avec un sourire d’anticipation.
“So I understand from everyone I have spoken to. Ambitious, won’t be easy but excellent nonetheless. I shall contact you as soon as I have finished the letter. Well young man, you may rejoin class. That will be all for now.” En sortant de son bureau, je ressentais que j’effectuais les derniers pas de mon enfance dans mon pays natal. J’entendais mon destin qui me fredonnait ‘Va petit mousse où le vent te pousse’.
3. La Famille
Ce fut à la caserne de Rose-Hill, rue Moka, à deux pas de la station de police que j’ai vécu la plus grande partie de mon expérience avec le ‘Band-la-Police’. Je ne me rappelle pas exactement qui, mais l’un de ces charmants messieurs m’avait collé le sobriquet ‘piti missier Robert’ ; Ralph étant probablement trop intime ou ‘foreign’ je suppose.
A cette époque, j’avais deux passions : le foot comme ailier gauche pour l’équipe des Eaglets et la musculation. Si je n’avais pas grand-chose à faire à la maison ou à l’entrainement de foot, c’était à la caserne de Moka que j’aimais passer mes heures de loisir. J’arrivais avec Papa à huit heures le matin.
Le grand espace, les gigantesques manguiers, longaniers, tamariniers et bien d’autres arbres ne cessaient jamais de m’impressionner, surtout quand ils fleurissaient et peu de temps après, rapportaient. Jadis, ce terrain fut selon toute probabilité le verger d’une propriété renommée de la localité.
Ce que je trouvais amusant c’était la petite parade d’appel, le roll call, qui avait lieu tous les matins à huit heures et quart. En principe, c’était Papa, l’assistant de monsieur Rolfe, l’officier et chef d’orchestre Britannique, qui le faisait. Des fois, Papa passait la responsabilité à l’un de ses deux lieutenants et copains, Francis Wilden ou Freddy Laurence. On pouvait toujours compter sur l’absence d’un ou même de deux messieurs qui recevraient leur engueulade peu après leur arrivée. Hélas ! Goutte d’eau sur feuille de songe.
On ne voyait jamais Mr. Rolfe avant onze heures le matin. En tenant compte du fait qu’il se faisait conduire du Gymkana de Vacoas, à une bonne heure de voyage de Rose-Hill, surtout à l’heure de pointe, ce genre de retard était tout à fait compréhensible pour un représentant haut gradé de l’empire Britannique. Quant à son chauffeur, un caporal de la K.A.R. (King’s African Rifles), il ne manquait jamais d’attirer l’attention de tout le monde. Au moins deux mètres de haut sous sa tôque rouge flamme, il aurait pu être le sosie d’Omar Sy, l’acteur Français d’origine africaine. (Précisons qu’à cette époque, Omar Cy n’était probablement qu’un rêve dans l’esprit coquin de son père). Il était toujours impeccablement habillé, aimable et réservé avec son sourire éclatant envers tous ceux qui lui adressait la parole (en anglais bien sûr). Une énorme Austin 18 noire, étincelante sous le soleil du matin, complétait l’aspect ‘very british’ du duo Britannique. Je me souviens que ces fameux soldats du K.A.R. descendaient en grand nombre dans le ‘stand’, partie payante du Champs de Mars, pendant la saison hippique à chaque fois qu’un navire de la marine royale débarquait dans la rade de Port-Louis.
4. Les marins anglais se divertissent
Je me permettrai une brève digression pour raconter ce que pouvait être une journée aux courses en compagnie de la marine Britannique. Personnellement, gamin que j’étais, c’était comme si que je regardais un film d’action au Plaza.
C’était un samedi matin ensoleillé, vers les onze heures. Une vingtaine de matelots nous honoraient de leur présence. Tous vêtus de blanc, ils faisaient partie de l’équipage du majestueux porte-avion Bulwark en tournée dans l’océan Indien. Tôt le matin, deux camions militaires bourrés de soldats de la K.A.R. s’étaient garés discrètement dans une petite ruelle à l’ouest du complexe payant du Champs de Mars. Aucun soldat ne serait visible pendant presque toute la journée. Par contre les jeunes marins, poches bourrées de fric, étaient là pour s’amuser. Tout était à leur disposition : boisson à gogo, excellente bouffe de La Flore, restaurant français de longue tradition, musique que leur fournissait Papa et son orchestre, sans oublier les jolies demoiselles.
