2024, année électorale (XI) – Island City State

Par Thierry Chateau

Les années 20 marqueront la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère, pour la clé de la Mer des Indes, perle de l’Océan Indien, celle de l’île-ville. C’est l’appel de la modernité qui souffle comme une brise de mer transportant les effluves enchanteurs de cités bâties par des civilisations enfouies. Pourquoi ne pas y répondre ?

C’est une option et nous avons toutes les raisons de la prendre parce qu’elle nous ouvre les portes de la nouveauté. Cependant, un choix métaphysique s’impose à nous, avant même que nous ayons à tenir compte de considérations sociales, urbaines ou environnementales. Avec un œil rivé sur le rétroviseur de l’Histoire et l’autre scrutant l’horizon nous devons nous poser la question suivante : que voulons-nous comme avenir ? Pour y répondre tâchons d’être inspirés et lucides.

Depuis les débuts de l’occupation humaine de l’île, les Mauriciens n’ont jamais cessé de couper, de trancher dans le paysage, Comme tous les peuples du monde les Mauriciens ont modelé leur environnement immédiat, en fonction des besoins socio-économiques du moment. Ils ont aménagé des domaines, des jardins, des champs de canne à sucre, enlevant ébéniers et palmiers pour les remplacer par des casuarinas et d’autres espèces exotiques. Des options furent prises, des choix furent faits, suivant un contexte donné. Y en avait-il d’autres, a-t-on eu tort ? Fallait-il abandonner l’île et la rendre aux dodos ? Ce n’est pas ce qui fut fait…

Aujourd’hui, il n’y a pas lieu de regretter quoi que ce soit mais, bien au contraire, de donner à l’œuvre humaine toute sa dimension en gommant les erreurs et en rajoutant au tableau les détails qui en feront un chef d’œuvre. Inutile de faire un dessin. Nous avons l’île que nous méritons, elle s’étale tous les jours devant nos yeux. Les visiteurs qui nous arrivent chaque jour par milliers pour toucher du gros orteil le sable blond du paradis ne cessent de nous le répéter : on est bien au paradis !

Or, nous Mauriciens, ne rêvons que de ce que nous n’avons pas chez nous, du moins pas encore. Nos regards sont perdus ailleurs… Allez, avouons-le, pour nous le paradis n’aurait-il pas plutôt un air de Champs Elysées, avec des allures de Piccadilly Circus et un rythme de Times Square ? Avec le soleil qui se couche dans un souffle de petite brise tropicale ? Le rêve…

Sur le front de mer de Port-Louis, le rêve de l’Ile Ville s’est matérialisé. Le 21e siècle y était déjà en embuscade, déguisé en 20e siècle, bel exemple de ce que l’on peut faire de neuf et de brillant dans un vieil espace usé qui n’avait plus rien à voir avec les images qui enchantèrent Charles Baudelaire. Le beau s’est installé dans un espace entièrement reconstruit. J’ai une envie folle et pressante de voir ce rêve s’accorder en genre et en nombre, se prolonger tout au long de l’autoroute M1 avec, sur son parcours, des espaces de vie qui s’égrènent comme un chapelet et se matérialisent en une arabesque, serpentant d’un bout à l’autre de l’île.

Avec ses +2 000 km2, la proposition est claire : toute île doit respirer, toute ville doit respirer. Ici l’agriculture doit laisser la place à la culture. Plantation domestique, potagers, vergers. L’élevage, pratique qui demande plus de compétences (gestion des déchets, santé animale, etc) peut être confié à certains spécialistes. La pêche doit faire son retour sur les côtes, l’aquaculture doit suivre.

Comme je l’ai dit au début, le choix incombe avant tout à chacun d’entre nous, Mauriciens d’aujourd’hui afin que demain soit meilleur qu’hier. Le Mauricien doit désirer son avenir. Il doit rêver à ce qu’il aimerait avoir autour de lui, en milieu urbain ou rural, dans cette Ile-Ville qui se dessine

Maurice n’est pas Singapour, ni Dubaï mais nous avons les mêmes limites d’espace. Ce qui veut dire que nous n’avons pas beaucoup de choix non plus. Mais nous devons avoir une ambition : pourquoi ne pas vouloir devenir The Best place to be, to live in the world ?

Auckland, Vancouver, Helsinki… Quels sont leurs points communs ? Climat, transports, hygiène, sécurité, loisirs, architecture, sites culturels et environnement, qualités de la population (éducation, tolérance). Les meilleurs endroits au monde sont des endroits ou l’homme vit ou alors s’ils sont désignés comme tels ils le sont par rapport aux critères de beauté définis par l’homme. Soyons donc honnêtes avec nous-mêmes : le milieu urbain est bien celui qui nous sied le mieux.

Le transport est le lien essentiel entre les différentes zones, un transport a vocation urbaine, électrique pour le littoral et tramway pour les plateaux, avec un long serpent entre Grand Baie, Port-Louis et sa périphérie, Curepipe et Mahébourg avec des axes de liaison sur Goodlands, Triolet, Moka, Rose-Hill, Rose Belle lesquels étant à leur tour des centres névralgiques pour leur périphérie. Et du vélo pour les zones à circulation réduite et le grand retour de la marche…

Notre espace naturel est terrestre et marin, celui-ci devenant le prolongement des parcs terrestres avec une extension de la ceinture verte autour de Rivière du Rempart, Flacq, Bel-Air, Rivière des Anguilles et Rivière Noire dans les zones vertes de Nicolière, Montagne Bambous, Riche en Eau, Bénarès et le Parc National et des parcs marins autour des grands îlots avec replantation de mangrove a Ile aux Bénitiers, Ile d’Ambre, Ile aux Aigrettes…

A partir de là, un aménagement en cercles concentriques, en développant à partir du bâti et non l’inverse. L’architecture amorcerait un retour vers le beau, restant du solide mais dans la logique du durable c’est-à-dire de la pierre au béton mais en harmonie avec le naturel. Les bâtiments seront intelligents et verts depuis les maisons individuelles jusqu’aux cités à étages. Car notre avenir repose aussi sur la construction en hauteur plus qu’à l’aménagement en largeur.

