Port-Louis, place forte française, base de corsaires et blocus anglais

Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec la Mauritius Ports Authority (MPA), vous raconte l’évolution du port de Port-Louis, depuis les origines jusqu’à la fin du 20e siècle. Une invitation à parcourir 400 ans d’histoire en douze chapitres mensuels.

À la fin du 18e siècle, Port-Louis était devenu un véritable port de commerce, mais aussi une place forte française dans la mer des Indes. Lorsque la guerre de course avait été déclarée entre la France et l’Angleterre, le nombre d’armateurs affrêtant les navires corsaires augmenta rapidement et les navires étrangers, notamment américains ou 

encore danois, se bousculaient dans la rade. Le port constitua pour les Américains un entrepôt de produits des Indes qui permettait d’abréger la longue navigation entre l’Amérique et l’Asie. Pendant la Révolution et sous l’Empire, les marchands de Baltimore, Salem, Boston, New York ravitaillaient l’île. Ils y achetaient les prises faites par les corsaires aux navires anglais, en échange d’approvisionnement en tout genre.

À l’éclatement d’un nouveau conflit entre la France et l’Angleterre en 1793, des lettres de marque furent remises aux armateurs désireux de se lancer dans la guerre de course. Les principaux armateurs de Port-Louis étaient, entre autres, les sociétés de MM Couve, Bouchet, Louis L’Échelle, Pitot, Guimbeau, Labat, Leclézio ou encore les compagnies Roze et Rioux, Tabois et Dubois, Courtois et Borel, Goudin et Le Houx… Port-Louis était devenu le quartier général des corsaires de l’océan Indien, dont le plus fameux fut le malouin Robert Surcouf.

À partir de 1796, le nombre de vaisseaux de commerce augmenta de façon exponentielle, avec la guerre de course qui s’accentuait dans le sud-ouest de l’Océan Indien. Les prises des corsaires étaient bonnes et le commerce était florissant. Ainsi, 44 navires américains relâchèrent à Port Louis rien qu’en 1796. Huit ans plus tard, au plus fort de la guerre de course, ils étaient plus du double à venir faire du commerce, soit 98 navires en 1804. Dans le même temps, de 1793 à 1801, les corsaires de l’isle de France effectuèrent 119 prises et la course s’éleva au rang d’activité industrielle dans le port, au même titre que la construction navale. À la fin du 18e siècle on comptait 183 marchands qui avaient établi leur maison de commerce à Port-Louis.

Au début du 19e siècle, Port-Louis était une place forte, imprenable de la mer. À droite du port s’élèvait la batterie qui porte le nom de Labourdonnais, érigée sur l’île aux Tonneliers. À gauche, se trouvait le Fort Blanc, équipé de mortiers et d’obusiers. Au milieu de la passe était ancré un gros vaisseau amiral qui commandait le port, le défendait et servait aussi de prison. L’île aux Tonneliers était relié à la terre par une longue chaussée au bout de laquelle se trouvait le Trou Fanfaron, dont le bassin pouvait accueillir plusieurs vaisseaux de guerre. À l’intérieur du port, entre autres aménagements, des ateliers de charpenterie, de corderie, de voilerie, des forges, des magasins, des hangars, un hôpital, un bassin à chaloupes, une aiguade (le Chien de Plomb)… Le port souffrait cependant d’un problème d’accès étant donné qu’aucun curage n’y avait été effectué depuis 1792.

En 1801, le naturaliste et dessinateur Jacques-Gérard Milbert, membre de l’expédition scientifique de Nicolas Baudin, fit une description instructive de l’arrivée à Port-Louis. “Tandis que nos vaisseaux doublaient la pointe de l’île, la foule (à terre, NdR) nous suivait en courant. Nous mouillâmes à dix heures en dedans du port (…) Dans le bassin qui est assez large se trouvaient réunis un grand nombre de vaisseaux français, danois, prussiens, hambourgeois et américains. L’arrivée d’un vaisseau de la métropole est toujours dans les colonies un jour de fête, les habitants attendent des lettres, vous accablent de mille questions auxquelles ils vous donnent à peine le temps de répondre”, écrit-il dans son Voyage pittoresque à l’île de France, au Cap de Bonne-Espérance et à l’île de Ténériffe.

Mais sur mer, la situation étaient moins réjouissante. Les vaisseaux anglais menaçaient constamment la sécurité de la colonie. Les Anglais n’avaient qu’une idée en tête : prendre l’isle de France. Les corsaires redoublèrent d’audace et les prises se multipliaient. Entre 1803 et 1810, 82 expéditions ramènerent à Port-Louis, qui avait entre-temps été re-baptisé Port Napoléon, 127 navires, totalisant plus de 2 millions de livres sterling de gains… Mais le blocus anglais se faisait, lui aussi, de plus en plus intense. Le nouveau gouverneur délégué par l’empereur Napoléon, le general Decaen, était un homme autoritaire. Trop, au goût des corsaires qui se mirent à deserter peu à peu l’océan Indien pour une retraite dorée en France, délaissant l’isle de France.

Ce retrait allait considérablement affaiblir la colonie et la laisser à la merci des Anglais. Après Rodrigues en 1809, La Réunion en juillet 1810, ceux-ci allaient finalement prendre l’isle de France, malgré avoir perdu, quelques mois plus tôt, une bataille navale dans la baie de Grand Port, dans le sud-est. Les Français capitulèrent le 3 décembre 1810. 17 vaisseaux de guerre et 28 bateaux de commerce, dont 4 battant pavillon américain, furent saisis par les Anglais dans le port. Leurs équipages furent transférés aux casernes, en attendant d’être renvoyés en France et la ville fut investie par 10 000 hommes de troupes, en partie anglaises et en partie indiennes. Port-Louis reprit alors son nom d’origine et l’île redevint Mauritius.

Sources : Histoire de la colonie, Amédée Nagapen – Port-Louis, histoire d’une capitale, Jean Marie Chelin

Facebook