Tout à coup, on entendit un marin hurler une trainée de gros mots “What the f… do you think you are f.….. doing? That’s my f.….. glass you stupid t…”
Et paf ! C’était le coup d’envoi anticipé. Un pauvre mec se retrouva soudain sur le dos par terre, le visage couvert de sang qui coulait à flot de son nez et de sa bouche. Le bar de La Flore se transforma en une volière peuplée de cookabaras qui ne jazzaient qu’en anglais.
Du coup, je continuerai mon récit en anglais…
I was frightened. I darted towards a table standing by the kitchen and crept underneath. In the midst of all the shouting and screaming and swearing, another body fell flat on his back; this time right beside me. His nose was bleeding profusely. He caught sight of me, propped his face on his elbow and said “hello there young fella, you look terrified. No need to worry. We are only having some clean fun.” He then wiped his face, looked at me and proceeded to wipe his bloody hand all over my clean white shirt. “There we go little fella. You can now consider yourself well and truly blooded. Your mum will probably skin your arse alive, but hey! Who bloody cares? Got to go now. Only chance I got to beat the shit out of my superior”. With that, he sprang up, put his head down like a very annoyed buffalo and charged back into the fray shouting “once more into the breach my friend!” True to his word, someone with three stipes on his arm screamed in great pain. He was bent double holding his crutch desperately like a pouch full of gold nuggets. The poor sergeant made easy prey for the coup de grace. A powerful Tyson like uppercut sent the noncom flying through the air like a sack of potatoes. He landed on a trestle table which easily collapsed under him. There were squeeky clean cups and saucers and sandwish plates littering the ground everywhere. At that very moment, a waiter came out of the kitchen carrying a ginormous tray loaded to the brim with the specialities of La Flore: fresh, lovingly made salmon and cress sandwishes accurately cut into bite size triangles and of course, undoubtedly everyone’s favourite, dozens of freshly baked golden petits pains au jambon. The waiter, immaculately dressed in the white and dark grey colours of La Flore, was heading straight towards the private lodge of Monsieur Le Gouverneur. Unfortunately, the poor lad never made it. He was struck from behind, just above the knees by yet another drunken sailor staggering backwards as a result of a shove by one of his buddies. Food was scattered everywhere, to the delight of all including the gulls, sparrows, bull-bulls, crows and minor birds, all fighting each other to get their fair share of the goodies. The poor waiter sat flat on his dérrière, covered from head to toe in bits of dripping salmon, ham, cucumber, mayonnaise, fait maison of course, and what not. With arms stretched heavenwards in complete desperation and almost in tears, he uttered “ayo Bondié, guette ki fine arrivé! Péna ene ferfoute ki resté pou missié gouvernaire. Zot pas honté? Zot pas ti capav faire inpé pli attention kan zot laguère?” Was the Governor watching? I’ll never know. But I did hear the piercing sound of a police whistle coming from that very same balcony. That was the signal for the K.A.R. soldiers to pour in by the dozens. They all charged in wielding their truncheons, making zooloo like noises that scared the poo out of me. I suddenly felt a pair of powerful hands grabbing me by my collar and the seat of my pants. Seconds later, I was unceremoniously dumped at the back of the band stand between Doudou Barnes and Drach, the base euphonium player. I could swear those hands belonged to my dear friend, alias « Omar Sy ». Be that as it may, it took less than half an hour for calm to return to the stand area. Not a single K.A.R. soldier in sight. The sailors had seemingly vanished into thin air. The crew of the Bulwark would be back on board ship in a short while, admittedly a wee bit worse for wear. In conclusion, I can honestly say that were it not for the firm, meticulous, well trained fashion in which the K.A.R. carried out their orders, the sick list of that aircraft carrier would have been much longer.
5. M. Rolfe, au sein de La Famille
Revenons maintenant à notre cher maestro Britannique, Mr. Rolfe. Dans son rôle d’officier de l’armée Britannique, il a surement reçu le privilège d’un entrainement militaire à l’illustre collège de Sandhurst, le lieu incontournable pour tous les officiers de l’armée de terre. Quel que soit le cas, à la fin de la période d’entrainement, on nous a tous offert une tournée outre-mer durant notre service militaire. D’ailleurs, dans mon cas, j’ai dû passer trois belles années et demie en famille à Chypre. Dans son cas, ce fut la perle de l’océan Indien. Lucky so and so!
