Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec la Mauritius Ports Authority (MPA), vous raconte l’évolution du port de Port-Louis depuis les débuts jusqu’à nos jours, dans une série de douze articles dont voici le dernier.
Après 1968, Port- Louis allait connaître des changements. Pour permettre à l’île Maurice nouvellement indépendante de franchir un cap dans son développement, il fallait le doter d’infrastructures adéquates. Le port prit un importance cruciale et devint le centre névralgique de toute l’économie mauricienne. Le trafic de marchandises s’accentua de façon critique mais les opérations portuaires demeuraient lentes. Les heures d’attentes s’allongeaient et les bateaux faisaient la queue dans la rade, parfois pendant plusieurs jours, ce qui était contraire aux exigences d’un port moderne. Au début des années 70, malgré les progrès accomplis au plan politique, la situation économique de Maurice n’était pas brillante avec, notamment, un taux de chômage atteignant 20 %.
Parallèlement, les conditions d’emploi dans le secteur portuaire étaient loin d’être satisfaisantes pour la masse des travailleurs. Le mouvement syndical avait pris de l’ampleur avec la puissante General Workers Federation (GWF) et la montée du Mouvement militant mauricien, parti politique de gauche, avec un fort ancrage dans le milieu ouvrier, notamment les travailleurs du port. De son côté, soucieux d’assurer le développement économique, le gouvernement avait pris des mesures drastiques au niveau des relations industrielles, avec l’introduction de la Public Order Act.
C’est dans les transports publics que la déflagration allait se produire. Le salaire des employés y était dérisoire, leur avenir incertain. En août 1971, la grève fut déclarée. Les travailleurs du port, ceux du Central Electricity Board, des municipalités, suivirent le mouvement qui allait durer des semaines. Des incidents éclatèrent à Port-Louis, à Rose Hill. Azor Adélaïde, un travailleur du port et militant politique, fut assassiné à Curepipe, au mois de novembre. Les grèves devinrent illégales, l’état d’urgence fut institué. Dans le port, la Special Mobile Force, unité paramilitaire de la police, fut chargée de débarquer d’urgence le riz destiné au marché local. Les meneurs de la grève furent emprisonnés, dont le syndicaliste Paul Bérenger.
En mars 72, la visite de la reine d’Angleterre apaisa quelque peu les esprits. Elizabeth II arriva à Port-Louis à bord du Britannia. Elle était accompagnée du Duc d’Edimbourg. Le couple royal passa deux jours à Maurice, dans la liesse populaire.
La décennie 70 fut une période difficile pour Maurice et pour son port, autour duquel se cristallisaient les passions. Malgré une croissance soutenue dans l’industrie et le tourisme, la productivité était en baisse et les revendications des travailleurs s’intensifiaient. De nouvelles grèves éclatèrent en août 1979, qui touchèrent à nouveau le port et les transports. Après de longues tractations et une grève de la faim des syndicalistes, un accord fut finalement trouvé entre le gouvernement et la GWF le 23 août 79, permettant aux activités portuaires, suspendues pendant des semaines, de reprendre.
Entretemps, l’administration portuaire avait évolué. La Mauritius Marine Authority, créée en 1976, avait pour tâche de réguler les activités du port, à la satisfaction de tous les opérateurs. En 1971, déjà, le quai Ouest, ou Quai No 1, avait été mis en service. Des travaux de comblement furent effectués à Mer Rouge, au nord de la zone portuaire. Trois nouveaux quais furent successivement construits, avec une profondeur de 10,5 m, destinés à accueillir les gros cargos. De plus, la capacité d’entreposage du port fut augmentée et un parc à conteneurs vit le jour… A partir de 1981, l’embarquement du sucre destiné à l’exportation fut mécanisé et un terminal spécial fut créé à cet effet, le Bulk Sugar Terminal. Dans la foulée, le débarquement du riz fut lui aussi mécanisé, une minoterie fut créée pour stocker la farine de blé et Trou Fanfaron fut transformé en port de pêche. Enfin, pour assurer la manutention des marchandises et le transbordement des conteneurs, la Cargo Handling Corporation fut créée en 1983, avec pour actionnaires la MMA et le gouvernement.
Durant la décennie 1990-2000, le développement du port prit un nouvel essor avec l’entrée en service du Mauritius Container Terminal (MCT), à Mer Rouge. Port-Louis devint un port franc et un nouveau secteur économique vit le jour. Les activités portuaires s’intensifièrent avec notamment le transbordement, puis la transformation de poisson, autour d’un nouveau secteur d’activité, le seafood hub, créateur d’emplois et importante source de revenus. La MMA, devenue la Mauritius Ports Authority (MPA) en 1998, entreprit de nouveaux travaux d’aménagements portuaires qui permirent à Port-Louis d’être plus compétitif dans le sud-ouest de l’océan Indien.
Aujourd’hui, le MCT peut accueillir les gros navires de dernière génération. La longueur du quai est passée de 560 à 800 mètres et permettra le transbordement de 472 000 conteneurs d’ici à 2020. Port-Louis est devenu un port de croisière et un terminal, entre le Caudan et les Salines, servira à accueillir les paquebots qui assurent les liaisons inter-îles ou internationales.
A l’aube du 21e siècle, la MPA est prête à relever le défi avec des investissements massifs consentis dans les infrastructures. L’ensemble du trafic maritime a augmenté, que ce soit pour les marchandises (+6,3 %), les conteneurs (+7,6 %), le transbordement (+15,7 %) ou encore les croisières (+ 21,7 %) et surtout le bunkering (+18,5 %), la nouvelle activité porteuse.
30 000 navires transitent chaque année dans cette partie du bassin de l’océan Indien et plus de 3 000 d’entre eux s’arrêtent à Port-Louis pour le ravitaillement, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. La petite perle de l’océan Indien a retrouvé sa vocation de clé de la Mer des Indes.