Sir Gaëtan Duval : “toute politique de développement économique était subordonnée à une politique étrangère réaliste et efficace…”

Dans un pamphlet intitulé “Une certaine idée de l’île Maurice” et publié à la veille des élections de 1976, Sir Gëtan Duval partage avec les Mauriciens sa vision de l’île Maurice et donne sa version de certains faits qui ont marqué l’histoire du pays.

Dans le gouvernement de coalition post-indépendance, le PMSD hérita d’un nombre important de ministères. C’est à Gaëtan Duval qu’échut le Ministères des Affaires Etrangères auquel fut accolé celui du Tourisme, l’industrie naissante de l’île Maurice indépendante. Accepter un tel ministère relevait de la gageure. Mais le nouveau gouvernement réalisait que les Affaires Etrangères pouvaient être le moteur d’une économie à la recherche d’un nouveau souffle et minée par l’enjeu du plein emploi.

“Nous étions conscients que toute politique de développement économique qui supposait un apport étranger soit dans le domaine des investissements, soit dans celui du marché, était subordonnée à une politique étrangère réaliste et efficace”, insiste Gaëtan Duval. Dans son manifeste, il fait ressortir que l’option préconisée par le PMSD de s’appuyer sur une appartenance au Marché Commun ayant été rejetée par l’électorat lors du vote en faveur de l’indépendance, il fallait que Maurice trouve des moyens pour mieux écouler son sucre, trouver des sources d’investissements et relancer l’emploi. Il fallait donc essayer de tirer plein avantage de la Convention de Yaoundé, accord entre la Communauté Economique Européenne (CEE) et 18 ex-colonies africaines.

Gaëtan Duval prit deux initiatives qui s’avérèrent determinantes. D’abord, à la réunion de l’OCAM, organisation d’Etats africains, il fit voter une résolution demandant l’adhésion de Maurice à la Convention de Yaoundé. De passage à Paris, il demanda ensuite aux autorités françaises que les relations entre Maurice et la France tombassent sous la responsabilité du Secrétaire d’Etat à la Coopération, ce qui permettrait au pays d’accéder au fonds d’aide et de coopération, au même titre que les autres états africains francophones.

Faire de Maurice un trait d’union entre les pays adhérents à la Convention de Yaoundé et ceux du Commonwealth demeura, au fil des années, une constante de l’action de Gaëtan Duval et un credo de la politique étrangère mauricienne. Autre constante, la faculté de dialogue de Maurice avec les grands pays amis et une certaine complaisance adoptée par rapport aux Etats controversés comme l’Afrique du sud. Une attitude que n’approuvait par le Premier Ministre Ramgoolam…

Mais pour Gaëtan Duval il ne fallait pas se contenter de faire référence à l’Afrique du sud uniquement comme le pays de l’apartheid. Il fallait aussi tenir compte de son importance de grand producteur minier et de son rôle en tant que gardien de la route du Cap – on était alors en pleine Guerre Froide… A plus forte raison, lorsqu’on sait que Maurice était très dépendante du marché sud-africain à cette époque, à cause de sa proximité géographique, de son importance pour écouler la production de thé et de son apport en touristes. Aussi pour Gaëtan Duval, rompre avec l’Afrique du sud pour s’approvisionner en aliments d’Australie, accepter un prix inférieur pour notre thé et renoncer au tourisme, n’avaient pas de sens pour une jeune démocratie en quête de progrés économique et désireuse d’augmenter son niveau de vie.

“L’Afrique du sud existe, elle sera soutenue par l’Occident,sa disparition n’est pas pour demain”, martèle ainsi Gaëtan Duval dans son pamphlet, tout en espérant que“ la raison triomphera sur le plan intérieur, que les Blans et les Noirs finiront par s’entendre”. Il conclut en affirmant qu’il faut “insérer la présence de l’Afrique du sud avec ses richesses, son potentiel, son marché de touristes, dans les perspectives de développement de Maurice”. L’histoire lui donnera finalement raison…

Crédit photo GIS

Facebook