Bref, à chaque fois que son chauffeur le déposait à la petite porte d’entrée de la caserne, la serrure en fonte faisait un tel boucan que Papa et tous ses hommes savaient que le boss se trouvait sur les lieux. N’étant pas supposé être là, j’essayais de me dissimuler derrière l’un des grands arbres. “A very good morning to you young Robert. How the devil are we to-day?” me demanda M. Rolfe comme si de rien était.
“Very well thank you sir, and you?” répondis-je en souriant. C’était toujours le même topo. Il ne manquait jamais de s’arrêter pour deux ou trois minutes de conversation. Grand amateur de foot et fan absolu de Manchester United. Et puis c’était l’occasion idéale pour pratiquer mon anglais. Je rêvais toujours de parler anglais comme Karl Abram, mon prof au collège.
“I am fine thank you. The weather in this country is so gorgeous that falling ill would not only be a total waste of precious time but also an absolute sin. How is the football doing? Won any matches lately? Would love to come and watch you play again. Do let me know when your next match will take place, ok ?”
“Most certainly will sir. I believe we may be having a game against a team of prisoners from the prison of Beau-Bassin next Saturday. They play bare feet. Because of their potential notoriety, they are not trusted with football boots.” He burst out into a fit of laughter.
“Now that’s quite interesting. Will let you know. Got to dash. Your dad and Mr. Wilden have been standing to attention with their hand stuck to their forehead since we started chatting. Can’t have that now, can we? Toodle doo for now.”
Je n’ai jamais eu l’occasion de lui en parler mais ce fameux match eut lieu comme prévu sur le terrain de la police à Rose Hill. On avait gagné par deux buts à zéro. Mais pendant l’une de mes attaques sur l’aile gauche, je fus littéralement tranché par l’ongle du gros orteil d’un des défenseurs. J’ai saigné comme un cochon sans le savoir. Je porte toujours la cicatrice sur la jambe droite comme précieux souvenir.
Les trois disparurent dans leur bureau pour une heure de travail administratif. Entretemps, une cacophonie d’instruments de musique émanait de la grande salle de répétition. L’orchestre s’apprêtait pour l’arrivée de leur chef, M. Rolfe.
C’est alors que la caserne s’anima. Soudain, sous l’ordre de Freddy Lawrence, tout l’orchestre se mit debout en garde à vue les mains aux fronts en présence du boss. M. Rolfe les invita à reprendre leur siège.
Le répertoire d’aujourd’hui serait Rossini, Wagner et De Souza. Leurs œuvres semblent se prêter à l’harmonie de l’orchestre.
Le son doux et vacillant du hautbois de Francis Wilden et le picolo de son collègue me semblaient comme deux libellules qui jouaient à cache-cache dans la cour de la caserne. Probablement pas ce que Rossini avait l’intention de démontrer dans son ouverture de Guillaume Tell mais tant pis. Assis sous mon tamarinier, je m’apprêtais à imiter ma chevauchée tout en criant ‘Hiho Silver!!’ pendant la finale, le cri bien connu de Zorro. Manque de tact de ma part, mais encore une fois, tant pis.
Peu de temps après, toute la caserne se mit à vibrer. Wagner savait vraiment comment faire du razmataz. Trompettes, trombones, cymbales, tambours battants et tout le reste de l’orchestre semblaient se révolter. C’était évidemment ainsi que l’Allemand imaginait la rentrée des déesses Valkyries dans la vallée de Walhalla ? Quelle imagination ! Pas étonnant que la musique soit utilisée comme thème dans le fameux film ‘Apocalypse Now’.
Après deux bonnes heures de répétition, je pouvais voir que M. Rolfe, ainsi que tout l’orchestre étaient à bout de souffle. Pour le Rossbeef, la journée était terminée. Sa belle berline l’attendait pour le ramener au Gymkana, probablement pour une bonne bière bien fraiche et une partie relaxante de golf.
