Au 19e siècle, le développement des transports maritimes allait connaître une accélération avec la Révolution industrielle. Ainsi le premier navire à vapeur de la colonie est lancé à Port-Louis le 29 mars 1827, par le gouverneur Sir Galbraith Lowry Cole dont il porte le nom… Il effectua le trajet Maurice-Réunion le 18 juin et fut de retour le 29, dans ce qui fut la première liaison entre les deux îles effectuée par un navire à vapeur. Mais comme la navigation à vapeur en était à ses premiers balbutiements, il connut de nombreuses avaries de moteur et le navire fut finalement mis au rancart.
A cette époque, les voyageurs n’étant plus animés par les impératifs de conquète, ils laissaient libre cours à l’observation pure. Sous l’administration britannique, Port-Louis continua de recevoir la visite de grands explorateurs et d’illustres voyageurs.
En 1828, l’explorateur français Dumont d’Urville, célèbre pour avoir mené des expéditions dans les mers du sud, en Nouvelle-Zélande et dans l’Antarctique, va s’arrêter à Port-Louis. Dans son ouvrage intitulé Voyage autour du monde, il donne une description de la ville vue de la rade dominée au loin “par la haute montagne du Pouce”, encadrée “d’autres chaînes de rocs semés de forêts”. Il y avait déjà fait escale une première fois en 1824, en compagnie de Duperrey, un autre explorateur. C’est donc en terrain de connaissance qu’il débarque. “A l’isle de France j’étais en pays compatriote car les Anglais en débaptisant cette terre, n’ont pas pu la dénationaliser”, note-t-il.
Un autre grand explorateur le suivra quelques années plus tard. Le naturaliste Charles Darwin fit escale à Port-Louis du 29 avril au 9 mai 1836, a bord du Beagle dans son voyage autour du monde. Il compare Maurice “à quelque chose entre les Galapagos et Tahiti”. Puis en septembre 1841, c’est au tour d’un jeune poète français nommé Charles Baudelaire, de poser ses valises à Port-Louis, en route pour les Indes. Il débarque du Paquebot des Mers du sud et relâchera pendant deux semaines dans l’île, avant de se rendre à La Réunion puis de rentrer précipitamment en France où il deviendra le poète maudit qui est passé à la postérité.
Au 19e siècle, Maurice renforça son statut d’île à sucre. La production de sucre passa ainsi de 10 900 tonnes en 1825 à 21 200 en 1826, puis à 34 000 en 1830 et à 36 800 en 1832. Tout ce sucre était exporté de Port-Louis, principalement en Angleterre mais aussi vers l’Inde et l’Australie. Le port devenait une plaque tournante du commerce du sucre avec la création de plusieurs maisons de commerce dont Scott and Co et Blyth Brothers and Co (aujourd’hui IBL), fondées toutes deux en 1830.
Mais ce sont les vagues d’immigration succédant à l’abolition de l’esclavage qui allaient changer la configuration de l’île et son port. Maurice fut la première île à sucre à appliquer le principe de l’engagisme, exploitation de la main d’oeuvre non qualifiée d’origine indienne à grande échelle.
En 1835, l’abolition de l’esclavage entraîna l’émancipation de 66 600 esclaves (sur une population mauricienne de 101 400) dont la moitié était directement liée aux travaux agricoles. Depuis 1821 déjà le gouvernement avait intensifié sa lutte contre l’utilisation de la main d’oeuvre servile en interdisant la traite négrière. Avec l’abolition de l’esclavage, il fallait aux sucriers trouver des remplaçants aux esclaves affranchis et ce fut vers l’Inde qu’ils se tournèrent. Le processus d’immigration indienne était enclenché.
Le 2 novembre 1834, le premier contingent de laboureurs indiens employés sous contrat arriva à Port-Louis à bord du navire l’Atlas. Pour la seule période de 1834 à 1838, le port accueillit 24 200 travailleurs immigrés, en provenance de la Grande Péninsule dans leur immense majorité.
A partir de 1849, le gouvernement colonial décida d’ouvrir un dépôt d’immigration aménagé dans un bâtiment datant de la periode française et situé au Trou Fanfaron. Il fait aujourd’hui partie de l’ensemble qui consitue l’Aapravasi Ghat a Port-Louis et qui est inscrit au partimoine mondial de l’UNESCO.
Mais ces travailleurs engagés, après une traversée de six semaines marquée par de dures conditions de vie à bord, devaient aussi subir d’autres épreuves avant de pouvoir débarquer. L’afflux massif provoqua des problèmes divers, notamment d’ordre sanitaire, avec la propagation de maladies telles que le choléra.
En janvier 1856, le Hyderee et le Futteh Moubarac, deux navires avec des contingents de laboureurs indiens, furent suspectés dès leur entrée au port, d’avoir des cas de choléra à bord. Certains passagers, épuisés par la traversée et la mauvaise alimentation, avaient la diarrhée et la rumeur se propogea comme une trainée de poudre. La panique saisit la population et le gouverneur, sous la pression, ordonna une quarantaine à l’île Plate et a l’îlot Gabriel, deux îlots isolés au nord de Maurice. Cette mesure de déportation était motivée par la peur de voir se propager l’épidémie de choléra qui faisait déjà des ravages et qui avait éclaté en 1854, à Port-Louis. Mais pour les 656 occupants, sans provisions suffisantes ni abri adéquat, ce fut l’enfer. 200 d’entre eux périrent. Or, ils n’avaient pas le choléra au départ mais souffraient surtout de malnutrition ou de dysenterie…
Dans le Port-Louis du milieu du 19e siècle, les conditions de salubrité publiques étaient inexistantes. Egoûts a ciel ouvert, amoncellements de déchets dans les ruisseaux et dans les rues, promiscuité dans les habitations… La ville était dans un état déplorable et son climat chaud et humide n’arrangeait en rien la situation. Pour les spécialistes de l’époque, dans de telles conditions il était même étonnant que le cholera n’aie pas frappé plus tôt et plus fort.
Au niveau commercial, le port profita de son nouveau rôle. Les échanges avec l’Inde, par exemple, s’accrurent considérablement. Le sucre mauricien s’y vendait bien et en retour la colonie importait du tissu, du riz. Les commerçants asiatiques affluèrent, en provenance du Gujerat ou de Canton. L’afflux d’immigrants indiens allait modifier profondément le profil démographique de Maurice, aux niveaux ethnique, culturel et linguistique.