2024, année électorale (X) – Une ère nouvelle

Par Thierry Chateau

Citoyens, électeurs, peser, labourer, travayer, sofer, timarsan, fonktioner, gran dimoun, zeness

Mais aussi vous, partisans, partisanes, activistes, vous qui faites partie de structures qui critiquent les atteintes à la démocratie, alors que les partis politiques auxquels vous appartenez sont dynastiques, autocratiques et n’ont de la démocratie que la simple apparence, même si les jours d’assemblée des délégués ou de bureaux politiques ils laissent le droit à la parole, pour que les leaders se donnent bonne conscience au moment de prendre des décisions connues d’avance… Vous membres des partis n’en avez-vous pas assez du monopole exercé par ces chefs, leurs bras droits et leurs bras gauches, qui vous traitent souvent comme de la chair à canon bonne à battre inlassablement le pavé ? Ne vous sentez vous pas capables de représenter vous-mêmes ces concitoyens que vous vous évertuez à embrigader ? Et défendre de vraies valeurs, de beaux projets, un vivre ensemble, loin, très loin des préoccupations pouvoiristes de vos chefs ?…

Et vous, électeurs, qui avez pris la décision d’aller voter, êtes-vous décidés à changer la destinée de votre pays ? Si vous n’avez pas lu tout ce qui précède ou que vous n’en avez rien à faire, songez au moins à entraîner tous ceux qui sont en âge de le faire, frères, sœurs, cousins, amis, abstentionnistes convaincus, lève-tard incorrigibles, râleurs patentés, konn-tou notoires, à vous suivre au bureau de vote. Faites-les voter.

Pourquoi vous ? Parce que vous voulez débarrasser votre pays, la société mauriciennes, de ses mauvaises habitudes. Parce que vous voulez lui donner un nouvel élan, corriger les erreurs du passé, faire fi du déterminisme qui veut que Maurice soit uniquement cette terre d’immigration où nos ancêtres prirent racine par défaut plus que par choix. Colons qui fuyaient l’Europe ou cherchaient fortune ailleurs, esclaves arrachés à leurs racines, travailleurs engagés qui repartaient ou qui restaient dans des conditions pitoyables… C’est cela l’ADN du Mauricien, qu’on le veuille ou non, qui veut qu’il s’accroche désespérément à son petit pré carré, isolé au milieu de cet océan qui limite ses mouvements, de peur qu’on le lui reprenne, ce faisant sans se soucier de ce qu’il y a autour de lui.

Dotés d’un tel passif, nous avons mis en place un modèle fragile qui garantit notre survie et celle de notre pays. L’une des caractéristiques de ce « business plan » est l’équilibre économique qui repose en grande partie sur ce que l’on appelle pudiquement le « dialogue secteur privé/secteur public ». Or, cette collusion entre deux oligarchies qui veulent se partager le gâteau qu’est l’île Maurice se fait la plupart du temps au détriment des autres Mauriciens. Et ce n’est pas tant de ramasser les miettes qu’il s’agit, désormais, mais bien de participer aux prises de décisions et à l’une d’elle en particulier : celle qui consiste à effectuer un nouveau départ, faire table rase, poser les bases d’une nouvelle ile Maurice.

Tous les Mauriciens n’ont pas la même vision pour leur pays. Mais la liberté d’expression implique qu’à des moments où le choix est en jeu, les opinions s’exposent. La mienne est un combat contre ce que je considère être nos mauvaises habitudes. Pour s’en débarrasser, il nous faut des réformes ET une (r)évolution

Si des changements significatifs sont intervenus au fil des mandats, aux niveau social et économique, surtout, cela reste largement insuffisant.