Peu de temps après, Papa et ses deux potes et collègues se dirigèrent vers leur bureau. Il faisait horriblement chaud. Au fur et à mesure, les autres musiciens apparurent pour une bouffée d’air avec leur petite serviette en main faisant de leur mieux pour se débarrasser de leur transpiration qui coulait à plein flot. Doudou Barnes était le pire. Sa chemise et son short lui collaient au corps. Il se hâta vers les douches. Je me rappelle avoir aperçu dans le bureau de Papa une carte géographique très détaillée de l’île toute entière. Collée sur du carton et encadrée professionnellement, la carte était dotée de petites épingles colorées de-ci delà démontrant l’endroit exact où un concert devait avoir lieu. C’était à M. Rolfe et ses collègues anglais de décider quelles demandes écrites il fallait satisfaire. La chose intéressante était que les épingles se concentraient plutôt sur Réduit, la résidence du Gouverneur. Ses ‘garden parties’ incontournables aux chanceux invités, jouissaient d’un répertoire plutôt spécial afin d’assurer la jovialité du ‘get together’ de monsieur le Gouverneur. Et puis furent le Jardin de La Bourdonnais ou le jardin de Pamplemousses ou bien sûr au Champ de Mars pendant la saison hippique. Choix plutôt Rossbeef à mon avis, mais tout ça changerait drastiquement au moment où Papa prendrait la relève de M. Rolfe ou plus exactement de M. Cox, son assistant.
6. Les chefs d’orchestre à mon époque
C’est la méthode de ‘bandmastership’ adoptée par ces trois chefs d’orchestre que j’ai eu le plaisir de connaître, qui m’a beaucoup intéressé, M. Rolfe, M. Robert et M. Ohsan. Malheureusement, dans le cas de M. Paul Domingue, je ne peux pas faire de commentaires. J’avais déjà quitté le pays. Cependant, je me rappelle très clairement qu’à l’époque, Paul était un des jeunes protégés de Papa. Ce dernier lui avait demandé de bien vouloir me donner des leçons particulières de piano. Malheureusement, ces leçons n’ont duré que quelques jours. Tout à fait de ma faute je précise. A l’âge de 14 ou 15 ans, les longues durées de solfège n’étaient pas pour moi. J’avais par ailleurs le foot et la musculation. Désolé Paul. Cependant, d’après ce qu’il m’a révélé durant ma visite chez lui bien plus tard dans les années 2000, après une très longue absence de mon pays natal, il avait préféré choisir la France pour ses études. D’après lui, être ‘Chevalier de la Légion d’Honneur’ était beaucoup plus prestigieux qu’un simple ‘M.B.E’. A chacun son choix. Never mind.
Commençons ainsi par M. Rolfe, natif de la Grande Bretagne, nation mère de notre cher petit pays. Ce monsieur ne me semblait certainement pas issu de la classe ouvrière. Selon certaines rumeurs émanant des coulisses du Gymkana de Vacoas, notre cher chef d’orchestre aurait joui d’une scolarité plutôt privilégiée à Harrow ou Eton. Suite à ça, il aurait eu, comme nous le savons déjà, une phase complète d’entrainement militaire à l’académie de Sandhurst, ce qui n’aurait pas beaucoup plu à son cher père, pilote retraité de bombardier et bien sûr, ancien élève de Cranwell, l’académie qui fait la fierté de la R.A.F (Royal Air Force). Quoiqu’il en soit, sa carrière musicale fut un succès fièrement apprécié par ses parents.
Indiscutablement, son charme, ses belles manières, ses arrangements musicaux, sa patience envers ses hommes, et par-dessus tout, sa façon d’encourager chacun de ses musiciens de s’exprimer ouvertement à travers leur propre instrument, lui avait remporté une approbation quasiment complète à travers l’orchestre. Le solo de Francis Wilden dans l’ouverture De Guillaume Tell, la clarinette de Papa dans La Tosca, la trompette de Pierre Bergicourt et le saxophone de Philippe Lagaité dans des extraits de Guys and Dolls ne furent que quelques exemples qui m’ont collé à l’esprit. Malgré toutes ces vertus, je ressentais quand même l’absence de ces précieux 5% de ‘mauricianisme’ qui auraient assurément fait de lui le Von Karajan de la M.P.B. Je sais. C’est une espérance de trop, surtout d’un gentleman aussi parfait. Je ne voyais certes pas M. Rolfe, ni ses deux autres compatriotes english potish au chapeau bouboule balancer leurs hanches au rythme d’une ravanne, de tamtam, triangle et kacha kacha. Seraient-ils impressionnés par de telles paroles : Mi connai en ti mamsel ki ouler touche mo bringelle? Hmmm… Certainement pas !
