La sentinelle de la Pointe aux Canonniers…

A l’extrémité nord de l’île Maurice, à l’endroit qui sépare le versant exposé aux alizés et la côte sous le vent, se trouve la Pointe aux Canonniers… Le nom résonne comme le grondement d’une bataille. Et ce n’est pas un hasard puisque le nord a été pendant plusieurs siècles la porte d’entrée de l’île et le théâtre d’affrontements entre Français et Anglais durant les Guerres Napoléoniennes. Durant tout le 18e siècle et une partie du 19e, la pointe a abrité une batterie et des fortifications destinées à protéger l’entrée nord de l’île.

Le site est occupé dès le début de la présence française (qui dure de 1721 à 1810), preuve de son importance stratégique pour la protection de l’île. La Compagnie de la Mer des Indes qui contrôla l’Isle de France pendant une bonne partie du 18e siècle, y fit aménager un batterie de canons afin d’assurer le contrôle sur l’entrée nord. Il faut dire qu’à cette époque les rivalités entre grandes nations faisaient rage sur la route des Indes et l’Isle de France avait une importance stratégique.

De plus, la plupart des navires qui voulaient entrer à Port-Louis, devaient se présenter au plus près de la pointe nord afin de se laisser ensuite porter par les vents dominants vers l’entrée du port. Avec la présence d’une batterie à la pointe nord, la défense de l’île et de son port principal était ainsi assurée.

La batterie de la Pointe des Canonniers comprenait entre 15 et 20 canons, 4 bombardes et des mortiers, le tout à l’abri de remparts qui couraient tout le long de la pointe rocheuse. Les fortifications abritaient aussi une poudrière. La tour, quant à elle, fut construite un peu plus tard. Dotée d’un canon monté sur un affût mobile elle dominait l’horizon, rendant la batterie quasiment imprenable.

L’aménagement de la batterie des canonniers se fit par étapes successives afin d’améliorer régulièrement les infrastructures. Elle débuta en 1750, sous la supervision de Jean-François Charpentier de Cossigny, ingénieur militaire. Charpentiers français, tailleurs de pierre indiens et esclaves africains furent tous mis à contribution. Les matériaux, de la pierre basaltique de la chaux, du bois de natte, étaient trouvés sur place.

Lorsque l’Isle de France fut la cible des navires anglais durant les guerres napoléoniennes, la batterie des canonniers fut très active. Les navires anglais qui rôdaient au large se retrouvaient régulièrement sous leurs feux. Aussi, lorsque les Anglais prirent possession de l’île en 1810, ils évitèrent soigneusement de s’exposer au feu de la batterie des canonniers et débarquèrent quelques milles plus au nord. Leur premier objectif fut de s’emparer du fort, ce qui fut fait le 30 novembre 1810.

Sous l’occupation britannique la batterie connut certaines modifications. Sa puissance de feu fut sensiblement augmentée il y fut construit un pavillon pour les officiers en poste et des baraquements pour les soldats. Le fort demeurait le gardien de l’île mais pas seulement au plan militaire. Ainsi, en 1855, la tour fut transformée en phare pour guider les navires dans leur approche vers Port-Louis. Le site fut finalement démilitarisé en 1895 et commença à sombrer dans l’oubli. Il fut par la suite racheté par une famille franco-mauricienne qui en fit sa résidence secondaire, jusqu’à l’établissement d’un premier hôtel en 1990.

Aujourd’hui le site abrite Le Canonnier un établissement hotelier du groupe Beachcomber qui a savamment su intégrer infrastructures hôtelières et vestiges historiques. C’est à la fin des années 90, puis en 2005, lors de deux rénovations successives que Le Canonnier prend toute sa dimension historique. Les travaux révèlent de nombreux vestiges autour desquels les nouvelles infrastructures hôtelières sont aménagées.

Dans les parties communes, la pierre et le bois sont omniprésents, conférant à l’établissement un air délicieusement suranné. L’histoire y est présente un peu partout. De vieilles pierres qui n’en ont pas l’air mais qui sont authentiques… Une bombarde au pied des marches du restaurant. Posé à même le sol, un canon en bronze pointe une gueule inoffensive. Une citerne remise au jour, autour de laquelle est construit le spa, et enfin majestueuse au coeur du jardin, se dresse la tour fortifiée devenue phare dont les vieilles pierres scellées par la chaux, abritent désormais le mini-club de l’hôtel.

Depuis le 1er octobre 2013, le Canonnier a mis en place un parcours guidé dans l’hôtel avec pour objectif de raconter l’histoire du site. L’ancienne batterie des canonniers est finalement devenue une attraction touristique. Une reconversion réussie pour la sentinelle de la Pointe aux Canonniers…

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