Dans un pamphlet intitulé “Une certaine idée de l’île Maurice” et publié à la veille des élections de 1976, Sir Gëtan Duval partage avec les Mauriciens sa vision de l’île Maurice et donne sa version de certains faits qui ont marqué l’histoire du pays.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Colonial Office chercha à instituer de manière systématique des administrations indépendantes dans les colonies. De plus, de fortes sommes furent investies dans la lutte contre les pandémies et dans le développement des infrastructures. En 1965, la vie politique était animée par plusieurs partis qui représentaient les différentes tendances en présence mais aussi les différentes catégories de la population.
“D’un côté il y avait le PMSD qui réclamait l’association à la Grande-Bretagne et de l’autre le Parti Travailliste et l’IFB qui réclamaient l’indépendance, avec le CAM qui avait un rôle équivoque”, rappelle Sir Gaëtan Duval dans son pamphlet “Une certaine idée de l’île Maurice”. Le PMSD réclamait l’autonomie de l’île Maurice immédiatement mais voulait garder une forme d’association avec la Grande-Bretagne jusqu’au moment où celle-ci se joindrait au Marché Commun, la Communauté Economique Européenne (CEE), devenue Union Européenne.
Issue du traité de Rome de 1957, le Marché Commun regroupait l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, et les Pays-Bas. Le PMSD pensait que Maurice aurait ainsi pu réclamer, au même titre que l’île de La Réunion, non pas l’association au Marché Commun, mais une participation pleine et entière qui garantirait, non seulement un marché à nos sucres et nos autres produits mais aussi la libre circulation et le droit d’installation des Mauriciens dans tous les pays du Marché Commun.
“D’un seul coup, cela mettrait fin à tous nos problèmes: la vente de nos sucres, le chômage et le surpeuplement”, commente Gaëtan Duval. Il faut rappeler en effet que durant les années 60 Maurice était durement frappé par le chômage, que la population grandissait vite, que le contrôle des naissances était devenu un enjeu national et que le sucre était à la merci des taux en vigueur sur le marché mondial. Tout cela avait fait un éminent économiste britannique dire que “Mauritius was doomed”…
En 1961, le Professeur James E. Meade (né en 1907 et Prix Nobel de sciences économiques en 1977), débarqua sur l’île avec une délégation officielle dans le but d’évaluer la situation économique de la colonie anglaise, sous l’ordre de sa majesté. De cette visite découla un rapport qui, en couvrant différents angles tels que la démographie et le chômage, était destiné à donner au gouverneur de l’île un diagnostic de sa santé économique. Le constat fut sévère, notamment par rapport à la croissance démographique et à l’urgence de diversification économique.
Au milieu des années 60, les dirigeants travaillistes ne pensaient pas une seconde que l’Angleterre intègrerait la CEE et ne croyaient donc pas à la théorie avancée par le PMSD. En 1967, la Grande Bretagne avait entamé une procédure pour rejoindre la communauté européenne en compagnie du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège. Mais le président Charles de Gaulle voyant l’entrée du Royaume-Uni comme un “cheval de Troie américain” utilisa son droit de veto, et les demandes des quatre pays furent d’abord rejetées.
Mais le premier élargissement eut finalement lieu le 3 mai 1973 avec l’adhésion de la Grande-Bretagne qui avait entamé des négociations sous le gouvernement pro-européen d’Edward Heath à partir de 1970, de l’Irlande et du Danemark. Entretemps, l’île Maurice avait, elle, déjà acquis son indépendance et allait bientôt négocier la signature du Protocole sucre…