Faisons de notre île une œuvre d’art de l’homme dans la nature et dans l’architecture. Donnons-lui toute l’attirance voulue pour nous et pour nos visiteurs, ceux-ci devenant les Mauriciens de demain, parce que l’île a toujours été ouverte aux immigrants, travailleurs bangladais ou businessmen sud-africains, quelle différence ? Il suffit de maintenir le test de passage, la mise à l’épreuve. Autrement dit, il faut gagner le droit de vivre à Maurice

Mais finalement tout cela doit se faire de concert en une vaste symphonie célébrant le vivre ensemble. Le financement vient avec les investisseurs d’ici et d’ailleurs, les aménagements avec les meilleurs ouvriers de l’intérieur comme de l’extérieur qui deviennent les artisans à salaire élevé de l’œuvre gigantesque à l’échelle planétaire. Tout cet ensemble créant de la richesse économique et artistique, du savoir-faire et de l’innovation, du bien-être et du divertissement, en faisant des Mauriciens le peuple le plus heureux du monde.

Tout cela, nous devons en parler autour de nous, en faire la promotion, y croire et le réaliser. Cela s‘appelle de la politique, de l’organisation de la vie dans la cité, un devoir qui nous incombe, une tache beaucoup plus motivante et captivante que d’être le spectateur passif d’un éternel combat des chefs.

***

Dans tout ce qui précède j’ai fait valoir ma liberté d’expression, au risque de me faire vilipender, mais j’ose aussi faire un exercice de partage, qui je l’espère sera utile. C’est ma vision et elle n’est probablement pas partagée par tout le monde –encore une fois ressurgit la problématique majorité-minorité- mais je connais beaucoup de Mauriciens qui sont prêts à s’engager dans la défense et la mise en pratique de valeurs universelles telles que l’égalité, la justice, l’auto détermination… qui transcendent religion et coutumes, bonnes attitudes vs mauvaises habitudes.

Bien avant le vote, celui-ci étant l’étape finale, il y a la révision avant l’examen.

Alors chers concitoyens, électeurs, peser, labourer, travayer, sofer, timarsan, fonktioner, gran dimoun, zeness, non, je ne vous ferai pas l’insulte, après tout ce qui précède, d’établir un pronostic arithmétique, circonscription par circonscription, alliance contre alliance, parti par parti, pour savoir si ce sera Navin ou Pravind, Rajesh ou Roshi, Xavier, Paul, Shakeel, Reza et les autres, qui va l’emporter et avec combien de sièges…

Mon pronostic se rapporte plutôt au nombre de votes, au choix éclairé de tous et mon espoir est que Maurice soit élu en tête de liste dans toutes les circonscriptions.

J’ai écrit ce texte pour que ma jeune épouse et mes enfants – et surtout la plus jeune qui sera en âge de voter dans 18 ans – puissent voir le rêve devenir réalité. Soyons honnête et surtout réaliste : il nous faudra encore une génération pour que tout cela puisse avoir une chance de changer.

Au moins quatre élections donc… Mais si nous ne commençons pas maintenant à planter la graine à insuffler les bonnes attitudes à se débarrasser des mauvaises habitudes, eh bien, cela n’arrivera jamais. A moins que, encore une fois dans ce schéma d’affrontement à distance majoritaire-minoritaire, nous ne voulons pas tous la même chose pour notre pays, c’est à dire ce qu’il y a de meilleur.

Citoyens, électeurs, peser, labourer, travayer, sofer, fonktioner, gran dimoun, zeness, avons-nous fait ce qu’il fallait dans nos familles, dans notre rue, sur notre lieu de travail ? Comme dit plus haut, je cite l’exemple de ce très vieux monsieur qui est Edgar Morin, philosophe français qui ose encore alerter ses concitoyens sur les mauvaises habitudes et tous les dangers qui s’y attachent en leur proposant une autre voie, un engagement.

Ce que je souhaite pour mon pays c’est qu’il soit une île plus verte, plus propre, plus bleue, plus égalitaire, plus sûre, plus riche, plus abondante, plus moderne, afin qu’un maximum de nos compatriotes vive dans le confort, la sécurité, l’égalité, bref, dans le bonheur… Mais cela c’est tout un programme et je doute que ceux qui veulent nous gouverner soient tous capables de le mettre en pratique.

Engageons-nous, donc, soyons les interfaces de nos futurs députés afin qu’ils ne décident plus à notre place, à notre insu. Les jeunes affirment vouloir regarder la gestion de la chose publique à travers un autre prisme que celui qu’on leur impose depuis des décennies. Sachons écouter nos enfants et répondre à leurs aspirations.

Erigeons nous en cette force de proposition qui vient de la base, point de départ d’une véritable révolution des pensées, des mœurs et qui permette de mettre en place une organisation optimale de la vie publique.

FIN

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