Le marronnage en héritage – 2e partie

Histoire(s) Mauricienne(s) et l’Atelier Littéraire mettent en lumière un aspect méconnu de l’histoire de l’esclavage, celle des premiers hommes et femmes qui ont lutté pour leur liberté et ont combattu l’oppression. On les appelait les Marrons…

Dès son arrivée à l’Isle de France en 1735, Mahé de La Bourdonnais lança une répression impitoyable contre les Marrons. Le gouverneur avait créé une maréchaussée spécialement pour leur donner la chasse. Ces opérations donnaient lieu à de véritables combats mais aussi à d’horribles exactions: les chasseurs étaient récompensés pour chaque Marron capturé.

L’un des premiers chefs de bande capturé par les hommes de La Bourdonnais s’appelait Sans-Souci, un Mozambicain qui avait pris la fuite en 1726. Il était à la tête d’une petite bande de quatre hommes armés de fusil, de trois femmes et d’un enfant. Ils avaient trouvé refuge dans la région de Flacq, au lieu connu aujourd’hui sous le nom de Sans-Souci et accomplissaient des raids réguliers sur les plantations. En novembre 1739, Sans Souci fut capturé par un détachement de chasseurs de Marrons. A l’issue d’un âpre combat, il fut capturé, roué de coups et brûlé vif.

Mais les Marrons continuaient à faire régner la terreur, surtout dans les endroits les plus reculés de l’île. Quelques années plus tard, un autre Marron tint tête à la maréchaussée. Il s’agissait de Barbe Blanche, un meneur d’hommes intrépide. Réfugiés dans la région du Morne Brabant, ses hommes et lui échappaient constamment à leurs poursuivants. Selon les témoignages, ils avaient trouvé refuge au sommet de la montagne qui s’élève à 555 mètres et dont le sommet, inaccessible, couvre une aire de plus de 15 hectares abritant une végétation luxuriante. Barbe Blanche demeura toujours introuvable…

Les Marrons vivaient dans les forêts, dans des cavernes, au sommet des montagnes ou à proximité des rivières. Si le site le plus emblématique demeure l’inexpugnable montagne du Morne d’autres endroits moins connus ont probablement été plus fréquentés par les esclaves en fuite. Les témoignages de l’époque citent par exemple la cascade de Chamarel, Piton-du-Milieu, la montagne du Pouce ou encore toute la région sud-est de l’île, notamment celle qui se trouve en amont de la Grande Rivière Sud-est, le plus long cours d’eau de Maurice.

On raconte qu’un esclave en fuite du nom de Diamamouve s’était réfugié dans cette région. Un jour, poursuivi par les chasseurs de Marrons, il s’était retrouvé acculé au bord d’une impressionnante cascade de 20 mètres de haut. Plutôt que de se rendre il préféra se jeter dans les eaux tumultueuses. On ne retrouva jamais son corps.

Entre les années 1810 et 1830, des centaines d’hommes, de femmes et de jeunes filles furent capturés pour marronage ou grand marronage (ceux qui avaient fui pendant plus de trente jours). Durant cette période il y eut entre 10 % et 20 % des Marrons qui étaient des femmes.

D’après le dessinateur et grand voyageur français J.G. Milbert, les Marrons avaient développé des méthodes pour communiquer, se repérer et brouiller les pistes. Ainsi, pour se protéger du froid humide des plateaux, ils se recouvraient le corps de lianes et de fougères qui les enveloppaient comme un scaphandre. Leurs camps étaient constitués de petites cahutes. Ils se nourrissaient de petits animaux, de fruits, de tubercules ou de brèdes.

Leur existence était aussi empreinte de mystère et de rumeurs laissant libre cours à l’imagination. On les accusait d’être des ogres commettant régulièrement des infanticides. On disait qu’ils tuaient les nouveau-nés pour éviter que leurs cris ne les fassent repérer… Décrits comme des bandits et des assassins par les colons et les propriétaires d’esclaves, ils étaient surtout prêts à tout pour conserver leur liberté et atteindre leur objectif ultime : retrouver la terre de leurs ancêtres.

Sources : Mémoires de l’esclavage et créolité, le patrimoine du Morne à l’île Maurice, de Sandra Carmignani

Cet ouvrage est disponible à l’Atelier Littéraire, 12 rue Saint-Louis, Port-Louis – Tel. 2082915

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