Malheureusement pour lui et ses collègues qui, admettons-le, raffolaient d’une vie incomparable sur une île paradisiaque, le jour de la « fameuse » Indépendance approchait rapidement. Au fur et à mesure, Londres rapatriait son personnel pour des raisons économiques suivant la fin de la deuxième guerre mondiale. Et puis vint la promotion de papa au rang de Chief Inspector octroyée par Mr. le Gouverneur à sa résidence de Réduit. Ce fut un moment très spécial pour papa. Peu de temps après, comme prévu, M. Rolfe (ou fut-ce son collègue M. Cox, je n’en suis pas sûr) lui céda la baguette avant de rentrer pour de bon en Angleterre. Hélas, contrairement à l’attention médiatique accordée aux ‘commissaires’ qui nous revenaient de l’Angleterre ou de la France, messieurs les journalistes de la presse mauricienne ont probablement jugé que la promotion d’un ‘noncom’ mauricien au rang d’Inspecteur en Chef, n’était guère digne d’une grande importance nationale, même si la promotion fut octroyée par Monsieur le Gouverneur lui-même. En l’absence de la moindre croute de ‘scrambled eggs’ sur la casquette, à quoi cela sert-il de gaspiller de l’encre ? Se sont-ils probablement dit.
Examinons maintenant le cas de Michel Raymond Robert. A-t-il hérité de la baguette de chef d’orchestre de M. Rolfe ou de M. Cox précédant leur rapatriement ? J’étais là mais je ne m’en souviens pas.
Papa fut un des six enfants d’une famille relativement nombreuse de quatre garçons et deux filles. La famille n’était certainement pas riche ou même aisée. Conséquemment, le jeune Raymond et son frère André, qui devint aussi mon parrain, se trouvèrent dans une situation quelque peu précaire. C’est à dire que ces deux jeunes gens durent malgré eux soutenir leur famille aussitôt qu’ils le purent. Autrement dit, leur carrière académique succomba d’un raccourcissement catastrophique.
Mais bons garçons qu’ils étaient, Dieu se mit à leur rescousse. Il leur fit un petit don, la musique, et leur guida vers le Mauritius Police Band qui les embaucha sans problème. Leur instrument de choix était le violon ; mais afin de pouvoir s’intégrer dans un orchestre militaire, ils ont dû apprendre à jouer la clarinette. La M.P.B. devint ainsi leur carrière et l’importance de maîtriser la langue anglaise correctement devint une nécessité absolue. Au fil du temps, les deux progressèrent et papa un peu plus rapidement. Il atteignit le rang de sergent-chef tout en attirant l’attention et la confiance de ses supérieures anglais.
Aussitôt que les autorités britanniques lui donnèrent le feu vert ; par-là, je veux dire que ce fut soit M. Rolfe ou M. Cox qui lui confia la baguette et la responsabilité de gérer la caserne de Rose Hill, l’inspecteur en chef Robert, avec l’aide de ses deux collègues et copains, les inspecteurs Wilden et Lawrence, se lancèrent corps et âme dans ce nouveau challenge. L’excitation de démontrer aux ‘english potish’ que les Mauriciens pouvaient faire les choses aussi bien était décidément palpable, surtout parmi les jeunes. Ces trois ‘non-coms’ avaient tout à fait réussi de souder tout l’orchestre en un élément fonctionnel et mauricien à 100% au nom de la nation. Ils allèrent jusqu’au point de présenter au département des finances britanniques un budget bien au-dessous de celui de Rolfe et cie. Cela impressionna tellement M. le Gouverneur qu’il démontra son appréciation en faisant un cadeau au Band : un joli camion British Leyland tout neuf avec caisson couvert de toile. Ceci fut placé à la charge de Drach (euphonium basse) comme chauffeur et mécanicien et facilita énormément les choses par rapport aux sorties du Band. Entre nous soit dit, j’eus beaucoup de plaisir à voyager avec ces messieurs à travers notre joli pays. Là où il y avait un kiosque, ‘band la police’ y serait pour divertir les riverains. La façon de faire, imposée par M. Rolfe durant son mandat fut adoptée implacablement avec respect, satisfaction totale et fierté.
Ce n’était pas tout. Les fonctions de certains membres du Band ne s’arrêtaient pas là. Ils y avaient aussi leçons particulières, mariages, soirées dansantes et la sous-traitance de leur talent dans le domaine théâtral. Ces activités furent aussi encouragées et adoptées par M. Ohsan avec autant de succès.
