Port-Louis, port franc, port de négoce et commerce avec l’Amérique

Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec la Mauritius Ports Authority (MPA), vous raconte l’évolution du port de Port-Louis, depuis les origines jusqu’à la fin du 20e siècle. Une invitation à parcourir 400 ans d’histoire en douze chapitres mensuels.

Entre 1767 et 1790 Port-Louis se transforma peu à peu en un veritable port de commerce. Avec son trafic constant de marchandises, il commença à attirer l’élite locale, intéressée à faire des bénéfices rapides. la ville était peuplée de beaucoup de négociants ayant des vaisseaux, et qui faisaient un commerce très important aux Indes, en Chine et au Cap, ce qui enrichit considérablement l’île. Port-Louis offrait beaucoup de facilités et grâce à une décision audacieuse, le port allait connaître une nouvelle vague de prospérité.

En novembre 1770, l’administration royale qui avait repris le contrôle de l’île après la faillite de la Compagnie des Indes, introduisit un nouveau règlement : il décréta Port-Louis port franc. Cela voulait dire que les navires n’avaient à payer qu’un droit de sortie modique de 0,5%. Cette décision fit exploser le nombre de navires utilisant Port-Louis.

Une nouvelle classe de négociant émergea qui deveint de plus en plus puissante au fil des années. Toutes les monnaies étaient acceptées dans le commerce. De nouveaux métiers émergèrent comme celui de courtier de commerce ou d’agents de change

Dans le port, des travaux d’agrandissement et de dragage permirent d’accueillir plus de navires. Depuis La Bourdonnais rien n’avait était été fait pour enlever les nombreuses épaves qui encombraient la rade. Le Trou Fanfaron fut aménagé en un port de sureté pouvnt accueillir dix vaisseaux et la chaussée Tromelin, du nom de l’ingénieur qui la créa relia la terre ferme à l’îlot Tonneliers.

Parallèlement, la ville changea elle aussi de visage. En 1770, elle présentait l’image d’un véritable chaos. À l’exception de quelques rues principales habitées par les personnes aisées, comme les rues du Gouvernement, du Rempart, du Champ de Mars, la ville n’était qu’un dédale de petites ruelles où les cases étaient bâties sans aucun ordre et où toutes les classes de la population vivaient, pêle-mêle.

Les choses changèrent avec les nouveaux règlements mis en place par les administrateurs royaux. Ce fut le Chevalier Desroches qui, le premier, songea à ouvrir des rues spacieuses, alignées et se coupant à angle droit. . C’est ainsi que furent créées les rues Royales, des Limites et Desforges.

Puis ce fut la separation complète des populations: les européens furent les seuls autorisés à vivre en centre ville, des terrains furent assignés aux affranchis formant le camp de l’ouest, les noirs affranchis du Roi eurent leur faubourg non loin de la rivière des Lataniers, le Camp des Yoloffs, et la population originaire des Indes fut établie à l’est de la ville, au delà du ruisseau des Pucelles. Pour faciliter le mouvement de la population, de nouvelles rues furent ouvertes dans les dédales des ruelles.

L’époque etait aussi celle des explorations et de la decouverte de nouvelles routes maritimes vers l’est, l’Asie et les nouveaux territoires de l’Océanie. Crozet, de Kerguelen, Grenier, Bougainville, Commerson passent tous par Port-Louis y faisant était une escale sur ou s’y arrêtant définitivement (Commerson mourut a Flacq en 1773).

En 1784, “Pendant mon séjour, j’ai vu réunis dans la rade et dans le port plus de 150 bâtiments de guerre et de commerce de 400 à 1 500 tonnneaux. Tant d’intérêts accumulés dans un espace aussi restreint répandaient la vie et l’activité (…) donnant à l’Isle de France une physionomie que nous retrouvons dans nos premières villes de commerce”, écrit le capitaine Peron, un navigateur français de passage, dans ses Mémoires.

Parmi les navires qui fréquentaient Port-Louis il y en avait beaucoup qui venaient d’Amérique. Les premières relations entre la colonie d’Amérique du nord et les îles de l’Océan Indien s’étaient établies dès la fin du 17e siècle. En 1685, lorsque les boucaniers anglais et américains écumant les Antilles transférèrent leur quartier général dans le nord de Madagascar afin d’échapper aux représailles de la marine royale, les commerçants de la côte est américaine se mirent à opérer des trafics lucratifs avec ces pirates, notamment concernant la vente d’esclaves.

Au moment de la Guerre d’Indépendance des États-Unis, la France signa avec les colonies américaines un traité d’amitié ce qui officialisa les échanges avec Madagascar ainsi qu’avec l’Isle de France devenue une étape importante sur les routes des Indes, puis vers la Chine. Les commerçants américains affrétèrent ainsi de plus en plus de navires vers l’océan Indien, notamment vers Port-Louis, concurrençant du même coup les commerçants européens.

Le premier vaisseau de commerce américain arriva ainsi à l’Isle de France le 21 avril 1786. Le navire s’appelait le Grand Turk, faisant 300 tonneaux, sous le commandement du Capitaine Ebénézer West. Son port de départ était la ville de Salem, dans l’Etat du Massachusetts. Il appartenait à Elias Hasket Derby, armateur de Salem. La navigation était longue entre l’Amérique et l’Asie. Maurice constitua pour les Américains un entrepôt des produits des Indes qui abrégeait la navigation.

Lorsque la guerre de course fut déclarée entre la France et l’Angleterre, le premier corsaire à prendre la mer fut le chevalier de La Brillanne qui partit de Port-Louis en janvier 1779. Le nombre d’armateurs affrêtant les navires corsaires augmenta rapidement et les navires étrangers venus acheter les prises se bousculaient dans la rade de Port-Louis. Les marchands de Baltimore, Salem, Boston, New York ravitaillèrent l’île et y achetaient les prises faites par les corsaires aux navires anglais. Port-Louis allait devenir le quartier general des corsaires de l’océan Indien.

Sources : Histoire Maritime de l’Ile Maurice – 1500-1790, par Jean Marie Chelin – Port-Louis, histoire d’une capitale, par Jean Marie Chelin (à paraître)

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