Au début des années 1830, l’oligarchie sucrière voulait faire interdire Antony, une pièce d’Alexandre Dumas, jouée au theâtre de Port-Louis… Non pas parce qu’elle parle d’adultère mais parce qu’elle est écrite par Dumas, homme de couleur et mulâtre flamboyant. Jeune enseignant à la plume incisive, Rémy Ollier s’insurge contre cette censure, motivée par le racisme mais surtout par la crainte.
Nous sommes en effet à une époque où l’émancipation des gens de couleur est un sujet de brûlante actualité, surtout à Maurice. L’esclavage sera bientôt aboli mais les grands planteurs résistent de façon virulente et par tous les moyens. . La haine raciale est tres présente dans la société, notamment dans les colonnes des journaux anti-abolitionnistes. C’est aussi une époque où la misère ronge les villes et les campagnes, plus présente que le luxe et la volupté décrits quelques années plus tard par Charles Baudelaire.
Rémy Ollier a fait de l’émancipation de la population noire et métisse son cheval de bataille. Né en 1816 à Grand Port, il est le fils de Benoît Ollier, capitaine d’artillerie et de Julie Guillemeau, descendante d’esclave affranchie. Enseignant, homme de lettres, il est surtout un jeune homme passionné dans son métier, flamboyant dans ses prises de position. Il ne craint pas de s’élever contre la haine et le mépris de l’oligarchie. D’où sa prise de position spontanée en faveur de Dumas.
Face à ce mépris de l’homme de couleur, écrivain reconnu de surcroit, Remy Ollier exige un droit de réponse. Les journaux qui représentent tous l’oligarchie, le lui refusent. Par défi, sa lettre est publiée sous forme d’une feuille et distribuée parmi la population. Intitulée la Sentinelle cette feuille devient une publication régulière à partir du 8 avril 1843. Elle devient le fer de lance du combat pour l’émancipation de la population de couleur. A partir de ce moment Remy Ollier va mener un combat sans relâche contre le monopole des idées. Il devient du coup l’ennemi numéro un de l’oligarchie et le champion des gens de couleur, au péril de sa vie.
Mort un 26 janvier 1845 dans des circonstances douteuses, il aura disparu trop tôt mais aura cependant jeté les bases de la liberté d’expression dans l’île Maurice du 19e siècle.