Les faits : l’internationalisation de Maurice, les bienfaits de l’Internet (qui a aussi ses effets pervers) pour tous, le niveau de vie qui augmente, l’ascension vers la catégorie des pays à hauts revenus qui se poursuit, le niveau d’éducation qui le suit – quoique ce soit plutôt l’écart qui se réduise entre les bons et les moins bons – et le niveau de qualité qui baisse, la modernisation des infrastructures, la sophistication de notre environnement de travail, surtout dans des secteurs identifiés arbitrairement par ceux qui se considèrent comme l’élite. Toutes ces avancées constituent les clés en faveur du progrès mais ouvrent-elles les bonnes portes ?

Dans les arcanes de l’Etat, on peut entrevoir un infime rai de lumière au bout du tunnel de la médiocrité rampante et de la bureaucratie paralysante. Par exemple, au département Energies renouvelables du CEB, à l’unité de cardiologie de SSRNH, au nouvel hôpital de cancérologie, au service clientèle de Mauritius Telecom, dans les autobus électriques de la CNT, dans l’administration des services aéroportuaires… et j’en ai probablement omis quelques-uns, mais pas beaucoup.

Tous ces efforts restent hélas insuffisants. Car tout le reste ne relève que de soutions cosmétiques à des problèmes de fond et auxquels je reste fondamentalement opposé. Car cosmétique rime avec économique et écologique pas avec nature et humanité. Nature humaine …

Comment arriver à mettre la nature humaine au premier plan ? En manifestant notre volonté de mettre un frein à la déshumanisation de notre société et du système qui la régit. On privilégie la machine économique aux aspirations humaines. Les lois sont faites plus pour brimer et contraindre que récompenser et encourager. Manifestations et grèves ont disparu de notre paysage. Est-ce menacer l’ordre publique que de se faire entendre ?

En France, modèle de démocratie s’il en est, on use de ce droit et on en abuse, mais les droits des citoyens y sont vifs : un chef tout puissant qui se fait apostropher dans la rue, une date fixe pour les échéances, des élus sans castes, et des manifs pour appuyer ou combattre des reformes… Le Mauricien, lui, a quatre ou cinq fois moins de choix de faire fonctionner la démocratie

Pourtant, s’il y a des réformes qui sont de plus en plus pressantes à entreprendre au niveau de ce que l’on appelle les secteurs-clés, comme la refonte des institutions publiques et du fonctionnement politique, la protection des écosystèmes face aux dangers des changements climatiques ou aux perturbations économiques et géopolitiques mondiales, l’autonomisation, l’innovation, la diversification, la sophistication, la plus grande réforme à entreprendre est celle de nos pensées, de nos idées, de notre mode de vie.

Un exemple du mal que nous avons commis : en 400 ans d’existence coloniale puis néocoloniale et post coloniale, +90% de la forêt originelle mauricienne a été détruite. Avec la rage de développer, que reste-t-il ? L’homme prend de plus en plus de place, avec ses villes, ses morcellements, ses tramways, ses Malls

Parallèlement, on assiste à une décomposition de nos habitats urbains, biotopes de l’Homo mauricianus :  à Port-Louis ou les drains sont bouchés, à Trèfles ou les bus ne passent plus, à La Source ou le tout à l’égout est a l’air libre, et dans de nombreuses cites ou la drogue coule à flots… (je cite ici des exemples de lieux où je vais régulièrement) Et la recomposition se fait encore une fois au détriment de tout humanisme, derrière des murs en béton, des clôtures électrifiées et dans des ghettos pour riches, les gated communities taillées sur mesures.

L’Etat ne doit pas permettre au développement d’étendre ses tentacules. La législation existe, il faut l’appliquer. Mais cela n’incombe pas seulement à l’Etat, le citoyen a aussi sa part de responsabilité, il ne doit pas faire pression sur les élus pour pouvoir développer enn ti bout, ou enn gro bout. C’est pour cela que le citoyen qui devient électeur le temps d’un scrutin à la part la plus importante de cette responsabilité : son choix ne doit pas être imparti de cette mentalité de roder bout, de rod lavantaz, première étape vers ce changement d’habitudes et d’attitude.

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