La route vers l’indépendance, 2e partie

Histoire(s) Mauricienne(s), en collaboration avec le Défi Media Group, retrace les événements qui ont mené à l’indépendance de Maurice, depuis la fin de la 2e Guerre mondiale jusqu’aux célébrations du 12 mars 1968.

Au moment de célébrer son indépendance, l’île Maurice, petite nation naissante, était partagée entre l’allégresse qui marqua la victoire du Parti de l’Indépendance en août 1967 et la peur d’un avenir encore incertain.

En attendant les célébrations officielles qui devaient se tenir six mois après les élections, le nouveau gouvernement eut toutes les peines du monde à s’installer, dans un contexte socio-économique difficile et une ambiance politique en ébullition. Un plan d’austérité aboutissant rapidement au licenciement de 8 000 à 10 000 travailleurs contractuels, enflamma l’opposition.

Le 2 octobre, des manifestations eurent lieu, suivies de désordres aux rues Desforges et Virgil Naz, à Port-Louis. Durant la nuit, des magasins furent saccagés et incendiés, certains au cocktail Molotov. Dans les jours qui suivirent, la police procéda à 73 arrestations. Le gouvernement envisagea le recours à l’état d’urgence et un appel aux troupes britanniques.

Entre août et décembre 1967, quelque 1 300 personnes choisirent l’immigration, principalement vers l’Australie, afin d’échapper à un « engrenage infernal » qui menaçait d’entrainer le pays dans la misère. Sur une note plus optimiste, le 5 décembre 1967, les couleurs du quadricolore rouge-bleu-jaune-vert, étaient dévoilées à la MBC.

Mais au milieu du mois de janvier 1968 la situation sociale se dégrada encore plus lorsque des bagarres éclatèrent entre groupes ethniques, dans les quartiers nord de Port-Louis. Cette fois, le gouvernement fut contraint d’introduire l’état d’urgence qui fut effectif le 21 janvier. À Port Louis, des centaines de maisons furent saccagées et une large partie de la population des quartiers nord de la capitale dut se réfugier dans les villes des Plaines-Wilhems. Les bagarres firent officiellement 29 morts. L’état d’urgence fut maintenu jusqu’au 13 février.

Puis, la situation retourna peu à peu à la normale. Le 17 février, O Motherland, l’hymne national sur des paroles signées Jean-Georges Prosper et une musique de Philippe Gentil, fut présenté à la population. Le pays pansait ses blessures…

Quelques jours avant les célébrations officielles, le 10 mars 1968, Londres annonçait que la princesse Alexandra ne représenterait pas la reine à la cérémonie officielle, « en raison de l’état d’urgence », provoquant ainsi une certaine déception chez les Mauriciens…

12 mars 1968, le jour J. Les Mauriciens étaient nombreux au Champ de Mars, 100 000 selon la presse. L’ambiance était enjouée. Les anti-indépendantistes cloîtrés et déçus, suivaient les cérémonies à la télé. Les élus du PMSD observant la consigne de boycott de Gaëtan Duval, leader du PMSD et de l’opposition parlementaire et n’étaient pas présents au Champ de Mars. La mairie de Port-Louis avait, quant à elle, décidé de se mettre en deuil en hommage aux victimes des bagarres de janvier.

A midi, la cérémonie elle même commença. Au pied du mât dressé au centre du Champ de Mars, Sir John Shaw Rennie, dernier gouverneur et Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR), nouveau Premier Ministre, assistèrent solennellement au remplacement de l’Union Jack par le Quadricolore. La cérémonie fut ponctuée de 31 coups de canon, tirés par la SMF, puis par les navires de guerre de quatre nations – britannique, américaine, française et indienne – au mouillage dans la rade.

La presse internationale était largement représentée: BBC, ORTF, Daily Mail, Financial Times, The Guardian, Le Figaro, Agence Tass, United Press, Hindustan Times… De nombreuses délégations étrangères étaient également présentes dans les loges du Mauritius Turf Club : celle de Grande-Bretagne, bien sûr, mais aussi celles des États-Unis, de la France, de l’Inde, du Vatican, de Tchécoslovaquie, d’Italie, de République Fédérale Allemande, de Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, d’URSS, d’Israël, de Guinée, du Kenya, du Guyana…

Dans son discours, SSR fit allusion aux anti-indépendantistes, les qualifiant de « parasites » et ne manqua pas de mentionner ses nombreux amis qui l’avaient accompagné dans la longue lutte menée pour l’indépendance, les Anquetil, Rozemont, Seeneevassen, décédés depuis. De son côté, le Secrétaire d’État britannique aux colonies, Anthony Greenwood, fit l’éloge des Mauriciens, issus de toutes les parties du monde qui ont su, selon lui, garder vivantes leurs religions et cultures.

Le lendemain de la cérémonie, eut lieu la prestation de serment du nouveau cabinet. Il était constitué, entre autres, de Guy Forget, Veerasamy Ringadoo, Abdul Razack Mohamed, Satcam Boolell, S. Bissoondoyal, Guy Balancy… En tout, 18 ministres formaient ce nouveau cabinet dont le Premier ministre était SSR.

Cette semaine historique fut clôturée par un banquet et une garden party. Le banquet officiel eut lieu au Collège Queen Elizabeth, servi par la maison Vatel. La garden party réunit plus de 3 000 personnes au Jardin de Pamplemousses et se termina par des feux d’artifices, dans la joie d’une aube nouvelle qui s’ouvrait pour la petite perle de l’océan Indien …

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