Nicolas Pike est probablement le consul américain le plus célèbre à avoir été en poste à Maurice. La Société Royale des Arts et des Sciences de Maurice orchestre les célébrations pour marquer l’anniversaire de sa naissance et le Blue Penny Museum organise une exposition sur sa vie et son œuvre…
Nicholas Pike est arrivé à Maurice en janvier 1867 deux ans à peine après la Guerre de sécession. Né à Newburyport dans le Massachussetts, est des Etats-Unis, en 1818, il a pratiquement 50 ans lorsqu’il est nommé consul des Etats-Unis d’Amérique dans la petite île. Il débarque à Port-Louis, après avoir été en poste à Porto, au Portugal, riche d’une longue expérience, animé d’une grande curiosité et d’un désir de découverte. Pourtant le territoire n’est pas bien grand, beaucoup plus limité que tout ce qu’il a pu connaître jusque-là…
Les représentations officielles américaines dans l’île furent mises en place à la fin du 18e siècle. A cette époque les Américains entretenaient déjà des relations cordiales avec l’ancienne Isle de France et beaucoup de bateaux des grands ports atlantiques venaient y faire du commerce, trouvant Port-Louis une étape idéale sur la route des Indes. Un premier consulat fut établi en 1794. Nicholas Pike, lui, arriva dans l’île en plein cyclone… Il y restera sept années, durant laquelle il explora Maurice de fond en comble.
Eminent naturaliste, passionné de sciences, il était membre de la Société Royale des Arts et Sciences, y fréquentant tous les botanistes et zoologues de son temps. Il s’avéra un excellent ichtyologue, un botaniste chevronné et même un géologue non moins averti. Il mit donc toute sa science au profit de Maurice, découvrant plusieurs espèces, étudiant même la faune des îles avoisinantes, telle que l’île Ronde. L’une de ses explorations les plus intéressantes est celle de Grand Bassin, le futur Ganga Talao des indo-mauriciens.
Situé en altitude, au milieu d’une végétation abondante, le lac niché au fond d’un cratère, avait rarement été visité. De folles rumeurs faisaient état d’anguilles monstrueuses peuplant ses eaux… Il n’en fallait pas plus pour exciter la curiosité du naturaliste.
Pour explorer Grand Bassin, Pike partit de Souillac. Avec quelques compagnons, il traversa d’abord les champs de cannes, puis une forêt que le consul qualifia de « sinister », dans la région de Bois Sec. «Thousands of dried up skeletons of trees blanched to a ghastly whiteness meet the eye on every side and but for the tangle of lianes and plants at their feet showing life, it might be a forest of primaeval days over which some blighting plague had passed », observa-t-il dans ses notes.
Après une longue marche qui dura une journée entière et pendant laquelle Nicholas Pike répertoria de nombreuses espèces végétales dont un grand nombre de fougères, le consul et ses compagnons arrivèrent finalement au lac. C’était une paisible étendue d’eau, entourée de buissons verdoyants et de grands arbres avec un îlot en son centre. Situés sur les terres de la couronne, les lieux abritaient aussi un hangar où Pike et ses compagnons passèrent la nuit, par une température plutôt fraîche…
Le lendemain matin, Pike observa d’emblée que le lac était alimenté de différentes façons : par des cours d’eau durant la saison des pluies ainsi que par des sources souterraines et que la qualité de son eau était « exceptionnelle ». « The water is delightfully clear and cold and I think it is the finest in the island », estimait-il.
Il entreprit d’explorer le lac à la nage, faute de barque disponible. « We were told not to plunge in, on account of the monster eels; but though we fished for them a good while not one put in an appearance», indiqua-t-il encore dans ses notes. En revanche, avant de reprendre sa route, il observa la présence de majestueux cygnes noirs sur les eaux paisibles du lac…
Ses notes et travaux furent compilés dans un ouvrage de plus de 500 pages, Sub-Tropical Rambles in the Land of the Aphanapteryx, publié en 1873. Ce livre décrit l’île Maurice de la manière la plus détaillée et exhaustive possible. Le consul produisit également 500 dessins et peintures de poissons de Maurice. Cette œuvre gigantesque reste d’une importante cruciale aujourd’hui encore pour tous les chercheurs.
Mais en tant que consul, Nicholas Pike se devait aussi de défendre les intérêts américains dans l’île. Son séjour coïncida avec la fin de l’ère des grands baleiniers américains dans l’océan Indien et sur les mers du globe. Avant la Guerre de Sécession déjà, leur nombre avait considérablement diminué.
Durant toute la première partie du 19e siècle la pêche à la baleine (dont l’huile était massivement utilisée pour fabriquer les bougies) était dominée par les Américains. En 1846, sur les quelque 1 000 baleiniers qui écumaient les océans plus de 700 étaient enregistrés aux Etats-Unis, avec comme ports d’attache les grands ports de la côte nord-est dans le Connecticut, le Massachussetts, les Etats de Rhode-Island et de New York et le New Jersey. Leur territoire de pêche s’étendait depuis le Pacifique à l’océan Indien en passant par l’Atlantique sud.
Après la guerre il n’y avait plus qu’une petite centaine de baleiniers en activité dont un certain nombre dans l’océan Indien. L’huile de baleine avait perdu de sa valeur commerciale, l’industrie était en déclin et les armateurs en difficulté. Le consul Pike entreprit de défendre leurs intérêts à Port-Louis, lorsqu’ils relâchaient dans l’île, ce qui lui valut quelques désaccords avec les opérateurs locaux plutôt enclins à pratiquer les tarifs élevés au détriment des navires de passage…
Nicholas Pika quitta finalement Maurice en 1874 pour retourner à Brooklyn, dans la ville de New York, où il fut président de la Société d’Histoire Naturelle. Il fut sans nul doute le consul américain le plus célèbre à avoir été en poste à Maurice. Il mourut en 1905. Le consulat américain, lui, ferma ses portes en 1911. Ce n’est qu’au moment de l’indépendance, en 1968, qu’une ambassade fut créée à Port-Louis, avec un ambassadeur en poste de façon permanente.
Du 19 septembre au 27 octobre – Exposition sur Nicholas Pike – Blue Penny Museum.
13 octobre – Conférence «Nicolas Pike Archtypal Scholar of the 19th Century» – siège de la MCB de Saint-Jean.
26 octobre, à partir de 18h – Exposé du président de la Société Royale, Pierre Baissac, sur Nicolas Pike, suivi d’une pièce de théâtre de Maryse d’Espaignet et Robert Furlong – Centre Culturel d’Expression Française, rue Chateauneuf, Curepipe