Remy Ollier, le metis flamboyant

Il est mort un 26 janvier 1845 dans des circonstances douteuses… Enseignant, homme de lettres, journaliste, Remy Ollier était surtout un homme passionné. Ardent défenseur de la population, il s’est élevé courageusement contre la haine et le mépris de l’oligarchie, au péril de sa vie. Disparu trop tôt, il aura cependant jeté les bases de la liberté d’expression dans l’île Maurice du XIXe siècle.

Rémy Ollier naît en 1816 à Grand Port. Il est le fils de Benoît Ollier, capitaine d’artillerie et de Julie Guillemeau. Dans la biographie qu’il a réalisée de lui, le grand écrivain mauricien Marcel Cabon précise qu’il est “né mulâtre”.
A Beau-Vallon, le jeune Rémy connaît une enfance dorée. Il est surtout un élève brillant, doué pour la littérature. Malheureusement, son père meurt après avoir fait de “mauvaises affaires” et, à 16 ans, Rémy se voit contraint de trouver un emploi loin de sa famille, chez un négociant de Port-Louis. Mais le jeune homme n’est pas fait pour être commis. Il préfère la poésie et la politique. Aussi, lorsqu’un groupe d’habitants du Grand Port, résolument opposés à l’abolition de l’esclavage, est accusé de complot contre le gouvernement, il passe plus de temps dans les tribunaux à suivre le procès que derrière le comptoir à ranger la marchandise. Le jeune homme finit par devenir répétiteur de français dans des écoles de Port-Louis.

Grand, le teint pâle, le regard fiévreux, Rémy Ollier est déjà, à 21 ans, un passionné. “Il est d’époque”, comme le dit Cabon. Nous sommes en effet à une époque où l’émancipation des gens de couleur est un sujet de brûlante actualité. C’est aussi l’époque du Père Laval où la misère ronge les villes et les campagnes, plus présente que le luxe et la volupté décrits par Charles Baudelaire. La haine raciale est, elle aussi, très présente dans la société, notamment dans les colonnes des journaux antiabolitionnistes qui n’hésitent pas, par exemple, à s’indigner qu’une pièce d’Alexandre Dumas, mulâtre flamboyant, écrivain de renom, soit jouée au théâtre de Port-Louis…

A ce mépris de l’homme de couleur, Remy Ollier exige un droit de réponse. Les journaux qui représentent tous l’oligarchie, le lui refusent. Par défi, sa lettre est publiée sous forme d’une feuille et distribuée parmi la population. Intitulée La Sentinelle cette feuille devient une publication régulière à partir du 8 avril 1843. Elle devient le fer de lance du combat pour l’émancipation de la population de couleur. A partir de ce moment Remy Ollier va mener un combat sans relâche contre le monopole des idées. Il devient du coup l’ennemi numéro un de l’oligarchie. Et le champion des gens de couleur.

Un autre aspect de son combat est la campagne qu’il entreprit pour réformer le système éducatif qu’il trouvait très élitiste et qui était carrément inégalitaire. Ses prises de position eurent un écho favorable auprès du gouvernement colonial qui finit par modifier les principes d’attribution de la Bourse d’Angleterre – favorable à un petit nombre d’étudiants seulement, issus de la population blanche. Cette bourse fut finalement accordée à un plus grand nombre d’étudiants, dont deux issus de la population de couleur, à partir de 1844.

Tout cela valut à Remy Ollier beaucoup d’animosité de la part d’une frange de la population. Un soir, le jeune homme fut sauvagement agressé dans la rue alors qu’il rentrait chez lui. Puis en septembre 1844, il tomba subitement malade. Il affirma qu’on l’avait empoisonné. En janvier 1845, après avoir bu de l’eau dont il affirma qu’elle avait “un gout amer”, il fut pris de violents spasmes a l’abdomen. Il mourut peu de temps après, le 26 janvier, d’une inflammation intestinale, selon le rapport médical de l’époque.

Pas une ligne sur la mort de Rémy Ollier dans les journaux. En revanche, les rues de Port-Louis étaient noires de monde le jour de son enterrement. Un cortège immense accompagna le corps jusqu’à la Cathédrale St Louis. Ses compatriotes étaient venus en très grand nombre rendre un dernier hommage à celui qui avait, au péril de sa vie, défendu leurs intérêts mais surtout la liberté d’expression et le droit à l’éducation.

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