La chose qui me déchirait le cœur était le fait qu’ils étaient tous conscients que leur proche avenir ne s’annonçait probablement pas aussi tickettyboo qu’ils le méritaient. Après l’indépendance, les choses changeraient tellement quant au rôle précis de la M.P.B. que la présence de ‘commisioned officers’ ferait très peu de différence. L’arrivée imminente de M. Philippe Ohsan de Londres et celle de M. Paul Domaingue peu de temps après ne changeraient pas grand-chose par rapport à une carrière sûre et agréable au sein de la ‘Famille’. L’avantage de ces messieurs ‘diplômés’ se révélerait peut-être, je dis bien ‘peut être’, durant ces fameux comités hauts niveaux de finances gouvernementaux. Pourront-ils convaincre l’argentier du gouvernement de leur accorder quelques sous de plus pour l’achat de ceci et de cela? N’oublions pas que ce serait bientôt un gouvernement ‘vierge’ avec une prédominance hindou, ce qui rendrait la tâche de ‘leadership’ singulièrement difficile pour Messieurs Ohsan et Domingue. Ce serait indiscutablement un cas de chacun pour soi, Dieu pour tous. D’ailleurs, Papa avait déjà choisi l’option d’un ‘early retirement’ avec l’espoir d’emmener sa famille en Angleterre. Nous verrons plus loin dans l’article que je ferai mention des mêmes intentions ‘dearly retirement’ concernant M. Philippe Ohsan, M. Paul Domingue et bien d’autres membres clés de la M.P.B.
J’aimerais relater ici une petite anecdote sur le sergent Planche (tambour major) et sa précieuse canne. On était alors en pleine saison hippique au milieu de l’été, à peine 200 mètres du ‘Stand’, partie payante du Champ De Mars. Conformément à l’une des coutumes du cher M. Rolfe, Papa avait rassemblé tous ses bons hommes afin de les faire marcher style ‘pomp and circumstance’ tambours battants, jusqu’à l’intérieur du Stand. Cette petite parade ne manquait jamais d’impressionner tous les spectateurs du Champ De Mars y compris ceux de ‘La Plaine’. Sous les applaudissements et les hourras ! infernaux provenant de la foule. Papa, fier comme un paon, marchait au pas, bien en avant, sur le côté droit de l’orchestre. Le beau tamarinier sous lequel toute la parade devait marcher était toujours prêt à leur offrir ces quelques secondes d’ombre et de brise si précieuses sous une chaleur quasiment insupportable. De son côté, notre ami le jeune sergent Planche se concentrait uniquement sur ses mouvements. Quand vint le moment de lancer sa belle canne en l’air, il le fit avec aise, habilité et panache, manœuvres uniquement attribuées au sergent Planche.
Les gosses qui jouaient aux soldats/parade dans la rue demandaient toujours au tambour major : “Etahey! faire nou enn diboi caisse ek to baton do. Nou lé guetté cot to baton pou fini.” Revenons au tambour major qui pensait pouvoir récupérer sa canne trois pas plus loin. Surprise, surprise ! Panique… Pas de canne… Quand le pauvre sergent réalisa que sa canne était bel et bien bloquée dans le tamarinier, il accourut vers Papa “Missié Robert, Missié Robert, bizin arrété. Mo baton inn tass dans pié tamarin”. Cool comme un concombre, Papa donna l’ordre de tout stopper. Drach, déjà au volant du camion, demanda à Papa à haute voix s’il pouvait m’utiliser pour la récupération de la canne. Après un moment de considération Papa acquiesça d’un signe de tête. Ça va sans dire que notre ami Planche, d’un pas pressé, se dirigea vers moi avec un sourire soucieux sur son visage. “Allé Ralph, tire to soulié et monte lor mo zépole.” Je me suis trouvé soudain au niveau du toit de toile épaisse du camion. “Allé bonhom, to capave diboute lor canvas la; li pas pou décirer.” Ce fut le tour de Drach de m’assurer d’une voix calme et basse. Le temps de négocier quelques grosses branches, je pus enfin mettre la main sur la fameuse canne. À peine cinq minutes plus tard, le sergent Planche avait sa canne en mains et put rejoindre ses collègues. ‘Band La Police’ était de nouveau en route vers leur kiosque sous l’applaudissement d’une foule reconnaissante.
Almost finished, but not quite. Suffice to say that Mr. Robert and Mr. Planche were in for a very severe rollocking by their spouse in front of the whole crowd for putting my life in danger.
Nous arrivons enfin à M. Philippe Ohsan, celui que toute la ‘Famille’ attendait avec impatience. Il y a tant de choses positives à dire à propos de ce monsieur que je ne sais où commencer.
Ce mauricien, issu d’une famille aisée et relativement bien connue dans la société littéraire mauricienne, avait bénéficié d’une enfance académique comparativement privilégiée. Une bourse l’a placé aisément au fameux Collège Royal de Curepipe. Son penchant pour la musique l’a dirigé comme beaucoup d’autres jeunes, inévitablement vers la M.P.B. qui, n’oublions pas, fonctionnait toujours sous la tutelle Britannique. Peu de temps après, ce jeune homme ne tarda guère à impressionner messieurs les Rossbeefs qui, sous recommandation, lui accordèrent une autre bourse, cette fois-ci beaucoup plus attirante, ayant comme but de compléter un ‘Short Course’ de musique à l’université de Londres. M. Ohsan ne les a certainement pas déçus. Aussitôt rentré au pays, comme prévu, ses grands patrons lui octroyèrent le rang de Commissaire en Chef de la M.P.B., accompagné bien sûr d’un bel uniforme couvert de médailles et casquette débordant de ‘scrambled eggs’. Je dois dire avec beaucoup d’admiration qu’en dépit de tout ce succès et toute cette reconnaissance de ses supérieurs, M. Ohsan ne se laissa pas emporter dans les nues.
Le premier jour de son apparition à la caserne de Rose-Hill, papa m’avait donné des instructions de ne pas venir à la caserne sous aucun prétexte. D’accord, on était voisin car il habitait une toute petite villa à l’avenue Leconte de L’Isle, à deux pas de chez nous à Quatre Bornes. Mais c’était des gens très discrets et très correctes. Maman disait toujours qu’on ne voyait presque jamais Kim, sa charmante petite femme, ou sa fille.
Bref, à l’heure du dîner, on avait tous remarqué que papa avait plein de choses à nous raconter. La présentation de la baguette à M. Phillippe Ohsan avait été faite comme prévu. Ce dernier l’avait certainement impressionné. En rigolant, papa disait qu’il avait entendu un des membres de l’orchestre chuchoter à son copain “Etahey! ça boug là pli englishpotish ki anglais”. Apparemment, M. Ohsan marchait droit comme un ‘I’ avec sa petite canne bien bloquée sous le bras gauche. Léger sourire sur son visage asiatique, il donnait à ses hommes l’impression qu’il était déjà chez lui, qu’importe sa casquette dorée et sa poitrine médaillée. Il était pardessus tout Mauricien, mais avec une discipline militaire étroitement liée à son entrainement de l’université de Londres. Tous ceux qui croisait son chemin avait à stopper sec et le saluer. C’était la règle militaire quoique diamétralement opposée à la mentalité mauricienne. De plus, nombreux sont les Mauriciens qui ignoraient que ce salut était exécuté au nom de sa Majesté le roi et non pas à l’officier porteur de sa couronne. Mais ce qui plut Papa le plus était le sens de l’humour du nouveau boss.
Une belle démonstration de ça vint pendant la répétition du ‘Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns’. Quand vint la marche des éléphants où trombone et euphonium avaient à faire de leur mieux pour imiter le son de la trompette et la marche des éléphants, cela fut exécuté parfaitement. Par contre, on pouvait à peine entendre le piétinement supposé bruyant de ces énormes bêtes. “Non, Non, Non!” fit M. Ohsan tout en tapant sa baguette plusieurs fois sur son pupitre. Et puis, mains sur les hanches, tête légèrement penchée d’un côté, il fixa Doudou Barnes d’un regard coquet tout en disant en créole “Bey, kiça-ça Doudou? Nou pé sipposé guette léléphant marser la mo frère, certainement pas Liberace”. Et puis, pour illustrer exactement ce qu’il voulait dire, il s’élança dans plusieurs petits va et vient très efféminés devant tout l’orchestre. Un fou rire incontrôlable éclata à travers la salle de répétition. M. Ohsan réalisa que c’était plus la peine de continuer. Mais aux yeux de tous présents, ce coup de théâtre lui avait accordé dès lors le feu vert comme membre principal de la Famille. En fin de compte, selon tous ceux qui ont eu l’honneur et le plaisir de connaître M. Philippe Ohsan (MBE), à l’unanimité, on lui donnerait tous le coup de pouce sans la moindre hésitation en confirmation qu’il possédait l’étoffe requise d’un excellent chef d’orchestre pour la M.P.B.
Plus d’une vingtaine d’années s’écoulèrent avant que je prisse la décision de revoir mon petit pays natal. J’avais déjà pris ma retraite et l’occasion semblait idéale pour faire un petit coucou à toutes mes relations et tous mes amis d’enfance qui étaient toujours en vie. Pendant que j’y étais, j’avais aussi eu l’honneur et le plaisir de rendre visite à M. Ohsan. J’étais accompagné par M. Philippe Gentil M.B.E. qui eut la gentillesse de m’accueillir chez lui. Il m’a ensuite accompagné non seulement chez M. Ohsan mais aussi en visite officielle au ‘nouveau’ siège du ‘Band la Police’ au Gymkana à Vacoas. On avait papoté longuement chez lui et aussi dans sa vieille bagnole pendant qu’il m’emmenait chez M. Ohsan et aussi en chemin vers Vacoas. J’étais décidément très ému et touché par ce geste parce que je ressentais qu’il avait tout organisé en mon honneur et en souvenir de papa. Philippe avait aussi pris la peine de tout enregistrer sur vidéo cassette. Malheureusement, à travers au moins trois déménagements, la cassette avait hélas disparu. Vraiment dommage !
A notre arrivée au cartier général du Gymkana à Vacoas, nous fumes accueillis très chaleureusement par le chef d’orchestre actuel de la M.P.B., un Mr. Sadaseeven Veeren. Philippe le connaissait évidemment très bien puisqu’ils se tutoyaient et conversaient très aisément avec plein de fous rires. Aussitôt que Philippe me présenta, il m’offrit une ferme poignée de main et m’adressa la parole, en anglais.
“Delighted to meet you Mr. Robert. Philippe did tell me that it is quite some time since you left Mauritius ; more than forty years I gather?” I liked that man’s smile. It came from his eyes and spread all over his vibrant personality. His English was perfect albeit with an unmistakable and inevitable indian accent.
“Indeed Mr. Veeren. Forty nine years if I remember rightly.”
“My goodness! Why on earth did you leave it for so long? Look, may I suggest we all get out of this unbearably hot sun? It’s much cooler inside and besides, I have taken the liberty of gathering the whole band together to welcome you back home?”
In full uniform, twenty or so musicians were all seated in what seemed to be a large rehearsal room. As one, they all sprang to their feet when we entered.
“At ease men” instructed Mr. Veeren. When they were all seated once again, I uttered a short “thank you ever so much gentlemen. I am indeed very grateful.” As we followed Mr. Veeren to a small podium, my heart skipped a jump when I caught sight of this photo of Papa hanging over the door. I had much difficulty in holding back a tear or two. Looking at Mr. Veeren and Philippe, I said : “Thanks from the bottom of my heart to both of you on behalf of my dear departed father”.
Rarely have I ever felt so emotional and so proud of the Mauritian blood flowing through my veins. Mr. Veeren realized I was momentarily ill at ease and cleverly diverted the mood. “Do tell us Mr. Robert, what struck you most as being the biggest changes since you last saw your home country ?” That was followed by a few more, with even one or two coming from the musicians; which made it turn into a friendly and animated discussion for the next five to ten minutes. My visit ended shortly afterwards and Philippe and I found ourselves homeward bound and satisfied that all went exceedingly well. Somehow, I felt smitten by a powerful magnetic attraction. Was it that picture of papa ? At the back of my mind, I knew that this visit would only be the precursor to a few more visits of rehabilitation into my homeland. Oh well, que sera sera!
Well folks, that is it, me thinks. Perhaps one day, some clever journalist or historian may decide to create the complete history of that beloved institution that was the Mauritius Police Band by incorporating my account with the others.
Ralph Robert
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Juillet 2023
Note de l’auteur : « Puisque cet article concerne principalement les Mauriciens, j’ai choisi de l’écrire parfois en français, parfois en anglais et, de-ci delà, en créole, tout en espérant retenir leur attention et les mettre à l’aise. »